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22 février 2016 1 22 /02 /février /2016 15:49

Lundi 22 février 2016

UD CGT 13 : un congrès combatif, une inquiétude persistante...

 

Le dernier congrès de l’UD des Bouches du Rhône vient de se dérouler à Marseille (début février) et il a confirmé la ligne combative qui domine ce département depuis plusieurs années… « L’ennemi, c’est le capital » était le mot d’ordre du congrès. Les Fralib et les Chantiers Navals, symbole de cette résistance au capital sont applaudis à chaque évocation de leur nom !
Une CGT puissante avec plus de 40 000 adhérents et 1500 bases (plus de la moitié dans le privé), et qui continue de progresser en implantation, malgré des déserts syndicaux comme les plateformes logistiques en pleine expansion, et la désindustrialisation qui touche ce département comme d’autres.

 

La combativité contre le Capital !

Il est toujours enrichissant d’entendre la diversité des dénonciations des attaques patronales et étatiques dans tous les secteurs présents dans ce congrès bien représentatif (plus de 700 participants).

Tonalité combative donc, justifiée par l’ampleur des attaques que l’on subit, qu’on va retrouver dans cette série de citations extraite des interventions des congressistes :
« Être l’iceberg qui va faire couler ce Titanic…
Tous les doigts ensemble, on fait un poing et on peut les assommer.
La lutte amène la lutte. La cause, c’est la violence du capital…
Faire la convergence des luttes sur des bases de classe.
Combattre le gouvernement actuel comme on a combattu le précédent.
Contre l’état d’urgence, opportunité pour désarmer le mouvement social, qui menace d’aller encore plus loin : déposséder le juge judiciaire par rapport au Préfet.
Se prononcer clairement pour le retrait du projet El Khomry de réforme du code du tr
avail.

Intelligence collective de la CGT qui permet de surmonter les obstacles.
Faisons vivre la démocratie plutôt que d’en parler.
Contre les manifs d’une heure ou deux sans débouchés. Pas seulement manifester au Vieux-Port, leur foutre nos drapeaux dans le cul
!

Le CDI intérimaire, nouvelle invention…
Maisons de retraite mutualiste, où chacun paie selon ses possibilités et reçoit selon ses besoins.
Début de retraite : la paie, c’est comme si j’avais fait 7 jours de grève !
Les taxis, les paysans sont mobilisés ; nous les salariés, c’est quand qu’on y va ?
Dénonciation de l’accord de la fédé CGT des banques à la fusion de la Société Marseillaise de Crédit et du Crédit du Nord, perte des cent syndiqués locaux ! Exemple de corruption…
Les Comités chômeurs sont avec tous les autres salariés. Sans les uns et les autres, c’est plus diffici
le… »

 

Et puis plusieurs remarques en lien avec l’éjection du Secrétaire de l’UD sortant, qui était l’enjeu réel de ce congrès. Cette éjection était défendue par l’hôpital Nord ou les cheminots comme « un problème de personne » et un « manque de démocratie », comme souvent dans la CGT. Pourtant, c’est bien une orientation plus globale et plus combative qui a été validée contre l’ancienne direction, avec ses soubassements politiques compliqués (une majorité du PCF a voté en ce sens pour les orientations proposées par les militants de Rouges Vifs, contre une minorité qui défendait l’ancienne direction…).

« Il s’agit de choix dans l’orientation et la stratégie de la CGT...
Il est faux de dire que la démarche de convergence de l’UD vide les UL. C’est l’inverse…
Des fois, il est nécessaire d’être plus nombreux ceux de l’extérieur, pour aider la poignée qui résiste à l’intérieur. »
par rapport au reproche fait à l’ancien secrétaire de donner la priorité au renforcement local plutôt qu'à la convergence amenée « de l’extérieur ».

Une combativité réelle donc, la nécessité d’en découdre avec le patronat et le gouvernement qui s’exprime. Il ne faut pas prendre quand même ces remarques plus ou moins radicales comme l’essence de l’orientation CGT (le document de préparation du Congrès s’appelait “Document de réflexion” puisque la ligne générale est celle définie aux congrès confédéraux).

Une soirée de soutien aux luttes du peuple kurde viendra aussi ponctuer le congrès, qui s’est terminé heureusement par une Internationale (3 couplets entiers) sans la Marseillaise !

 

Confusion sur la défense de l’industrie

Malheureusement, cette combativité (qui n’est pas que de façade, une vraie solidarité mutuelle dans le département), est bridée par la confusion entretenue entre défense des intérêts des travailleurs et de l’industrie du département. Vieux débat dans la CGT ! (voir la section de ce blog « Défendre l'emploi industriel ? Le débat »).

 

L’exemple donné du sauvetage de KemOne (pétrochimie) est révélateur : partant du constat que la fermeture de l’usine (fabrication d’éthylène par crackage du pétrole) entrainerait en cascade des licenciements ou des fermetures dans les entreprises autour (voir ci-contre), la CGT a élaboré un plan de survie de cette « filière intégrée » qui souffre de « problèmes de gestion, pas de production » (la crise du capitalisme mondialisé… connaît pas !). Le syndicat a fédéré autour de ce plan tous les salariés de l’entreprise, car « personne ne connaît les usines mieux que nous ». La CGT a contacté les gros fournisseurs de KemOne (EdF, Total,…) pour qu’ils transforment leur dette en participation au capital, deviennent ainsi « partenaires » intéressés au maintien de la boite et participent au redressement des comptes au lieu de les couler ! Arkema, gros client, a aussi été associé à la solution proposée.

Plan qui a été finalement porté par l’Etat et ces entreprises (en écartant la CGT au passage, sans doute heureusement), et a effectivement permis le maintien de KemOne…
Tout cela est bien dans le droit fil du document de réflexion du congrès qui demande « la mise en place d’un pôle d’énergie afin d’organiser les productions françaises ». Est-on sûr de rester dans les limites du syndicalisme de classe (ou celui-ci ne pouvait répondre aux enjeux d’emplois ?) ? Que reste-t-il à critiquer du syndicalisme de cogestion à l’allemande ?? Plus fondamentalement, cette « solution » en est-elle vraiment une, face aux turbulences et à l'agressivité de la concurrence mondiale ?

 

L’analyse sous-jacente partagée par l’essentiel des participants au Congrès sur la place et le rôle de l’Etat laisse aussi pantois… L’idée est que la perspective de nationalisation est la solution de fond concernant l’avenir des grands groupes industriels et bancaires. Une fois qu’on aura pris le pouvoir d’Etat, évidemment ! Mais tant que les exploiteurs sont en place, et ça risque de durer d’autant plus, n’est-ce pas autre chose qu’une perspective strictement réformiste d’un aménagement du capitalisme et de conciliation d’intérêts opposés ?

On a quand même connu les nationalisations à la fin de la guerre, ou dans les années 80 avec Mitterrand, et on a bien vu que l’exploitation des travailleurs ne changeait pas avec le caractère nationalisé ou privé de l’entreprise… Dans les pays de l’ancien bloc de l’Est non plus !

Mais non, pour la majorité des congressistes, c’est une lutte contre le « libéralisme » pour s’emparer des rouages de l’économie nationale qu’il brade, nous rétorque-t-on…

Significativement, l’intervention gagnante à l’applaudimètre a été celle d’un syndicaliste du NPA exigeant la réappropriation sans indemnités du secteur bancaire…

On retrouve bien des débats qui resurgissent épisodiquement au fil des restructurations dans les secteurs industriels lourds, comme à Airbus en 2007 (voir l’article « Nationalisations d’Airbus (sous contrôle ouvrier) ? » qui reprend tous les arguments portés par les tenants de la nationalisation…)

Mais qui a tous les pouvoirs, dans l’économie comme dans les ministères, on fait comment ? On vote « bien » aux élections ?? Voilà la question politique qui est dégagée en touche…
Alors là, on n’a plus du tout la même vision du but syndical en tête…

Alors, oui à la convergence des luttes et à la combativité de classe maintenues dans les Bouches-du-Rhône, mais pas sans la perspective et la contribution à un véritable renversement du capitalisme…

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