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25 janvier 2016 1 25 /01 /janvier /2016 12:13

Lundi 25 janvier 2016

Sous-traitance propreté : conflit ouvert avec les Ports et Docks

 

Tous les articles à propos de la sous-traitance sur ce blog, ICI

 

Nous l’avons souvent rappelé, il y a un conflit récurrent avec la Fédération des Ports et Docks sur la syndicalisation du personnel de nettoyage.

Pour des raisons historiques (à une époque où la sous-traitance était très faible), le nettoyage a été rattaché à cette fédération, il y a des décennies. Au fil des ans, avec la décomposition du collectif de travail des grandes entreprises, le développement massif de la sous-traitance, toute la syndicalisation dans les sociétés de propreté s’est retrouvée rattachée à cette fédération, jusqu’au nettoyage nucléaire… Cela n’a évidemment aucun sens, mais c’est ainsi, et la FD des Ports et Docks défend becs et ongles son pré carré, à se demander ce qui se cache derrière cette hargne…

 

Petit rappel historique

 

La sous-traitance s’est développée massivement dans les années 90 - en particulier dans le nettoyage, sans que les syndicats y trouvent trop à dire (pareil que pour l’intérim dans les années 80). Tant qu’on ne touchait pas au noyau dur des travailleurs qualifiés organisés et dirigeants des structures syndicales… C’était un peu ça, un corporatisme aristocratique qui se désintéressait des secteurs les moins qualifiés et les moins protégés.

 

Depuis, la crise est passée par là : tous les secteurs sont désormais touchés par les vagues de restructuration successives et plus personne n’est à l’abri. Et on voit les ravages de la division et de la parcellisation du collectif de travail : sous-traitance de la restauration, du nettoyage, du gardiennage, de l’informatique, de certains secteurs de maintenance, de pans entiers de la production (emballage, logistique) et on voit même apparaître ces sites intégrés où les entreprises de sous-traitance sont sur place pour alimenter l’usine principale (c’était le cas à PSA). Sans parler des grands chantiers où sous-traitance se conjugue avec travail précaire ou détaché. L’objectif est clair : tirer vers le bas en termes d’avantages sociaux, de salaires, de précarité, de flexibilité…

De plus en plus revient donc l’idée que la division est l’arme de l’ennemi et qu’il faut au contraire lutter pour reconstituer le collectif de travail face à l’exploiteur commun, le donneur d’ordre.
D’où le retour en force du combat contre la sous-traitance. Dans le nucléaire (« Sous-traitance nucléaire, que veut la CGT ? »), dans l’hôtellerie (« Sous-traitance : reconstituer la communauté de travail ») l’idée revient qu’il faut remettre au premier plan les mot d’ordre de

Ré-internalisation de la sous-traitance
Egalité face à l’exploiteur commun
Unité des statuts et des droits

Voilà le contexte. Voilà ce qui doit être au cœur de la réflexion du syndicaliste de classe.
C’est ce qui se débat dans le nucléaire avec des hauts et des bas, c’est la position mise en avant par la CGT-HPE à Paris (Hôtels Prestige et Economique). C’est un petit pas dans ce sens qu’a fait la loi de 2008 qui reconnaît la communauté de travail sur un site donné. Et on voit même de petits pas dans les repères revendicatifs de la CGT (voir plus loin)

 

Un ennemi farouche, les Ports et Docks

 

La Fédération des Ports et Docks sait toujours se faire remarquer. On avait déjà noté sa présence musclée contre les écologistes à Saint-Nazaire en mars dernier (voir ICI) , on l’a vu ce week-end manifester aux côtés des commerçants, des petits patrons et des syndicats de police contre les migrants de Calais… (voir ICI)
Autres contextes, même histoire ?

Mais depuis des années, se dresse un ennemi interne farouche, la Fédération des Ports et Docks CGT, dont une partie est d’ailleurs totalement gangrenée par la corruption (« Nettoyage CGT : le syndicat HPE sur la sellette à l'UD de Paris à propos de sous-traitance »).
Cette fédération était allée jusqu’à signer le 12/12/2008 « l’avenant de la honte » à la CCN de la propreté qui édictait qu’un salarié d’entreprise de propreté n’est pas mis à la disposition de l’entreprise utilisatrice et n’est donc ni électeur ni éligible aux élections professionnelles des entreprises donneuses d’ordres (voir ICI).
Par jugement en date du 9 février 2010, aujourd’hui définitif, le Tribunal de grande instance de PARIS a fort heureusement annulé cet avenant.

 

Une brochure à Paris sur les droits des salariés de la propreté

 

Nouvel épisode. Sur Paris, l’Union Départementale, la CGT Culture et la CGT des Finances Publiques viennent de faire paraître un « Guide des droits des salariés de la propreté » (voir ci-contre). Un document un peu copieux de 124 pages qui n’est en fait que l’explication commentée du Code du Travail et de la Convention Collective pour ce qui concerne le secteur. Travail intéressant, mais pas de quoi fouetter un chat, d’autant que 124 pages, ça ne s’adresse pas au pékin moyen… Pas de prise de position franche pour la ré-internalisation, pas de dénonciation de la sous-traitance, la défense des droits tels qu’ils sont. Bref, pas une position syndicale révolutionnaire, tant s’en faut – du basique.

Mais dans trois pages au milieu (58 à 60) la brochure a le malheur de rappeler l’objectif de reconstituer la communauté de travail affirmé par la loi de 2008, les articles du Code du travail à ce propos, et les deux arrêts de la Cour de Cassation en ce sens qui permettent au personnel sous-traitant de participer aux élections DP (ou DUP) dans la société donneuse d’ordre.

Mon dieu, que n’a-t-on écrit là, crime de lèse Ports et Docks…

 

Les Ports et Docks et la Convention collective

 

La Fédération des Ports et Docks s’est du coup fendue d’un courrier (que nous nous faisons un plaisir de diffuser en intégral également ci-contre) exigeant le retrait immédiat de la diffusion de cette plaquette, dénonçant la remise en cause des règles internes de la CGT et tutti quanti.
Il faut absolument lire ce courrier, voir les arguments ainsi diffusés largement. La notion de communauté du collectif de travail est abandonnée, au profit de la défense de la convention collective.

Et là cela mérite qu’on s’y arrête, car c’est une sorte de tarte à la crème dans la Confédération : « Pas touche aux conventions collectives »… renforcée par tout un courant dont le POI se fait le porte parole.

Si la défense des Conventions a un sens dans les grands secteurs historiques (la Chimie par exemple), si le combat pour la généralisation des Conventions à un sens (Métallurgie), si le combat pour le regroupement des conventions est juste (Verre), il est d’autres secteurs où ce n’est pas pareil du tout.

 

Une nouvelle convention collective de la propreté a été rédigée en 1994 (la précédente, poussiéreuse, datait de 1981), précisément au moment de l’explosion de la sous-traitance (il n’y a pas de hasard) et a été progressivement développée et remplacée par une nouvelle en 2011.

Qu’on ne s’y trompe pas : le rôle de cette convention collective n’est pas au premier chef d’enregistrer des acquis gagnés pour les travailleurs sous-traitants, mais au contraire de faciliter le processus de sous-traitance en évitant les abus trop flagrants sources de conflits et en cadrant un minimum le cadre social pour faire passer la pilule. On retrouve un rôle similaire aux divers accords signés dans l’intérim à partir de 1983, dont un fameux accord sur le droit syndical en 1984 qui crée les conditions d’une bureaucratie syndicale en charge de la paix sociale…

Dans le cas précis de la propreté, la convention collective a pour rôle de faire avaler la pilule de la division de la classe et de l’éclatement, et d’empêcher la reconstitution du collectif de travail. Ce qui n’empêche évidemment pas de s’appuyer dessus comme garde-fou, mais il ne faut pas s’y tromper.

Et c’est ce jeu de la division que joue la FD des Ports et Docks, en plus pas gênée de défendre des syndicats ouvertement corrompus et briseurs de grève, comme le syndicat de la propreté parisien. Faut-il sur un site donné défendre la multiplication des conventions différentes, ou au contraire l'unité des statuts et la réinternalisation ?

La position des Ports et Docks a le mérite d’être claire. Elle choisit le camp de la division.

 

Le combat interne dans la CGT, Congrès et repères revendicatifs

 

Cette FD s’est donc opposée systématiquement aux grèves du nettoyage hôtelier, la voilà qui monte maintenant au front contre trois grosses structures parisiennes qui n’ont pourtant pas développé de positions très radicales.

L’heure est venue de porter le fer dans la CGT, partout où nous sommes confrontés à la sous-traitance. L’heure de revendiquer la ré-internalisation. L’heure de faire participer les sous-traitants aux élections professionnelles. L’heure de revendiquer les mêmes droits dans une entreprise donnée.

Et pour ce qui est de la négociation des conventions collectives, il sera bien possible de trouver le moyen de mandater des négociateurs ad-hoc, sous contrôle confédéral, qui agiront dans le sens de l’unité.

 

Les nouveaux repères revendicatifs ont un peu avancé sur la question (voir la fiche 10, ci-contre). La question de la ré-internalisation est ainsi abordée, « lorsque le lien de dépendance est important », ce qui est déjà ça. La notion de reconstitution de la communauté de travail est présente via le rappel de la loi de 2008. C’est un petit pas en avant, et il faut porter le fer contre les positions les plus réactionnaires (celles des Ports et Docks) pour faire avancer la reconstitution de l’unité de la classe dans un statut unique et avec le même patron.

On ne peut du coup que regretter l’absence de vrai débat sur ces repères revendicatifs au sein de la CGT, le CCN de novembre étant resté largement confidentiel et les textes seulement discutés par quelques structures fédérales ou départementales un peu motivées. Mais au-delà, qui en a entendu parler ? C’est bien dommage, cela aurait pu faire apparaître cette contradiction d’orientation dans nos rangs !

 

Voilà un enjeu bien vivant et bien concret pour le 51ème Congrès. Le projet de document d’orientation (voir ICI) aborde certes l’éclatement du salariat, ou la nécessité de redonner du sens à la communauté de travail, mais n’aborde même pas le combat pour l’égalité de traitement et l’égalité des droits avec le personnel des sociétés donneuses d’ordre… Il y a de la place pour des amendements !

 

Pour l’unité de la communauté de travail contre l’exploiteur commun !
Pour la ré-internalisation de la sous-traitance !
Syndicalisation des sous-traitants dans les entreprises donneuses d’ordre !
Contre les positions de division des Ports et Docks !
Vive l’unité de la classe ouvrière !

 

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