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22 avril 2008 2 22 /04 /avril /2008 16:57
Mardi 22 Avril 2008
Grève des sans-papiers : étouffement ou élargissement de la lutte ?

La grève des travailleurs sans-papiers s’élargit et se renforce. Près de 600 travailleurs de la région parisienne sont aujourd’hui en grève, le nombre d’entreprises touchées augmente et le soutien se développe dans toute la population. Les syndicats CGT les plus actifs sont sur la brèche pour faire signer la pétition de l’URIF, pour aller sur les piquets de grève encourager les camarades et porter leur soutien. Les collectes commencent, et tout est en marche pour un « gros conflit ».

L’URIF CGT organise d’ailleurs un meeting de soutien auquel nous invitons tous nos lecteurs parisiens à participer :

Mercredi 23 Avril à 19h00
à Paris, annexe de la Bourse du Travail E.Henaff
31 boulevard du Temple 75003 PARIS
Métro République

[Mise à jour 25 avril : voir le compte rendu du meeting sur le site de l'UD de Paris,
ici]

Or que constate-t-on ?

Que le mouvement reste cantonné à la région parisienne, alors qu’il est de la responsabilité de la CGT de l’élargir à tout le pays. Comment se fait-il que le lien ne soit pas fait avec les sans-papiers du CSP 59 qui ont entamé une marche sur Paris ? Comment se fait-il qu’aucun mouvement ne soit enclenché à Lyon, Toulouse, Marseille, Lille ou ailleurs, malgré d’ailleurs des sollicitations pressantes sur place pour entrer dans la lutte ? Comment se fait-il que les fédérations les plus concernées (commerce - qui en reste
au minimum, construction…) ne soient pas sur la brèche pour organiser la mobilisation ?
Nos camarades sans-papiers de tout le pays voient bien que la situation est favorable, que le rapport de force est en train de se développer, que c’est le moment, qu’il faut y aller. Il ne manque que le mot d’ordre, l’appel à la « grève générale des sans-papiers » qui permettrait de poser massivement et collectivement la question de la régularisation.
Pour notre part, à notre toute petite échelle, nous appelons partout, tous les sans-papiers à rentrer en grève, à se rapprocher des structures CGT, syndicats, UL, UD, pour organiser la lutte et le soutien. Nous appelons tous les syndicalistes de classe à exiger des structures CGT qu’elles développent le mouvement et organisent le soutien comme le fait pour l’instant l’URIF CGT, Union Régionale de l’Ile de France.

Au lieu de cela, on nous apprend, par médias interposés qu’une délégation CGT a été reçue Lundi soit par Hortefeux, et qu’une « issue de crise » semblait possible par examen "au cas par cas" des dossiers en cours par la préfecture (voir le communiqué de l’AFP ci contre).

TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS
La CGT reçue au ministère de l'immigration lundi 21 avril 2008, 22h15 | AFP

Une délégation de la CGT représentant les travailleurs sans-papiers en grève a reçu l'assurance lundi soir du ministère de l'immigration que les cinq préfectures concernées par la grève «allaient étudier positivement» les dossiers de ces salariés, a annoncé Francine Blanche, secrétaire nationale de la CGT.

«Nous avons pas mal avancé, on a peut-être devant nous une sortie de crise», a déclaré à l'AFP Francine Blanche au sortir d'une réunion au ministère de l'Immigration où elle était reçue par le directeur de cabinet de Brice Hortefeux, Thierry Coudert avec Raymond Chauveau, responsable CGT de l'Essonne.

«Il nous a été demandé d'apporter pour demain soir dans chacune des cinq préfectures tous les papiers de ces travailleurs en grève et nous avons reçu l'assurance qu'ils seraient étudiés positivement», a ajouté Francine Blanche.

La CGT soutient depuis mardi dernier avec l'association Droits Devant ! une grève de travailleurs sans-papiers dans la région francilienne. Selon Jean-Claude Amara, le porte-parole de cette association, le mouvement concerne maintenant quelque 600 travailleurs dans 17 endroits.

Francine Blanche et Jean-Claude Amara ont tous deux assuré que «l'ensemble des piquets de grève resteront en place jusqu'à ce qu'on ait la certitude que l'examen des dossiers avance bien dans les préfectures».

Le ministère de l'Immigration a confirmé lundi soir qu'il y avait bien «une avancée» et que les dossiers des salariés sans-papiers allaient être transmis par la CGT aux préfectures auxquelles «il appartiendra de se prononcer cas par cas».


Nous n’osons imaginer pas que la CGT suivra ce chemin. Ce serait liquider à la naissance un mouvement qui commence à peine, un rapport de force qui se construit et qui promet une grande victoire pour peu que l’on sache poser l’affrontement de classe au niveau où il doit se poser.
Nous n’osons pas imaginer que la CGT serait prête à lâcher le début de ce grand mouvement pour la régularisation de quelques dizaines de grévistes, alors que le conflit ne fait que débuter et que chacun sent la fébrilité du gouvernement qui craint le pire (voir l’ouverture de Hortefeux hier soir), et les brèches que cela commence à ouvrir dans le patronat, certains prônant même désormais une régularisation massive.
Nous n'osons pas imaginer que la CGT préfère la négociation "au cas par cas" à la lutte et la négociation collective.
Nous n’osons pas imaginer que la CGT poursuivra son orientation réformiste de « la négociation plutôt que le rapport de force » jusqu’à l’absurde, jusqu’à la trahison de la lutte en cours. Et pourtant, c’est bien ce qui s’est déjà passé sur
les régimes spéciaux et c’est ce qui nous fait craindre le pire.
Nous n'osons pas imaginer que la CGT reprend à son compte le communiqué particulièrement crapuleux (qui parle déjà de victoire, comme si le conflit était terminé et alors que rien n'est fait) de "Unis contre une Immigration Jetable" qui rentre complètement dans le jeu de Hortefeux :

"VICTOIRE DES 600 TRAVAILLEURS SANS-PAPIERS EN GRÈVE

Le gouvernement vient d'annoncer l'ouverture du processus de régularisation des 600 grévistes. À partir de demain, les cinq préfectures concernées (Paris, 91, 92, 93, 94) ouvriront spécialement des guichets afin d'engager concrètement ce processus de régularisation, sur la base des documents relatifs à la qualité de travailleur des grévistes (contrat de travail, fiche de paie, promesse d'embauche).
Ce processus de régularisation concerne également des femmes travaillant dans l'aide à la personne, à partir principalement de la promesse d'embauche. Des travailleurs non déclarés, sans fiche de paie ni contrat de travail, pourront également entrer dans le processus en produisant des pièces attestant de leur relation avec un employeur (badge de travail, planning, chèques de l'employeur, témoignages). En outre, le gouvernement a annoncé que les éventuelles mesures de reconduite à la frontière (APRF ou OQTF) pesant sur les grévistes ne feraient pas obstacle à leur régularisation.

Cette victoire est la résultante de la détermination des travailleurs sans-papiers, de l'unité de leurs soutiens (CGT et Droits devant!!), et ouvre une brèche fondamentale qui doit permettre la régularisation globale de toutes et tous les travailleuses et travailleurs sans-papiers, afin de mettre fin une bonne fois pour toutes à cet esclavagisme moderne.


Cela renvoie  malheureusement aux interrogations que nous  portions au début de la grève (et qui nous avaient valu quelques critiques, sur un supposé sectarisme de notre part). Nous le répétons : il y a dans la CGT sur la question des sans-papiers (comme sur tous les sujets d’ailleurs), affrontement entre une  position de plus en plus ouvertement réformiste et intégrée à la logique capitaliste (régularisation au cas par cas, valorisation de l’intérêt pour l’économie capitaliste, premier plan à la négociation et pas à la lutte) et une position de lutte de classe, qui met en avant l’unité de tous les exploités, avec ou sans papiers, contre l’ennemi commun, et la construction d’un rapport de force de classe pour faire plier les exploiteurs.
Cet affrontement devient de plus en plus visible, la déclaration de la délégation CGT hier soir au sortir du bureau de Hortefeux en est l’illustration.
Cet affrontement est aussi celui du choix des mots d’ordre : régularisation des travailleurs sans-papiers (voir le communiqué de UCIJ ci-dessus) ou de tous les sans-papiers ? Nos camarades qui font en ce moment signer la pétition (celle de l’URIF, qui appelle à régulariser tous les sans-papiers) dans les entreprises savent que c’est un point de démarcation. Certains sont prêts à signer si les grévistes paient des impôts, cotisent à la sécu, ont des feuilles de paie etc. mais tous les sans-papiers, ah, non alors !

Camarades, l’heure est à la mobilisation, partout, avec nos camarades sans-papiers. L’heure n’est pas à baisser les bras, mais à organiser la lutte. Partout, soyons sur le pont avec nos camarades, partout organisons la solidarité ! Pourquoi ne pas même imaginer des grèves totales sur les chantiers, en solidarité avec ceux des travailleurs qui se trouvent sans-papiers.
Nous invitons tous les lecteurs de ce blog à nous transmettre les informations en leur possession sur cette grève dans leur secteur, nous nous en ferons l’écho !

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