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17 mars 2008 1 17 /03 /mars /2008 16:29
Lundi 17 mars 2008
Les "3C" de la CGT : collective, crédible, concrète
Dans le journal Ensemble N°6 du mois de mars adressé à tous les syndiqués, la direction confédérale nous livre (page 13) sa conception du syndicalisme. Il s’agit d’un commentaire des résultats d’un sondage réalisé par l’institut CSA sur les attentes des salariés à l’égard du syndicalisme.
C’est tellement énorme que nous allons prendre le temps de citer le texte en totalité.


"La CGT est jugée sur sa capacité à formuler des propositions crédibles. La CGT occupe une  place centrale sur l’échiquier syndical. Elle apparaît comme une organisation puissante, le « premier syndicat de France ». Bernard Thibault est le seul leader syndical dont le nom est évoqué spontanément. Mais les prises de position et les actions de la CGT demeurent assez largement méconnues. Pour être en phase avec les attentes des salariés, la CGT doit se garder d’un positionnement purement défensif et de stricte opposition aux réformes, qui ferait douter de la pertinence de sa stratégie.
Ainsi,  par exemple, 9% des salariés souhaitent que la CGT s’oppose au gouvernement (moins 6 points en l’espace d’un an), 21% qu’elle soit plus critique à son égard et le pousse à infléchir sa politique (moins 5 points) et 52%, qu’elle soit plus constructive en faisant des propositions alternatives (plus 6 points). L’action de la CGT doit être à la fois collective, crédible et concrète (les 3 « C »). Collective : la CGT doit parler au nom de tous les salariés et pas seulement de certaines catégories d’entre eux et son action doit s’inscrire dans le cadre de l’intérêt général. Crédible, il s’agit de passer du « souhaitable » au « possible », ce qui implique de travailler le volet des propositions alternatives et leur financement. Concrète : partir du réel pour aboutir à un résultat palpable, sans renvoyer la solution du problème au lendemain. C’est bien la qualité des propositions formulées par les syndicats qui déterminera leur capacité d’entraînement et le degré de mobilisation des salariés."

En quelques lignes on comprend l’orientation réformiste.
Tout d’abord, on définit une politique syndicale à partir des résultats d'un sondage. Non pas sur l’avis des syndicats, sur un projet alternatif de société, mais sur un sondage de la population en général. C’est une des évolutions majeures du syndicalisme, comme de la politique politicienne : fonctionner par sondage, pour coller aux attentes des salariés. C'est l'opportunisme élevé à la hauteur d'une stratégie.
Le syndicalisme, depuis l’origine, c’est autre chose : c’est l’articulation entre les aspirations immédiates des salariés et le projet syndical d’un monde meilleur, libéré de l’exploitation et du salariat.
On ne défend pas n’importe quoi, sous prétexte que c’est ce que veulent les salariés ! Sinon, on pourrait, on aurait pu arriver à des revendications de division, entre hommes et femmes, français et immigrés, privé et public, actifs et chômeurs, une entreprise et une autre etc. Mais ne l'a-t-on pas déjà vu dans le passé ?

Ensuite, le commentaire confédéral nous affirme sur le syndicalisme doit être collectif et défendre l’intérêt général. Bien, qui est contre ? Mais pour immédiatement affirmer qu’on ne défend pas « certaines catégories » et qu’on doit s’inscrire « dans le cadre de l’intérêt général ». Les cheminots, agents RATP et autres bénéficiaires des régimes spéciaux apprécieront, et comprendront sans doute mieux la trahison de leurs avantages à l’automne dernier ! Il faut savoir comprendre les sous-entendus, la "langue de bois" est une vraie langue vivante qu'il faut traduire en permanence !
Ensuite, l’auteur de l’article s’acharne à nous convaincre qu’il faut être concret et crédible, parler « possible », financement, résultat palpable, et surtout ne  pas s’opposer aux réformes. Ce qui ferait « douter de la pertinence de la stratégie de la CGT ». Et quelle est cette stratégie, au fait ? Sinon l’acceptation du monde tel qu’il est, soumis aux lois du capitalisme ?

Enfin, nous nous permettons de contester les résultats même aux questions. Toute l'histoire du mouvement ouvrier, depuis les soulèvements du Moyen Age, montrent qu'à froid, c'est le réformisme spontané qui l'emporte chez les travailleurs, prisonniers jusque dans leur tête de l'exploitation et des médias. Alors que dans le feu de la lutte des classes, la classe ouvrière et les travailleurs sont capables des plus grandes choses et des plus grands projets. Le rôle du syndicalisme est justement de s'appuyer sur toutes les aspirations immédiates pour les entraîner vers cette perspective, parce que notre objectif final est d'en finir avec l'exploitation !
Normal que les salariés veuillent des résultats palpables, normal qu'ils veuillent des syndicats crédibles ! Et tous les défenseurs des contre-plans industriels qui n'ont eu que des échecs depuis des décennies et ont été incapables d'empêcher des millions de licenciements devraient tourner leur langue dans leur bouche avant de parler ! 


« Un autre capitalisme est possible », voilà désormais l’orientation de la direction de la CGT, qui propose de rabaisser encore et encore les revendications au niveau de ce qui acceptable dans des conditions imposées par le patronat, toujours plus difficiles. On se demande encore pourquoi la CGT n’a pas signé l’accord sur l’aménagement du marché du travail !

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