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30 avril 2024 2 30 /04 /avril /2024 14:39

Mardi 30 avril 2024

« Petites mains » film de Nessim Chikhaoui

 

Un film qui sort demain 1er mai sur les écrans, à voir.

C’est un film de fiction, sur la rencontre de plusieurs femmes de chambre dans un hôtel palace (très grand luxe) parisien, avec une grève en arrière-plan. La rencontre entre une jeune révoltée de 20 ans embauchée en sous-traitance, et une ancienne, en fixe et non gréviste, mais brisée par le travail.

Un film de lutte de classes, joyeux et sympathique, qui donne la pêche en ces temps moroses.

 

« Petites mains », c’est un film de fiction réaliste, si l’on peut dire. Tout sonne « vrai », les situations, la lutte des classes, les personnages, les dialogues, le jeu des actrices professionnelles, on s’y retrouve tout le temps ; cela donne un spectacle plutôt émouvant, qui ne fera grincer les dents que des bourgeois ou petits-bourgeois bien insérés dans le système – sans compter la bureaucratie syndicale !

On y voit tout le combat contre la sous-traitance et pour la ré-internalisation qui est venu au premier plan dans l’hôtellerie, mais qui est partout à l’ordre du jour : la maintenance nucléaire, la santé, la SNCF, la Poste, la construction etc. Il serait temps d’organiser ce combat essentiel, et en tous les cas, ce film met sa petite pierre à l’édifice. La différence de statut entre les fixes et les sous-traitantes est particulièrement bien vue, avec pourtant la solidarité et la sororité du travail en commun. C’est le thème général au long du film, la relation d’abord rugueuse puis très proche entre Eva la jeune révoltée (jouée par Lucie Charles-Alfred) et Simone la vieille non gréviste (jouée par Corinne Maseiro). Comme l’ont dit des femmes de chambre présentes lors de la première de ce film « Y’a pas de luxe dans la sous-traitance ! ».

On y retrouve les conditions de travail, avec les cadences impossibles à tenir, même dans un palace, les petites cheffes sans pitié tout le temps derrière le dos des salariées, la pénibilité et le dos cassé avec l’envoi en inaptitude et la menace de licenciement.

 

On y retrouve la grève, ses piquets, l’évacuation par la police, la difficulté de tenir sur la durée, les conflits avec les conjoints, les non grévistes qui sont malgré tout un peu solidaires, certaines rejoignant le mouvement en cours.

Et la séquence du faux défilé de la Fashion Week qui va marquer les esprits et faire plier le palace comme l’entreprise de sous-traitance.

 

Car, derrière la fiction plutôt bien faite, on retrouve toute la réalité de deux grèves historiques et bien réelles, deux grèves victorieuses, celle du Park Hyatt Vendôme en 2013, et la grande grève d’Ibis Batignolles entre 2019 et 2021, toutes deux animées par la CGT-HPE que les lecteurs de notre blog « Où va la CGT ? » connaissent bien.

Nous renvoyons nos lecteurs à un article du blog d’octobre 2013 « Nettoyage CGT : le côté lumineux et le côté obscur de la force » qui relate la grève du Park Hyatt Vendôme, avec interview des grévistes, vidéos, tracts, et diaporama du fameux défilé (bien réel) de la Fashion Week de l’époque.

Le film s’inspire directement de cette grève – qui n’a duré que six jours, mais en l’imaginant très longue sur la durée comme l’a été la grève d’Ibis Batignolles.

Deux grèves victorieuses, avec ce sentiment de victoire matérielle (salaires, horaires et conditions de travail, embauches…) et de dignité retrouvée dans le combat contre l’exploitation.

C’est un mélange plutôt bien fait, et la conclusion du film permet à la fiction de rejoindre la réalité avec la succession de petits extraits de vidéos d’époque sur ces conflits historiques. C’est bien vu.

 

Les films de femme de chambre sont dans l’air du temps, après ces grandes luttes, et aussi après le COVID où on a longuement parlé des « premières lignes »… Il y a eu l’excellent documentaire de Clarisse Feletin sur FR3 « Les invisibles » en 2021 (également visible sur le blog), le film « A plein temps », sorti début 2022, d’ailleurs beaucoup plus décevant dans le contenu puisque c’était le récit d’une petite-bourgeoise déclassée qui se retrouvait femme de chambre et « heureusement » réussissait à la fin à s’en sortir en retrouvant un poste de cadre. « Petites Mains », est bien plus sympathique, « prolétaire » dans l’esprit et proches des femmes de chambre… Comme le dit Simone à Eva : « quel avenir dans un boulot de merde ? Les filles, elles font ça parce qu’elles ont pas le choix. Elles font ça pour que leurs enfants le fassent pas ».

Et puis, il y a eu le fameux discours de Ruffin en mars 2018 sur les femmes de chambre à l’Assemblée, l’élection de Rachel Kéké représentante des grévistes lors de la grande grève victorieuse d’Ibis Batignolles, les interviews un peu partout de Sylvie Kimissa, autre représentante des grévistes à Ibis etc.

Bref, grâce à leurs combats, menés avec la CGT-HPE, les femmes de chambre sont sur les écrans et dans les médias, et c’est une bonne chose.

Reste à gagner le combat contre la sous-traitance, c’est l’étape d’après !

 

Un petit manque cependant dans ce film, tout en sachant que c’est un film grand public. C’est le rôle des caisses de grève pour tenir dans le temps, pour gagner. Si la grève au Park Hyatt Vendôme de 2013 a été brève, celle d’Ibis Batignolles a duré 22 mois, et n’aurait pu gagner sans la caisse de grève du syndicat, ici la CGT-HPE. C’est une leçon très importante, d’autant que les animateurs du syndicat sont actuellement poursuivis par d’anciens grévistes pour leur participation financière volontaire à cette caisse à l’issue du conflit durant lequel ils ont d’ailleurs reçu le soutien. Une sombre manœuvre menée à la fois par les directions hôtelières et les bureaucrates bien pourris de la CGT, en particulier à l’US Commerce Paris et à l’UD 75. On notera que certaines grévistes du Park Hyatt Vendôme se sont associés sans honte à la procédure ! Espérons que le film « Petites Mains » va contribuer à leur rabaisser le caquet !

L’occasion de réaffirmer notre soutien à Tiziri Kandi et Claude Levy (joué par Kool Shen dans le film !) et à la nécessité de participer à la collecte qu’ils ont impulsée pour prendre en charge les frais de justice ! Encore et toujours à voir sur le blog « Où va la CGT ? », et pour mettre la main au porte-monnaie pour celles et ceux qui ne l’ont pas encore fait !

 

Pour conclure sur cette longue critique, un film grand public à voir, de lutte de classe, on peut même y aller en famille avec des jeunes, c’est un vrai plaisir ! « Petites mains, grandes dames » concluait Maïmouna Gueye, actrice professionnelle dans le film lors de la projection en avant-première !
 

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