Excellente initiative pour se réapproprier notre histoire ouvrière, à Lille le vendredi 8 février à partir de 18h30 (MEP, 1 place
Georges Lyon). Invitation à télécharger ICI
Une conférence débat, à l’initiative de la Région Métallurgie CGT 59/62, du SDEN CGT de l’éducation nationale, et du Comité des sans-papiers 59.
A l’ordre du jour :
- Le rôle de la classe ouvrière dans la Résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale par l’Institut d’Histoire Sociale de la Métallurgie 59/62
- Les industriels et banquiers français choisissent la défaite face aux nazis, par Annie Lacroix-Riz, historienne, professeur à Paris VII Diderot
- L’héroïsme des FTP-MOI, ces immigrés qui combattirent et moururent pour la France, avec projection du film « la traque de l’affiche rouge » de J.Amat et D.Peschanski, et intervention du CSP 59 sur la chasse aux Sans-papiers
- Les falsifications de l’histoire dans les manuels scolaires et les médias, par le SDEN-CGT 59.
On le voit, un débat particulièrement intéressant, tant on veut nous faire oublier le rôle de la classe ouvrière dans l’histoire, escamoter le sens véritable du combat de Guy Moquet, réviser l’histoire pour tenter de nous faire oublier le sens de notre combat : la fin de l’exploitation et la construction d’un pouvoir ouvrier, socialiste. Sarkozy est évidement en plein dans cette optique, et cela va d’ailleurs recommencer avec l’anniversaire des 40 ans de Mai 1968 qui arrivent…
Voilà donc une raison de se déplacer ce vendredi 8. Il n’y a plus guère d’occasions de débattre de telles questions et il ne faut pas les rater.
Néanmoins, il y a un véritable débat. Dans le verso d’appel au
meeting, reproduit (ci-contre) par exemple tel quel sur le blog du CSP 59, on retrouve quelques « petites
notes » désagréables qui ne sont pas sans signification.
« Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France »…
La France, par ailleurs « profanée »… Pourquoi s’appuyer en titre sur une citation de F.Mauriac, chrétien, gaulliste et surtout grand bourgeois
?
Et sûr comme toujours, la mise en avant des grandes avancées de la Libération, le programme du CNR de mars 1944 etc.
Nous relevons cette citation, car pour nous, syndicalistes de classe et militants communistes, nous sommes fidèles aux origines du mouvement ouvrier
international : « les prolétaires n’ont pas de patrie ! ». Nous considérons que le chauvinisme, le nationalisme, le patriotisme ont fait des ravages dans la classe
ouvrière et les couches populaires. Rien n’a été plus évident quand on a vu le Front National reprendre un mot d’ordre chauvin du PCF "Fabriquons Français" , pour y rajouter "… avec des Français
!", suite logique.
Il est certain que la classe ouvrière et les travailleurs, en masse, ont été à l’avant-garde de la lutte anti-fasciste, qu’ils ont formé la masse de la résistance (les FTP représentaient les ¾
des FFI), qu’ils ont fourni tous les martyrs dont les noms s’affichent sur les plaques de nos rues. Il faut absolument rappeler et rappeler le combat des immigrés des FTP-MOI (l’Affiche Rouge),
il faut encore et toujours rappeler que JP Timbaud fut fusillé à Chateaubriant en criant « Vive le Parti Communiste Allemand », rappeler P. Sémard, G.Péri. Rappeler que Guiguoin, dirigeant du
maquis du Limousin, Pannequin dans le Nord, et beaucoup d’autres luttaient explicitement pour en finir avec le capitalisme. Rappeler que Guy Moquet n’était pas un
patriote, mais un jeune communiste qui se battait pour un autre monde, une autre société, pour la fin du capitalisme. Il n’est pas inutile de rappeler ici la
fin de sa « deuxième lettre », poème trouvé sur lui lorsqu’il fut arrêté :
Les traîtres de notre paysCes agents du capitalismeNous les chasserons hors d’iciPour instaurer le socialismeMain dans la main RévolutionPour que vainque le communismePour vous sortir de la prisonPour tuer le capitalismeIls se sont sacrifiés pour nousPar leur action libératrice.
Il faut rappeler les fortes paroles de A.Marty, mutin de la Mer Noire, odieusement exclu du PC en décembre 1952 avec Charles Tillon (créateur des FTP), qui
expliquait le sens de « la grande lutte des masses populaires contre le fascisme hitlérien et pour la création d’une France nouvelle, c'est-à-dire débarrassée des trusts, source de la
trahison et de l’exploitation des travailleurs » [L’Affaire Marty – 1955]. L’exploitation des travailleurs, vous avez dit exploitation…
La classe ouvrière menait une
lutte anti-fasciste, mais avec un objectif social, révolutionnaire. Aujourd’hui, ramener ce combat à une lutte patriotique est une véritable trahison.
Mais ce n’est pas surprenant. Le nationalisme et le chauvinisme gangrènent le mouvement ouvrier en France depuis fort longtemps. Dès la constitution du PCF (rappelons,
scission majoritaire avec la social-démocratie) l’Internationale Communiste dut lutter contre les tendances conciliatrices, contre les alliances sans principes avec les bourgeois et les
exploiteurs prétendument « éclairés ».
Déjà en 36, avec la formidable mobilisation ouvrière du Front Populaire, on avait vu le PCF au gouvernement s’allier avec la bourgeoisie pour gouverner. L’union de la gauche avant l’heure !
Durant la Résistance, ce sont les militants ouvriers, les militants communistes qui ont montré la voie, mené le combat anti-fasciste en gardant leur indépendance de classe. Et pourtant, alors
qu’ils représentaient la majorité écrasante de la Résistance, la direction du PCF acceptait de se mettre sous la direction de Jean Moulin, envoyé spécial de de Gaulle,
représentant de la bourgeoisie lors de la constitution du Conseil National de la Résistance en
mars 1943. Lors de l'arrestation de J.Moulin, en juin 1943, c'est sous la direction de G.Bidault, autre gaulliste, chrétien et grand bourgeois que le PCF se
range à nouveau. Rappelons-le avec insistance : sur le terrain, il n'y a pas photo, les FTP sont hégémoniques.
En avril 1944, le PCF rentre au gouvernement de la résistance avec de Gaulle, mais constate très vite qu’il n’est là que comme une potiche, qu’il n’y a aucun changement politique dans
l’orientation du gouvernement pour la Libération, et en particulier la volonté d’éviter à tout prix l’insurrection populaire qui mûrissait (nombre de documents en
témoignent). En juin 1944, il accepte l'intégration des FTP aux FFI, abandonnant son rôle de direction. Alors qu’en même temps, la bourgeoisie se rallie massivement à de Gaulle, tous
les vichystes en tête.
L’insurrection populaire n’était peut-être pas possible en août et septembre 1944. Mais c’est au nom « d’un seul Etat, une seule police, une seule armée », que Thorez trahi le
mouvement ouvrier en se soumettant à la bourgeoisie. Ce qui a en particulier amené à la suppression des Comités de la Libération, le désarmement des milices ouvrières, la transformation des
comités d’usine (ou comités de gestion) en comités d’entreprise, c'est-à-dire de collaboration de classe. Au lieu de couper alors tous les liens avec les exploiteurs, de reconstituer ses forces
dans un contexte nouveau pour repartir à l’offensive, la direction du PCF sombrait dans sa vieille tendance à la collaboration de classe…
C’est à partir de cette vision de l’histoire, où le nationalisme et le patriotisme ont conduit la direction du mouvement ouvrier à se mettre à la remorque de la bourgeoisie que l’on peut revenir
sur le rôle de la classe ouvrière, des acquis de 1945 et du programme du CNR.
Il y a eu des acquis véritables, importants pour la vie ouvrière, comme la Sécurité Sociale, la généralisation du système retraites. C’était le reflet du rapport de
forces, imposé à une bourgeoisie affaiblie par la collaboration et qui avait une peur panique de la révolution. Mais nombre des points de ce programme ne sont pas véritablement des
acquis ouvriers, et correspondaient plus à une conception d'un capitalisme à la fois patriotique et social, soudé dans l'union nationale exploiteurs et exploités réunis. Un programme
chrétien peut-être, mais certainement pas communiste ! Un programme correspondant évidemment à la composition très majoritaire du CNR, mais pas à la lutte armée héroïque des communistes
sur le terrain.
- Le paritarisme, c’était cela…
- L’instauration des Comités d’Entreprise , c’était cela.
- Les nationalisations, c'était cela.
Les avantages de certaines catégories de travailleurs dont la place dans la reconstruction de la France capitaliste était décisive, c’était aussi cela, la
nécessité de céder pour acheter une paix sociale extrêmement fragile. Cela a été le cas pour l’énergie (EdF et GdF), pour les ports (le statut de docker), pour les médias (le monopole d’embauche
dans le Livre) etc… Il y avait des avantages tout à fait réels, fruits de la lutte menée durant la Résistance et des milliers de martyrs tombés au combat.
Mais il y avait aussi, comme on le voit aujourd’hui avec la direction de la CGT, l’insertion croissante d’une direction politique réformiste dans le jeu bourgeois.
Nous devons réapprendre notre histoire ouvrière. C’est important au plan politique, au plan syndical. Car cela a des enjeux très importants,
chacun(e) le sait. Quelle attitude à l’égard de la nation ? de l’Europe ? de l’Etat avec service public et
entreprises nationalisées ?
Les syndicalistes de classe vont-ils défendre une conception patriotique de la lutte syndicale ("souverainiste", comme on dit pudiquement aujourd'hui), s’aligner sur des
revendications nationalistes et chauvines ? Ou vont-ils reprendre le chemin de l’internationalisme, de la solidarité internationale des prolétaires contre la
mondialisation capitaliste ?
Voilà un de nos enjeux actuels dans la reconstruction du syndicalisme de classe. Voilà un débat fort intéressant pour la conférence de Vendredi prochain…
PS : cet article est évidemment extrêmement rapide. Nous tenterons de mettre en ligne ultérieurement quelques documents supplémentaires illustrant notre position.