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9 mars 2010 2 09 /03 /mars /2010 10:33

Mercredi 10 mars 2010

Saint-Gobain SEVA : bilan d'une grève


SEVA1Nous publions ci-dessous le bilan d'une grève à l'usine Saint-Gobain SEVA, à Châlons sur Saône. Oh, pas un de ces conflits médiatiques, une lutte désespérée pour l'emploi le dos au mur, mais un de ces conflits permanents, de résistance "contre les empiètements du capital", comme le disait Marx. Un conflit pour les salaires, pour l'embauche des précaires, 9 jours de grève quand même et des résultats assez maigres au final.


Pourquoi alors en parler ?

Parce que les camarades ne se limitent pas à la lutte immédiate, à l'affrontement ouvrier/patron. Parce qu'ils réfléchissent sur leur vie d'ouvrier, la manière de résister, les voies à suivre et les voies à éviter. Ils portent un point de vue de classe sur le syndicalisme au quotidien, et donc sur le sort des ouvriers. Ils tracent (comme ils le disent eux-mêmes) un chemin pour la défense des intérêts ouvriers, et eux seuls, en toute indépendance du capitalisme et de la marche de l'entreprise.

Autant d'éléments rapportés dans ce bilan, qui méritent réflexion, qui peuvent servir d'exemple à d'autres camarades. Seule réserve, la revendication d'une augmentation de salaire en pourcentage (3%), rappelons que la revendication de classe est celle d'une augmentation en somme fixe, pour ne pas, une fois de plus, favoriser les gros salaires...

Nous avons déjà eu l'occasion de publier des prises de position des camarades, elles méritent d'être connues et popularisées.



SEVA2Aux syndicats CGT : de St Gobain, de l’USTM 71, de l’UL Chalon sur Saône…

Le 7 mars 2010


SEVA / Chalon :   Bilan et enseignements de la grève


Après 10 jours de grève et d’occupation dans une unité sans faille et sans précédent de l’ensemble des salariés de production directe (ouvriers, tech. d’ateliers, et quelques etdam), la grève a été suspendue à l’AG du 5 mars.

L’état d’esprit d’une majorité de salariés dans ce combat : tenir dans l’unité jusqu’au  vendredi 5 mars pour montrer, quel que soit le résultat,   leurs déterminations à défendre  salaires, emplois, acquis, conditions de vie et de travail.
 
Bilan de la grève : incontestablement  un coup d’arrêt a  été porté à l’offensive de la direction,  mais nous n’avons que partiellement  gagné sur les embauches :

  • 7 embauches en CDI sur les 25 revendiqués + 3 intérimaires en fonderie pour améliorer les conditions de travail  pendant la période de « stockage » avant l’arrêt de la fonderie 2 mois pour travaux en juillet août.
  • salaires : des miettes : 1% au 1 janvier avec 20 € de talon;
  •     - les 1, 5% d’augmentation individuelle-reconnaissance des qualifications attribués avant le 1 juin
        - 50 € déjà obtenus  sur la prime de vacances qui passe à 950 €

  • recul de la direction sur WCM (méthode patronale pour augmenter la productivité, d’auto-exploitation,…mise en œuvre dans tous le groupe St Gobain). Déclaration de la direction affirmant que la participation était au volontariat sans contrainte. (Pour la petite histoire : l’ensemble des panneaux, fiches de suivis, enfin tous les écrits WCM de tous les secteurs ont été brulés dans les braseros des piquets de grève). De même a été décidé en AG de boycotter  toutes les « mesures » de pseudo sécurité, en fait de conditionnement-culpabilisation (smat, etc)
  • jours de grève :
  •     -1, 5  jour payés sur 8 (1 jour de grève payé + la ½ journée de fin d’année) 
        - étalement des retraits salaire à raison de 1  jour de grève  par mois 
        - possibilité de récupérer la perte de salaire en travaillant les RTT mensuel ou les CP

Sans précédent : la direction, contrainte au blocage des salaires de la DG St Gobain  à 1%,  mais  terrorisée par « le climat  social » à venir dans les ateliers, a lâché sur la totalité des récup des heures de grève… 
                                  
A noter que par rapport aux grèves de 10 jours en 1995, 2000, 4 jours en 2006, jamais une direction n’a été aussi isolée vis-à-vis des cadres et etdams. La direction, au soir de la 1ère journée  de grève, s’est terrée  dans ses bureaux… 
Des cadres nous ont déclaré qu’ils avaient  hésité à faire grève (une première) et ont  soutenu financièrement,  nous avons recueilli 2000 euros de soutien jour après jour des etdams et cadres : sans précédent !    
A noter que l’unité des travailleurs et des OS (nous et une CFDT minoritaire) a été verrouillé par les grévistes aux AG quotidiennes et par les piquets de grève malgré la volonté de la CFDT d’appeler à la reprise dès le troisième jour de grève après une première négociation avec la direction.


10 jours de grève et d’occupation dans une situation où depuis des mois la direction martèle sur «  le déficit de  l’entreprise » accumulé au fil des mois de 4,5 millions euros  pour 2009. Déficit conséquent à la baisse d’activités dû à la réduction drastique des investissements de St Gobain, qui ont touché directement la Seva puisque nous sommes « les outilleurs » du groupe, (pièces pour la fabrication de la laine de verre et équipements et robots pour l’industrie verrières…),  notamment l’annulation des commandes de la branche Sékurit, (verre automobile), etc.

 Un conflit qui exprime – comme en Grèce – le refus des travailleurs de payer les conséquences de « la crise ». Le « plan d’austérité » de la direction Seva c’est celui que les marchés financiers, les actionnaires, veulent imposer partout : l’abaissement du coût du travail, la surexploitation de la force de travail des salariés restants :
- diminuer les effectifs à charges égales pour augmenter la productivité,
- précariser, liquider les CDI au profit des intérimaires/donc liquider le Code du travail 
- sous-traiter/délocaliser le travail vers une main d’œuvre moins chère 
- bloquer, diminuer  les salaires, les lier au résultat de l’entreprise   
- …

Tout y est à la Seva. La diminution des effectifs au-delà de la baisse d’activité : plus de 50 suppressions d’emplois avec le non remplacement des 15 départs retraites 2009 et 35 départs amiantes fin décembre (plus 5 ou 6 à venir sur l’année), plus  20 intérimaires virés fin 2008.
Malgré la baisse d’activités,  nous avions, avec les salariés, recensé 25 postes à pourvoir pour assurer la production actuelle dans des conditions « normales ».
La direction a tenté de mettre en place : mobilité interne, super polyvalence, super flexibilité, heures sup, travail du samedi, avec en prime la « méthode WCM » d’auto exploitation … Elle a cherché à sous-traiter, (en janvier nous avions bloqué la sous-traitance, et imposé, à défaut de CDI, l’embauche de 6 intérimaires...)
Quant à lier les salaires au résultat – le salaire au mérite –, aux NAO, à la proposition initiale de 0,5% d’augmentation générale  la direction a ajouté celle d’une clause de « renégociation fin d’année… si le résultat  2010 était suffisamment positif ».

Alors quels enseignements :

Bien que notre syndicat menait le combat pour le remplacement des départs amiante et retraites  depuis juillet dernier, cette politique d’abaissement du coût du travail a pu être combattue de front  par les travailleurs à partir du moment où elle était traduite en revendications précises élaborées en AG en janvier avec les salariés (le nombre de poste manquant par atelier, par secteur  pour travailler dans des conditions acceptables),  revendications  clairement exprimés par le syndicat :
-  stop à la sous-traitance, stop à la dégradation de nos conditions de travail et de vie : 25 embauches immédiates
retrait de WCM
3% mensuel pour tous avec talon de 80 euros,


Incontestablement, cette grève, cette détermination  procède du même mouvement que celui des travailleurs grecs : le refus de payer les conséquences de la crise - sans issue pour l’économie et les peuples - du capitalisme !
Le chantage au déficit de 4,5 millions d’€ en 2009 -alors que nous avons jusqu’alors versé en moyenne 1 million d’euros par an  pendant des décennies- a fait long feu auprès  des ouvriers comme de nombre de cadres et etdams.


Tout comme le gouvernement grec qui mettant en œuvre le plan de l’Union européenne au compte des marchés financiers, a déclaré  aux travailleurs, l’Etat est en déficit,…;  « il faut l’unité du patronat et des salariés », « il n’y a pas de place pour les grèves »,…   sacrifier vos salaires, vos retraites….,  notre  direction, obéissant aux actionnaires,  a déclaré dans les faits: « la Seva est en déficit, on ne peut pas remplacer les départs, pas augmenter les salaires… »
Au gouvernement grec et à l’UE, les instituteurs et leurs syndicats ont répondu sur leurs banderoles lors de la manif du 10 février : « Nous sommes en grève ! Augmentation des salaires ! Pas touche à nos retraites ! »
A la direction de la Seva et de St Gobain, les travailleurs avec leurs syndicats ont répondu par la grève totale avec occupation, pour les salaires et embauches et entre autre, répondu sur un grand panneau « direction : démission »…


Nous avons pu porter un coup d’arrêt à la politique de la direction parce que nous avons, sur le plan syndical, refusé de nous placer sur le terrain du déficit pour le moins important, refusé de nous placer sur le terrain   de la gestion capitaliste, et parce que nous nous sommes placés sur le terrain de l’indépendance de classe, placés du seul point de vue de la défense des salariés, des emplois et  de l’entreprise en tant que moyen de production.
Notre syndicat, comme celui des instituteurs grecs, refuse d’accompagner la crise du capitalisme, les plans du capital !


Si aux derniers jours du mouvement les travailleurs, les jeunes à l’avant-garde, ont montré leur détermination à ne rien lâcher à l’avenir,  ils n’ont pas moins conscience que porter un coup d’arrêt n’est pas gagné la bataille.
Ils ont plus que jamais conscience qu’ils sont face à une offensive générale ! Une intervention d’un salarié non syndiqué dans l’AG  de reprise résume l’état d’esprit de la majorité : « la prochaine grève totale,  c’est  pas tout seul à la Seva  qu’il faut la faire si on veut gagner, mais partout !... »


La grève jusqu’à satisfaction  des revendications dans le cadre du tous ensemble, c’est ce qu’attendent les travailleurs. Ils n’attendent rien, à juste raison, des journées d’actions « saute moutons »  où Medef, gouvernements et UE savent que le travail reprendra le lendemain.


Et qu’avons-nous à gagné dans les ‘’Etats généraux’’, ‘’ tables rondes’’ et autres pièges du Medef et gouvernement pour nous associer à la gestion de leurs plans, de leur politique ?
Face à une politique et une offensive centralisées du capitalisme et ses institutions comme l’UE, il y a plus qu’urgence à centraliser au national le combat  de classe sur les revendications précises et clairement formulées des travailleurs !


Nous ne pouvons pas  syndicalement dire d’un côté : « les travailleurs ne doivent pas payer la crise ! » et de l’autre  accompagner les plans et la politique du capitalisme « en  crise » ! 
Les salariés voient où mène le refus d’unifier le combat contre  les plans de licenciement et où mène  la politique d’accompagnement  avec les « bons  plans  de reclassement et les bonnes primes  de départ ». Chez Rexam par exemple (dans notre département), plus de quatre vingt dix licenciements sur  400 salariés, la fermeture d’un site de 35 salariés.  Et à peine les licenciés avaient quitté la taule que la direction  embauchaient trente intérimaires en janvier, aujourd’hui il y en 50… !
Et nous ne pouvons  pas dire d’un coté « ce n’est pas aux travailleurs de payer la crise » et de l’autre accepter  de « négocier » les contre réformes imposées par l’Union européenne au compte des seuls marchés financiers…- comme celles des retraites – (comment prétendre à préserver les retraites en 2040 si l’on continue de laisser bousiller toute l’industrie en refusant  d’organiser la riposte nationale pour l’arrêt des licenciements et suppressions d’emplois ?!)
Alors que les travailleurs, eux, disent non et sont prêts à défendre emplois et conquêtes sociales (comme ils l’ont montré de 1995 au 19 mars 2009 et tous les conflits depuis), pour peu qu’on leurs propose de se mobiliser sur
leurs revendications et sur une perspective qui permettent de gagner, celle du tous ensemble, dans l’unité des travailleurs et des organisations syndicales, jusqu’à satisfaction.

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