Mercredi 7 avril 2010
Une soirée de soutien aux sans-papiers, à Bobigny
Le vendredi 2 avril, l’UL CGT de Bobigny organisait une soirée de soutien aux travailleurs sans papiers en lutte
avec la CGT. Elle appelait à être « nombreuses et nombreux à nous engager et à soutenir cette lutte décisive face au patronat et au gouvernement ! Les grévistes ont besoin de nous pour tenir
le coup et pour continuer le combat ! ».
Le blog avait informé de cette soirée qui
apparaissait, sur le principe, comme une bonne initiative ; même si elle arrive un peu tard et isolée. Mais surtout, son impact, comme le contenu des interventions, témoignent des problèmes
soulevés par cette lutte, malgré le volontarisme optimiste affiché par celui qui la dirige et qui s'en veut le porte-parole : Raymond Chauveau.
150 personnes dont un tiers de sans papiers. Et pour les autres, une majorité de militants de la CGT, et quelques-uns des autres associations impliquées dans le mouvement. Une faiblesse de
l’assistance qui devrait malheureusement tempérer l’affirmation d’un soutien massif à la lutte des sans papiers. Cette faiblesse souligne aussi l’importance de montrer en quoi cette lutte
s’inscrit bien dans celle de tous les travailleurs. Cela a été en partie fait, entre autre, par le secrétaire de l’UL CGT qui a affirmé le caractère de classe de leur combat. Mais un couple de
Bobigny qui était venu sur la base de l’information parue dans le journal municipal, nous demandait encore, après les interventions, comment soutenir concrètement les sans papiers. Rien n’a
été proposé pour concrétiser un soutien au-delà de la participation à cette soirée.
Beaucoup de musique ; de la bonne musique. Quelques interventions, mais pas de débat. Comme cela fut dit en conclusion : ceux qui voulaient discuter de la lutte avec les sans papiers, pouvaient
sortir le faire dans le hall d’entrée.
Les différentes interventions qu’en dire ?
La première était celle de la maire de Bobigny. Elle a souhaité en conclusion « une circulaire pour la régularisation de tous les sans
papiers, sans condition ». C'est bien, et ça ne correspond pas du tout à que réclame la CGT, qui demande, elle, une
circulaire avec des critères « apaisés, homogènes et harmonieux », c'est-à-dire une régularisation pour les seuls travailleurs, et encore sur critères, c'est-à-dire, quoi qu’on en pense, au cas
par cas.
Allez encore un effort, madame la Maire, dans votre bouche la « circulaire » est devenue une coquille vide…
libérez-vous de la pression de la CGT !
Ensuite plusieurs interventions de la tribune. Le secrétaire de l’UL de Bobigny, mettant l'accent à juste titre sur le caractère de classe de leur combat. Emmanuel Terray de la LDH, insistant
surtout sur le fait nouveau et prometteur d’un travail entre associations et syndicats; ce qui n’a pas empêché qu’en conclusion de la table ronde, RESF soit quasiment oublié.
Une représentante de Femmes Egalité, a souligné l’importance de cette lutte pour les femmes isolées, employées dans l’aide à la personne… mais aussi la bonne volonté des employeurs prêts à
fournir des Cerfas. Jean Pierre Thorn apportait le soutien du collectif des cinéastes qui ont fourni une salle aux expulsés de la rue du Regard….
Deux interventions de délégués sans papiers dont celle, notable, du délégué du piquet STN, à Aulnay. Contrairement
à Chauveau, qui parlait juste après, il n’a pas mis en avant les patrons comme des « alliés de circonstance », mais comme des
exploiteurs à qui il faut arracher par la lutte des promesses d’embauche. La situation de non droit des sans papiers leur convenant plutôt bien s’ils n’étaient pas menacés de
répression par le gouvernement. On avait enfin l’illustration concrète du caractère de classe de leur lutte contre les patrons et contre leur État.
Raymond Chauveau concluait en affirmant que « la situation allait se débloquer, car de plus en plus de patrons exigent la
régularisation ». Mais il faut continuer. Il dit la détermination des grévistes qui en AG des délégués ont décidé de poursuivre. Il ajoutait : « Et on sait tous ce que cela veut dire six
mois de grève ». Il n’est pas certain que beaucoup dans l’assistance (lui compris...) sachent ce que ça représente de faire six mois de grève et, comme nous le disait un gréviste, de « ne pas
savoir où on va dormir demain, comment on va manger ou pouvoir se déplacer ». Les grévistes tiennent plus par la solidarité des foyers que par celle reçue des associations et les syndicats,
qui reste très insuffisante.
Comment, quand, et jusqu’où poursuivre la lutte aujourd’hui ? La CGT ne semble pas se poser ces questions. Ce sont celles qui préoccupent pourtant nombre de grévistes à qui on avait promis un
déblocage après les élections régionales. On a vu ce qu’il en était : multiplication des arrestations de grévistes, évacuation des piquets de la rue du Regard, de Ranstadt dans le XIIème, et
maintenant une nouvelle loi Besson encore plus dure sur la
rétention et les expulsions. Aujourd'hui, il reste à peine une vingtaine de piquets actifs sur la région parisienne (plus d'une cinquantaire ont été évacués). Les grévistes qui restent sont fatigués,
certes déterminés, mais sans perspective.
Les soutiens sont de moins en moins présents, et au delà des grands effets de manche médiatiques (le nouveau film des cinéastes en soutien à la grève) eux aussi sont clairsemés, s'interrogent sur un mouvement dont ils ne voient pas l'issue, dans l'attente aujourd'hui d'une "bonne volonté" des "bons patrons..."
Pour la Confédération c'est à la fois la fuite en avant et la politique de l'autruche, tous les espoirs qui reposent sur ces prétendus patrons prêts à négocier, aucune question, c'est l'imposture d'afficher un mouvement qui va de l'avant, toujours 6000 grévistes comme si rien n'avait changé...
Après les régionales, c’est quoi la perspective maintenant : attendre 2012 ?
L'erreur [en fait pas "erreur", orientation de fond] fondamentale de la Confédération, c'est de croire qu'il était possible d'arriver à un "arrangement" avec le gouvernement, sous la pression. C'est la notion de "critères apaisés, généralisés et harmonieux" qui renvoie évidemment à l'idée d'une société apaisée et harmonieuse, probablement le "développement humain durable" voté au 49ème Congrès. La lutte des classes a disparu, embrassons nous patrons éthiques et gentils ouvriers réunis vers un avenir meilleur et une exploitation apaisée...
Or 1) c'est la crise, et il n'y pas besoin, dans l'immédiat de cette main-d'oeuvre 2) l'immigration est un enjeu politique et idéologique important pour la bourgeoisie dans le contexte actuel et il n'est pas question de faire marche arrière et 3) le capitalisme c'est l'exploitation, par définition.
Pour faire reculer le gouvernement et obtenir satisfaction sur leurs revendications les grévistes doivent imposer un rapport de force. Mais le mouvement est partagé : CGT d’un coté, CSP de l’autre. Si les grévistes ont effectivement la sympathie des autres travailleurs, ces derniers ne les soutiennent pas activement. Et la CGT, en dehors de telles soirées, ne fait pas grand-chose pour les mobiliser ; ni d'ailleurs pour mobiliser ses propres troupes. Il faut bien parler de refus de mettre en place, dans la CGT, une direction réelle du mouvement, via les UD, pour généraliser la grève. Pas de matériel, pas de notices de "comment faire", pas d'appui.
Il y a sans doute un frein dans l'appareil. Mais surtout, il y a des militants inquiets de se trouver seuls livrés à eux-mêmes sans appui et sans savoir comment procéder, en parallèle avec une certaine méfiance vis à vis de RESF et de son expérience acquise depuis quatre ans. Donc on attend et on ne se lance pas.
Comment construire cette unité et ce
soutien ? Telle est la question. Mais on ne les construira pas si l’on suppose, comme le fait la CGT, que le problème est déjà résolu, que tout va pour le mieux dans le mouvement, que les patrons
sont à nos côtés !
Régularisation sans condition de tous les sans papiers !
Abrogation du CESEDA !
Libre circulation des travailleurs !
On trouvera ci-contre un bilan fait par les militants de Toulouse des "gens d'ici". Nous ne partageons pas leur conception du soutien aux camarades sans-papiers, mais ce texte contient nombre d'éléments intéressants concernant l'attitude de la CGT.