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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 16:50

Jeudi 24 janvier 2013

ITER : recherche de pointe, dumping social

 

Chantier-ITER.jpgITER : ces quatre lettres ne "parlent" qu'aux habitants de la région, autour du Commissariat à l'Energie Atomique de Cadarache, sur la vallée de la Durance (13).

ITER : un chantier pharaonique de la recherche fondamentale européenne, des milliards d'euros, des années de travail, des milliers de travailleurs pour les infrastructures et la construction. Un de ces  projets sur lesquels il est difficile de se faire un avis élaboré, avec des expertises contradictoires, même les écolos sont divisés : les Verts au gouvernement ont validé, les écologistes locaux y sont opposés (voir en particulier  ICI)... Nous ne nous prononcerons pas sur le sujet.

 

Mais ce sur quoi nous nous prononcerons, c'est sur les conditions d'embauche et de travail des ouvriers du chantier. Plus de 3000 en période de pointe fin 2013, dans des conditions catastrophiques.

Dans un article précédent ("L'emploi à flux tendu : un accord pour la guerre économique") à propos du récent accord sur la "sécurisation de l'emploi", nous notions la tendance des capitalistes (dans les entreprises ou au gouvernement), à expérimenter toujours plus de flexibilité, de formes de contrats de travail "adaptés", c'est à dire fondamentalement dégradées. ITER est effectivement une plateforme d'expérimentation qui préfigure l'avenir.

Nous reproduisons ci-dessous un interview publiée dans le journal "La Marseillaise" d'un syndicaliste impliqué depuis des années dans la défense des travailleurs sous-traitants présents sur tous les grands chantiers du CEA, institution gouvernementale faut-il le rappeler (l'Etat est le principal employeur de précaires...).

Une interview édifiante, et nous reviendrons sur le sujet, puisqu'une réunion d'information est organisée

Lundi 4 février, à 17h30

Union Locale du Pertuis (84) - Place Saint-Pierre


 

NON AU DUMPING SOCIAL – La Marseillaise 18/01/2013

 

Syndicaliste à la CGT, Christian Ribaud refuse que les salariés qui vont bâtir un des plus grands projets d'avenir subissent des conditions de travail d'un autre siècle.

 

Alors que le chantier d'Iter s'apprête à mobiliser plusieurs milliers de salariés, vous dites craindre pour leurs conditions de travail et de vie. Pourquoi ?

 

PORTUGAIS-001.jpgNous avons défendu récemment huit salariés cap-verdiens d'une société sous-traitante portugaise sur le chantier du RJH (voir photo), un réacteur de recherche voisin qui ne dépend pas d'Iter mais du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Entassés comme des esclaves dans un logement avec des toilettes hors services, le patron leur retenait 20 euros par jour de loyer sur le salaire. Or tout laisse à penser qu'avec le chantier d'Iter on soit confronté au même type de logique multipliée par 3000 salariés.

Qu'est-ce à dire concrètement ?

 

Un guide du logement commandé au cabinet de conseil Sémaphores par le CEA et l'agence Iter France qui a été publié en juillet dernier (voir ICI)révèle les conditions d'hébergement promises aux ouvriers du chantier. Dans ce document destiné à aiguiller les patrons pour loger leurs salariés, les solutions proposées interpellent. Campings, auberges de jeunesse, colonies de vacances sont listés avec des annotations sur les contraintes potentielles. Le guide envisage par exemple de mettre 779 travailleurs dans des mobil-homes sur un camping de Château Arnoux, à 60km du chantier sur un terrain avec un risque d'inondation partielle.
Ce ne sont pas des conditions dignes. Se retrouver une semaine en vacances dans un bungalow ce n'est pas la même chose que s'entasser après une journée de travail sur un chantier et cela, des mois durant. Lors d'une réunion de la Commission locale d'information sur Iter (Cli-Iter) qui s'est tenue en octobre dernier, Gilles Barsacq secrétaire général aux affaires régionales de la préfecture, a confirmé que ces solutions d'hébergement précaire étaient effectivement étudiées. On voit mal comment dans ces conditions l'immense chantier pourrait permettre de faire reculer le chômage localement à Manosque par exemple où il est de 12%. Je vois une raison à cela : le choix du dumping social. Iter est un chantier financé par des fonds publics, français et internationaux, on ne peut pas admettre que les entreprises qui vont en bénéficier suivent cette logique.

Quelle forme pourrait prendre ce dumping social ?


En faisant venir des travailleurs européens en contrats courts via une cascade d'entreprises sous- traitantes basées par exemple au Portugal ou en Pologne, les patrons se dispensent de payer ce qu'ils appellent les « charges ». Si on multiplie les sommes qui restent dans leurs poches par le nombre de salariés et de mois travaillés, le résultat se chiffre en milliards. Les comptes sociaux en seront privés et un sérieux problème de justice est posé. On ne peut pas accepter qu'il y ait d'un côté des salariés et de l'autre des salariés low-cost. Comment faire valoir ses droits dans ce contexte ? La barrière de la langue, la précarité de l'emploi limitent les capacités d'action. Le premier qui se rebiffe est renvoyé à la case départ et tout est bon pour faire des économies sur le dos des salariés. Je reviens au cas du RJH : on a vu des sous-traitants qui, pour éviter de prendre en charge un système de transports avec bus et chauffeurs, fournissaient aux équipes des fourgonnettes en imposant à l'un des travailleurs de conduire le véhicule. Plutôt que de miser sur la concurrence entre salariés, le chantier Iter devrait être un tremplin pour créer de l'emploi. Je me suis récemment rendu à Pôle emploi de Manosque qui compte 3 900 inscrits. Les offres d'emplois disponibles concernent la restauration, l'aide à la personne et les grandes surfaces. Rien sur le chantier. Il y a quelque chose de choquant à cela. J'ajoute que dès maintenant des formations devraient être proposées pour permettre aux chômeurs de la région d'intégrer les différentes phases du chantier.

Comment agir en tant que syndicaliste ?


Lors de la mise en place du projet, la CGT avait demandé le label « Grand chantier » qui correspond à des exigences de haut niveau, mais on nous a opposé le statut international d'Iter pour expliquer que ce n'était pas possible mais que l'on ferait « tout comme ».
Pour l'instant, on voit surtout les collectivités invitées à passer à la caisse pour réhabiliter des logements ou bâtir des infrastructures sans que les entreprises qui vont bénéficier des marchés publics ne soient appelées à assumer leurs responsabilités. Dans tous les cas, la CGT sera aux côtés des travailleurs.

PROPOS RECUEILLIS PAR L.P.

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