Vendredi 16 novembre 2012
Comment la CGT et la Plateforme 12 "négocient" avec Valls pour les sans-papiers
Nous avons déjà parlé de ce nouveau regroupement impulsé par la confédération face au nouveau gouvernement pour la régularisation des sans-papiers ("Sans-papiers : la CGT veut négocier les virgules avec Valls". Les 12, c'est la suite d'avant moins la CFDT, Solidaires, le GISTI, Droits Devants... sur des bases encore plus étriquées.
La plateforme tenait meeting (confidentiel) le 14 novembre, elle attend surtout les mesures de Valls pour crier victoire et ouvrir le champagne, et surtout clore enfin ce dossier pourri où il y a pour l'instant autant d'expulsions que de régularisations... Tiens au fait, dans leurs discussions avec Valls, dont ils se gargarisent tant, ils ont parlé du retour des expulsés ???
Nous publions (avec un peu de retard - nos excuses) une contribution toujours parfaitement d'actualité sur les prétendues négociations entre Valls et la Plateforme 12...
La confédération est aux anges. A la tête de cette « plateforme 12 », elle a signé le 2 octobre une déclaration (sauvegardée ICI) dans laquelle elle se félicite d’avoir l’écoute du
cabinet de Valls sur la question selon ses termes de « l’égalité de traitement entre Français(e)s et étranger(e)s avec ou sans papiers dans les études comme au travail », une égalité qu’elle
prétend conquérir « par la loi et la réglementation » (avec la FSU, l’UNEF, Autremonde, la Cimade, le Collectif 31 mai, Femme Egalité, la JOC, la LDH, le MRAP, RESF et SOS Racisme).
Plus prosaïquement, ce dont se gargarise la confédération c’est d’être invitée à discuter des critères de régularisation des
sans-papiers qu’une circulaire dont la parution est sans arrêt repoussée devrait prochainement édicter (annoncée pour cette semaine, on l'attend toujours). On apprend que la plateforme 12 a
insisté sur l’importance de rencontrer régulièrement le ministère en amont et en aval de la circulaire en préparation, et c’est sur cette grande victoire que termine Raymond Chauveau dans le
message qu’il nous adresse le 10 octobre à l’issue de la brève occupation « d’un bout de la place du 18 juin à Montparnasse » par d’anciens grévistes sans-papiers : « … Le Directeur adjoint du
cabinet nous a confirmé, comme le Ministre s’y était engagé le 1er octobre, que l’ensemble des signataires de la Plateforme 12 vont être consultés sur le projet de circulaire en cours
d’élaboration ».
La concertation, maître-mot du gouvernement Hollande quand il s’agit d’acheter la paix sociale, est ces dernières semaines
en plein essor s’agissant du mouvement des sans-papiers. Depuis les grandes grèves de 2008 à 2010, le PS et l’UMP savent qu’ils peuvent compter sur la confédération CGT pour tenter de faire
dérailler les luttes de sans-papiers. En revendiquant la négociation des virgules de la prochaine circulaire, la CGT s’embourbe dans le terrain des régularisations au cas par cas et sous
conditions qu’elle n’a jamais quitté. Plus grave, elle tente de dévoyer l’ensemble du mouvement des sans-papiers, collectifs de sans-papiers compris, vers cette voie sans issue
qu’il avait su quitter lors et au lendemain du grand mouvement des Saint-Bernard de 1996. Et le gouvernement Hollande la met aux avant-postes de sa concertation pour qu’elle joue ce sale jeu
!
Nous ne revenons pas ici sur cette trahison majeure des mots d’ordre historiques du mouvement des sans-papiers encore portés cet
été par la marche européenne des sans-papiers :
régularisation pour tous !
arrêt des expulsions !
fermeture de centres de rétention !
liberté de circulation et d’installation !
Revenons par contre sur les couleuvres que la confédération avale et voudrait nous faire avaler avec la déclaration du 2 octobre
!
Que Hollande et Valls s’emploient à renvoyer la responsabilité de la non-régularisation de travailleurs sans-papiers grévistes à
leurs prédécesseurs de droite aux manettes à l’époque, c’est de bonne guerre et n’est pas pour nous étonner. Mais que les 12 en réfèrent à « la parole de l’Etat » et à « la continuité de
l’action gouvernementale » pour nous expliquer qu’il y a eu des « dysfonctionnements » et que le gouvernement de droite a lui même saboté l’action gouvernementale, la sienne en somme,
en s’appuyant sur l’arbitraire de certains services, voilà qui en dit long sur leur soumission à cet Etat sont ils devraient quand même savoir qu’il n’a JAMAIS eu l’intérêt des sans-papiers et
plus largement des travailleurs en ligne de mire ! La continuité de l’action gouvernementale, pas question de la nier ! C’est celle qui va de l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 à
l’article L. 313-14 du Ceseda, et … à l’addendum au guide des bonnes pratiques du 18 juin 2010 (« avancée significative » selon la confédération) en passant par la
circulaire du 24 novembre 2009. C’est celle qui ne fait entrer la régularisation de travailleurs sans-papiers que dans le cadre des « motifs exceptionnels » de régularisation, et qui
soumet cette éventuelle régularisation à des conditions d’activité salariée tellement draconiennes que seule une minorité pourra jamais y prétendre, à plus forte raison quand, crise oblige,
les patrons licencient bien plus facilement qu’ils embauchent! C’est cette continuité d’une politique d’Etat qui ne reconnaît que les immigrés utiles à ses intérêts économiques dans les « métiers
en tension » qu’il faut d’abord épingler ! La mauvaise volonté de certains services préfectoraux vient après, en plus, comme la cerise sur le gâteau, la aussi dans la continuité de la politique
de fermeture de l’Etat.
Autre aberration dans la déclaration de la plateforme 12 : ses signataires disent avoir discuté avec Valls des « rapports entre
l’édiction d’une circulaire et l’effectivité de sa réalisation ». Autant dire qu’ils n’ont pas pu passer à côté de cette réalité sur laquelle l’UD CGT 75 avait elle-même mis le doigt ("Sans papiers : un bilan de l'UD CGT de Paris") pour critiquer la « naïveté »
des négociateurs de la confédération : une circulaire n’a aucune valeur contraignante au regard de la loi, et laisse par sa nature même toute latitude aux préfets pour l’interpréter à leur guise.
Alors si la confédération n’ignore pas tout ça, pourquoi prétend-elle arriver à l’égalité qu’elle revendique par une nouvelle circulaire ? Et comment peut-elle s’imaginer comme elle le dit qu’un
courrier de Monsieur le Ministre aux préfectures va suffire à faire régulariser les 1500 dossiers de grévistes bloqués dans les préfectures ? On pourrait rire de telles balivernes si ne se
cachait pas derrière elle une vaste entreprise destinée à diviser et tuer le mouvement des sans-papiers.
En attendant, le gouvernement de Hollande sait faire évoluer ses lois anti immigrés et quand il s’agit de relancer la machine à
expulser, il ne rigole pas. Il ne s’agit plus là de pondre une énième circulaire après concertation, mais bien de faire voter à l’Assemblée une loi instaurant un régime de garde à vue spécial
pouvant aller jusqu’à 16h de retenue pour vérifier l’identité des étrangers. De ce projet de loi inique qui menace l’existence de centaines de milliers de sans-papiers, qui menace y compris les
travailleurs anciennement grévistes dont les demandes de régularisation seront rejetées en application de l’addendum vanté par la confédération, aucune trace dans la déclaration de la plateforme
12. Comment peut-on rencontrer Valls aux lendemains de la sortie de ce projet de loi et ne pas en dire un mot quand on prétend défendre l’égalité de traitement entre français et étrangers ?
Combien de Français seront poussés dans les CRA pour subir l’expulsion après une garde à vue de 16h ? Heureusement aucun, mais voilà bien de quoi dénoncer l’hypocrisie des discours de la
confédération sur se prétentions à conquérir l’égalité entre Français et étrangers !
L’égalité des droits et l’unité, la classe ouvrière en a un besoin vital !
Pour les conquérir, régularisation sans conditions avec une carte de 10 ans pour tous et toutes les sans-papier(e)s ! Arrêt
des expulsions ! Fermeture des centres de rétention !