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29 mars 2009 7 29 /03 /mars /2009 13:19
Dimanche 29 mars 2009
[Débat] L'avenir du syndicalisme est-il derrière nous ?

Autour des journées d'action des 29 janvier, 19 mars et de leurs suites, un débat s'est engagé sur ce blog, sur le fond, autour de la question des syndicats aujourd'hui, de ce qu'on peut en attendre ou pas, d'éventuelles autres perspectives envisageables.
Avant de lire cet article, nous invitons nos lecteurs intéressés à reprendre d'abord tous les commentaires sur les articles précédents : "19 mars : c'est Chérèque qui mène la danse", et "29 janvier -> 19 mars -> 1 mai... Mais que font les syndicats".

Tout d'abord, et sans vouloir dégager en touche, il nous faut dire que sur ce blog, nous n'avons pas la réponse aux interrogations de nos lecteurs, qui sont aussi pour une part les nôtres. Egalement parce que nous ne sommes pas sûrs de bien maîtriser la question.
Le but de cet article, c'est d'essayer de faire le tri dans les interrogations et ce sur quoi nous pouvons nous appuyer.
Pour terminer cette introduction, rien de ce qui est dit ci-dessous ne doit être pris comme des certitudes absolues, comme la Bible que nous défendrions contre vents et marées. Simplement, pour avancer, il faut affirmer des positions, les confronter avec la réalité, savoir aussi les remettre en cause s'il le faut. Mais comme on ne peut pas construire et avancer sur des interrogations, nous essayons d'affirmer ce que nous croyons avoir compris. Ce qui ne veut pas dire que le débat est fermé...
Nous invitons tous les lecteurs à lire les commentaires qui seront portés sur cet article, pour suivre le débat...

Ce que nous savons
  • Le débat ne porte pas sur la lutte, la grève, le mouvement social en tant que tels, pour lesquels toute l'histoire du mouvement ouvrier a déjà donné des pistes (sinon des solutions). Un autre article récent revient sur la question, et cela, nous semble-t-il ne fait pas débat entre nous - au sens où nous sommes d'accord. Le débat porte, croyons-nous avoir compris sur les formes d'organisation permanente du mouvement ouvrier. Et cela dépasse de loin la question des comités de grève, coordinations, AG interprofessionnelles portés par les mouvements de 1995, 2003 et depuis [même si tout cela reste bien sûr d'actualité !]
  • Le syndicalisme est aujourd'hui totalement dirigé par une direction réformiste de collaboration de classe, il n'y a rien à en attendre. Des ennemis qui se cachent et pas des amis qui se trompent. En ce sens, nous ne nous adressons pas aux directions syndicales, mais aux travailleurs de base, contre ces directions pourries.
  • Ce problème des directions syndicales de collaboration de classe n'est pas nouveau. Au début du XXème siècle, il se menait dans des termes similaires, voir par exemple l'article de Losovski sur ce blog, qu'il faut relire, encore et encore.
  • Ce qui est nouveau, et que nous partageons avec nos lecteurs, pj49 ou Lili, c'est que le syndicalisme s'est encore plus incrusté comme une partie intégrante de l'appareil d'Etat, qu'il s'agisse de la gestion de la Sécu, des mutuelles, du chômage, des instituts de formation, des organismes de consultation divers et variés etc. Comme le souligne Lili, Le Duigou en est la triste illustration, mais pas la caricature. Le problème se pose donc avec une acuité encore plus vive : nous sommes confrontés à des bourgeois, pas des traîtres ou des bureaucrates. Et cela va encore s'aggraver dans la période à venir, JC Le Duigou n'est que l'anticipation que nous réserve le syndicalisme réformiste.
  • Actuellement, il n'y a pas d'opposition syndicale crédible, au sens où il n'y a pas apparition d'un courant qui est capable de rompre, dans sa manière de penser et d'agir avec les syndicalistes collabos. Capable d'agir en toute indépendance, et nous le constatons depuis un certain temps sur ce blog. Il y a certes tout un courant, croissant d'ailleurs, qui prend conscience de l'impasse où nous mènent nos directions syndicales. Mais ce courant imagine encore qu'il est possible de les faire changer d'avis, de les convaincre, ou au pire de les forcer à agir dans le bon sens, contre leur volonté en quelque sorte. Ces courants, qu'il s'agisse de celui proche de la LCR/NPA à l'origine du forum du 29 novembre, ou du courant de classe à l'origine de la Lettre Ouverte de Masse ne permettent pas d'avancer. Bon, ne soyons pas caricaturaux, en fait : ils permettent le développement de la lutte radicale, pas la structuration d'un courant syndical de classe.

Ce qui fait débat
  • Quel est le niveau de conscience de la situation parmi les travailleurs combatifs ? Nous pensons qu'il est assez limité et que la grande majorité en est encore à attendre les consignes syndicales. En ce sens, nous n'avons même pas retrouvé le niveau des grèves de 1995. Rares sont les militants qui se posent la question de la rupture, de l'indépendance, et ce blog en est aussi l'illustration. Malgré sa "qualité" (merci, les chevilles, ça va...), son audience, il reste un instrument d'opinion et il n'organise pas. Nous le savons, et rien ne sert de se voiler la face.
    Pour imaginer une alternative de masse à la situation actuelle, il faut une rupture de masse. Ce n'est pas le cas actuellement, c'est notre point de vue sur ce blog.
  • Quoiqu'en disent certains de nos lecteurs, c'est sur le monde de l'entreprise, de l'exploitation, qu'il faut s'ancrer. Il n'y a pas de capitalisme virtuel, de rupture entre valeur d'usage et d'échange etc. Toute la propagande bourgeoise et réformiste (jusqu'au NPA) nous présente la crise comme une crise de consommation, de répartition injuste, de marché. Nous ne sommes pas d'accord.
    Il s'agit d'une crise du  mode de production, d'accumulation, de contradiction antagonique entre taux de profit et composition organique du capital, aggravée par l'extention exponentielle du crédit et de l'endettement [pari sur l'avenir], alors même que le capitalisme est aveugle sur le futur, comme vient de le montrer une fois de plus l'affaire Continental. C'est à partir de la lutte organisée et collective contre l'exploitation, et seulement à partir de là, qu'on pourra reconstruire l'avant-garde du mouvement ouvrier.
    Lutte contre l'exploitation qui permettra de remettre en cause toutes ses conséquences, dans tous les domaines de la vie sociale, nous ne pouvons qu'inviter nos lecteurs à relire le Manifeste du Parti Communiste, qui reste pleinement d'actualité.
  • L'opposition syndicale de classe étant actuellement inexistante, il est bien difficile d'imaginer un avenir syndical organisé, et bien malin qui est capable de faire une prophétie. Renversement de la direction de la CGT ? On a du mal à y croire... Scission importante qui rejoint les SUD ? Reconstruction de la CGT-U par scissions des autres centrales ? Bien malin qui est capable d'y voir clair. Pour une bonne et simple raison : les conditons objectives et subjectives ne sont pas mûres pour qu'on puisse se poser la question.
    Simplement, c'est peut-être le lieu de préciser ce qui a pu être confus, y compris pour nous mêmes : construire une opposition syndicale de classe, ce n'est pas chercher à disputer la direction des structures aux réformistes, c'est former une avant-garde syndicale, des vrais dirigeants du mouvement de masse capable de le diriger sur une base de classe, anti-capitaliste et anti-réformiste.
  • C'est là que vient s'inscrire la question d'un parti vraiment communiste, d'un parti ouvrier capable de tracer une orientation au mouvement syndical et de masse. Bien sur, cela fait couler de l'encre, et la tradition en France est très anarcho-syndicaliste, renforcée [là à juste titre !!!] par les expériences du PCF et autres. Il n'en reste pas  moins que pour les militants de ce blog, si on n'arrive pas à construire un tel parti [et la question est toujours en chantier !] on ne fera que surfer sur un mouvement de lutte plus ou moins radical, sans jamais capitaliser, pour une lutte sans fin éternellement renouvelée, et de fait, absolument sans espoir autre que "Le Talon de fer" éternel...
  • Enfin apparaît alors ce qui semble être l'impasse actuelle et que surgit la question de "S'organiser autrement". La recherche d'une "autre" issue, d'une autre manière de voir le monde et l'organisation syndicale. Contrairement à ce que peuvent penser certains de nos lecteurs, nous ne sommes pas fermés à cette recherche. Le problème étant que nous ne voyons pas du tout sur quoi nous appuyer, dans quel sens avancer, quelles expériences mériteraient d'être approfondies. Pour l'instant, cela reste donc une question "abstraite", que nous ne récusons pas en principe, mais que nous ne savons pas comment faire avancer. Si des expériences intéressantes peuvent être avancées, elles sont les bien-venues

Les expériences déjà faites

Enfin, pour conclure cet article déjà trop long, il faut rappeler quelques expériences passées [que nous n'imputons pas à nos lecteurs !!!], on va les prendre dans l'ordre chronologique :
  • L'anti-syndicalisme. Sur la base du constat de l'intégration croissante de la bourgeoisie syndicale à l'appareil d'Etat, un courant a fait le bilan que les syndicats en général étaient devenu des appareil d'Etat capitalistes, et qu'il fallait donc travailler à leur destruction de la même manière qu'il faut combattre l'appareil d'Etat. C'est selon nous faire l'impasse sur le caractère contradictoire des syndicats et le fait qu'ils conservent la confiance de la majorité des travailleurs combatifs, et restent le lieu principal de résistance à l'exploitation. Malgré cette intégration tout à fait réelle et de plus en plus poussée. Ce courant ne propose d'ailleurs pas d'autre forme d'organisation que politique.
  • L'autonomie. Les grandes grèves de la sidérurgie de la fin des années 70, parallèles à l'échec de la gauche et à la "fin" de Mai 68 ont fait apparaître le courant autonome (qui donnera en particulier Action Directe) qui a toujours cherché à se lier aux fractions les plus avancées du mouvement ouvrier, en développant l'idée de la "propagande par le fait", de l'exemple qui va entraîner les masses. Tel acte particulièrement symbolique et radical est supposé porter immédiatement la conscience politique et permettre la radicalisation du mouvement d'une part, la construction d'une organisation d'autre part. Nous ne sommes pas de ceux qui crachent sur les autonomes, soyons clairs, ils ont au moins le mérite d'une analyse et d'une radicalité certaine. Reste que l'expérience a fait long feu, pour la simple raison que le mouvement de classe n'est pas spontanément révolutionnaire (comme ils l'imaginaient) et que construire une organisation nécessite un tout peu plus que la radicalité dans l'action et l'étude de la tactique.
  • Les scissions et la création de nouveaux syndicats. Durant les grands mouvements de 1995, la "trahison" des confédérations, CGT comprise, a été manifeste, visible, honteuse, comme elle a pu l'être en 1968. Des coordinations se sont créées en dehors des syndicats. Des SUD ont fleuri un peu partout.
    Il est de bon ton dans nos rangs de cracher sur ces militants, et une nouvelle fois, ce n'est pas notre jeu sur ce blog. Quoiqu'on en pense, ces tentatives marquaient la volonté de rompre avec de qui paraissait un réformisme agressif et scandaleux. En gros, soyons clairs : si les SUD se développent, c'est d'abord et avant tout la responsabilité du réformisme des directions CGT. Sans l'ombre d'un doute.
    Reste que le bilan n'est pas brillant, avec un néo-réformisme un peu radical, mais qui ne se démarque pas clairement et ouvertement de la collaboration de classe. Autrement dit, et à titre de leçon : il ne suffit pas de scissionner et de créer un autre syndicat pour être débarassés du réformisme...
Ouf, on va s'arrêter là... Il ne s'agit pas là de fermer le débat, simplement de regrouper et d'organiser ce qui a pu se dire dans de multiples commentaires. Certains pourront penser que nous fermons les portes au fur et à mesure que nous les ouvrons. Oui, nous avançons un avis. Mais si nos lecteurs, ou d'autres courants, ont des propositions, mêmes embryonnaires, à mettre au débat, et bien, avançons ensemble !

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