Que nous apprend ce sondage, pour ce qui nous concerne, nous militants CGT ?
Que les syndiqués et électeurs CGT se sentent proche, dans un ordre décroissant, de
- Ségolène Royal
- Jean-Marie Le Pen
- François Bayrou
- Nicolas Sarkozy
- Olivier Besancenot
- Marie Georges Buffet
La première est la persistance d'une forte influence du Front National dans la CGT, connue par les militants, parfois combattue, souvent honteusement ignorée. Nous avons tous des exemples de militants syndicaux CGT, voire de sections entières appelant sur le tas à voter Le Pen. Nous nous souvenons de ces délégués ouvriers fêtant en 2002 la présence de Le Pen au deuxième tour.
Ce n'est sans doute pas un hasard si la Confédération vient de ressortir un argumentaire consistant pour lutter contre les idées du FN : il y a du ménage à faire dans nos rangs !
Mais il faut aller plus loin, et comprendre comment ces idées ultra-réactionnaires ont pu s'implanter durablement dans des secteurs importants de la classe ouvrière, et jusque dans les rangs syndicaux. On peut en dégager quelques raisons.
L'une tient d'abord à la politique économique développée pendant des années dans la confédération, face aux restructurations et aux délocalisations : le "Non aux importations", le "Fabriquons français", le nationalisme ou la défense de l'entreprise, bref le chauvinisme d'entreprise et le patriotisme économique ont fait des ravages dans les consciences : le raccourci est vite fait avec le "Fabriquons français avec des Français" de Le Pen.
Seul le syndicalisme de classe qui affirme qu'il ne faut défendre que l'intérêt des travailleurs, et rien d'autre, rompre complètement avec la défense de l'entreprise et de la nation peut venir à bout de ces racines nationalistes encore vivaces quoique plus subtiles aujourd'hui.
La deuxième raison est directement liée à la première. Pendant fort longtemps, les réformistes de la CGT ont renforcé la concurrence entre travailleurs, entre travailleurs français et immigrés. Plus personne ne se souvient de la grève de Talbot, en 1984, où les travailleurs des chaînes automobiles ont dû s'affronter aux ouvriers français plus qualifiés soutenus par la CGT. On a oublié les grandes luttes immigrés négligées par le syndicalisme officiel. C'était une marque de l'aristocratie ouvrière des grandes entreprises de s'opposer aux masses ouvrières immigrées. Et cela a laissé de lourdes traces, tant dans la méfiance des travailleurs immigrés plus âgés vis à vis de la CGT que dans les consciences d'une partie des militants CGT.
Aujourd'hui, les choses changent un peu. La CGT affirme lutter contre la concurrence entre ouvriers, lutter contre le travail clandestin. On en voit des résultats à Modeluxe (91), Métalcouleur (94) ou OSP (93) lorsque UD et UL prennent la défense de sans-papiers travaillant au noir, dans les interventions des UL en défense des sans-papiers (Montbeliard) ou le 1er mai à Marseille lorsque la manifestation se détourne pour empêcher l'expulsion (CGT marins et du port en tête) d'un sans-papier vers l'Algérie. Mais cela n'empêche pas l'expulsion honteuse du 9ème Collectif de la Bourse du Travail de Paris, argumentaire particulièrement pourri à la clé... Il y a encore beaucoup de chemin à faire, car cette prise en charge est encore trop faible, trop souvent le fait (encore une fois !) de syndicalistes combatifs et honnêtes, la base de la persistance d'un véritable syndicalisme de classe.
La deuxième remarque est que c'est désormais Olivier Besancenot qui illustre le mieux pour les syndiqués et électeurs CGT la voie de la lutte. On est bien loin de l'époque de la fusion entre PC et CGT ! Aussi, quand certain(e)s parlent encore du "Parti" dans notre confédération, on pourrait largement être perfides et demander "quel Parti ?".
Olivier Besancenot a fait une campagne offensive, sans concessions, une campagne qui a attiré la sympathie des jeunes, des ouvriers, des prolétaires; une campagne sans concession à l'égard du capitalisme et du jeu politicien.. Marie-Georges Buffet a fait une campagne incertaine, partagée entre une tentative d'image de lutte et les affirmations répétées de sa volonté de gouverner avec un PS largement discrédité dans notre confédération. Et oui, il y a des sièges de députés et de maires à sauver !
Ce qui est rassurant, c'est que les syndicalistes CGT ne sont plus dupes, et que la fraction la plus combative est en train de rompre avec la collaboration de classe ouverte des anciens dirigeants.
Ce qui est préoccupant, quand même malgré tout, c'est que la gauche radicale (ne disons même pas révolutionnaire...) ne regroupe explicitement qu'à peine 20% des syndiqués et électeurs CGT, et encore en comptant MGB, pour qui le terme de radical est largement usurpé ! Le réalisme (vote Royal) est encore bien fort, et il nous reste à beaucoup travailler pour renverser la vapeur !