Dimanche 30 novembre 2008
Meeting interprofessionnel du 29 novembre : un compte rendu
Ce sont entre 250 et 300 personnes qui se sont retrouvées dans la salle de Conférence de l'Hopital des Diaconesses à Paris pour un meeting annoncé de longue date. Pour l'essentiel des militants de la CGT, pour l'essentiel des grandes entreprises du privé, ce qui a contribué à donner une tournure de classe, de lutte, incontestable. Des camarades de Renault, de Sevelnord, de Ford entre autres, des camarades en lutte pour l'emploi autour de la crise de l'automobile.
Une introduction de JP Delannoy (disponible ICI en
intégral), de la métallurgie du Nord Pas de Calais faisait le tour de la situation de la lutte des classes en France, de l'attentisme de la direction confédérale, de la nécessité d'une plateforme
revendicative claire construite à la base pour mobiliser les travailleurs, une critique incisive du syndicalisme rassemblé qui n'est qu'une "stratégie de l'échec" et d'accompagnement. Il
soulignait l'importance de la lutte des sans-papiers, et insistait sur ce qui apparaît à la direction confédérale, c'est à dire les tentatives de criminaliser les opposants, qu'il s'agisse des camarades de Dalkia trainés au Tribunal, et maintenant au pénal, ou des camarades de l'Union Locale de
Douai. Reprenant l'appel initial et les perspectives de constituer un collectif national basé sur des représentants régionaux, il (auto)-critiquait d'emblée la formule que beaucoup avaient
relevé (dont nous-mêmes) sur la CGT qui se serait faite "piéger" autour de l'accord sur la représentativité. Il affirmait au contraire que c'était un choix bien clair, correspondant à une
stratégie d'accompagnement. Pour conclure sur l'appel courant 2009 à un nouveau meeting national de ce type.
Ensuite, plusieurs interventions complétaient le tableau, du CGT-E Dalkia, rappelant les conflits avec la CGT de collaboration de classe, du syndicat du Livre, d'un camarade de la Cegelec expliquant comment la confédération veut liquider cette dernière Union syndicale nationale qui maintient des positions de classe fermes, d'un camarade de Ford Bordeaux expliquant la lutte des travailleurs de l'entreprise pour l'emploi.
Deux autres interventions marquaient la discussion. D'abord, celle, remarquable, des camarades CGT sans-papiers de Viry-Chatillon (groupe Fayat) qui se battent en collectif depuis six mois, sans se soumettre à la direction des experts ou des syndicalistes, et qui viennent d'obtenir 20 régularisations sur 31 et qui poursuivent le combat. Cette intervention (maintenant en ligne ICI sur ce blog) situait de manière très juste et précise la relation avec les structures de la CGT, la politique de la confédération et en quoi il n'y avait quand même pas de quoi se gargariser de 1000 régularisations sur 400 000 sans-papiers ! Une critique incisive de l'application "apaisée et harmonieuse" de la circulaire Hortefeux était en particulier très bien venue. Cette intervention vraiment très avancée suscitait l'enthousiasme de l'assemblée, et dans le (court) débat qui a suivi deux autres camarades insistaient lourdement sur ce combat. Un des lecteurs de ce blog soulignait l'importance des grèves de sans-papiers, de l'auto-organisation et du fait que l'on sous-estimait toujours le fait que le conflit se développait dans l'intérim, du jamais vu depuis des années ! Ce lecteur rappelait d'ailleurs justement l'occupation de la Bourse du travail par les sans-papiers de la CSP75, en réaction à l'appropriation par l'appareil de la CGT de la lutte des sans-papiers réduits à des spectateurs de leur propre lutte, de leur propre vie en fait.
Une deuxième intervention marquait l'assemblée, celle d'un camarade de Renault Cléon expliquant précisément les conditions du chômage technique actuel dans l'industrie automobile et secteurs associés (chimie et verre par exemple). On sait peu, voire pas du tout, que le chômage technique actuel se fait le plus souvent par prise obligatoire de congés, y compris par anticipation de 2009, y compris pas encore acquis. On sait peu, voire pas du tout, que ce chômage peut se prendre sur le compte épargne temps accumulé avec les RTT non pris, mais y compris de manière anticipée avec un compteur négatif, et y compris pour un nombre de jours stupéfiants, de plusieurs dizaines de jours. On sait peu, voire pas du tout, que ce chômage technique va peser pendant des années, que les directions vont pouvoir imposer des semaines à 6 jours quand elles le voudront pour récupérer, et y compris reculer les départs à la retraite si le compteur n'est pas revenu à zéro ! On voit jusqu'où est capable d'aller la flexibilité du capital dans notre exploitation... Une raison de plus pour organiser la riposte de classe, dont on attend toujours le début de commencement de la part de la Confédération... Est-ce cela la Sécurité Sociale Professionnelle chère à la CGT ?
Cette première partie du débat passée, constituée d'interventions préparées, il restait peu de temps pour la discussion dans la salle. Une douzaine de camarades intervenaient alors, un peu "en vrac", pour apporter telle ou telle information, telle ou telle interrogation. Le meeting se terminait à l'heure imposée, sans l'intervention de clôture initialement prévue, avec un renvoi sur un collectif organisateur qui se réunissait ensuite pour élaborer une déclaration finale à venir.
Que dire de ce meeting ? Qu'après les Forums du syndicalisme de classe et de masse, il marque une nouvelle étape, une nouvelle tentative de regrouper des opposants à la CFDTisation de notre confédération, et qu'en cela c'est positif. Que nous nous interrogeons toujours pour comprendre pourquoi les camarades proches de la LCR et du NPA, nombreux dans l'assemblée, n'ont pas participé plus tôt aux initiatives passées, sinon que le contenu était peut-être bien un peu "trop" radical pour eux ?
En complément à l'intervention faite par un camarade du blog dans l'assemblée, on peut retenir trois grandes séries de question sorties du meeting :
- Quelle est la nature de la critique que nous faisons à la direction confédérale de la CGT ? Serait-ce une absence de stratégie ? Du fait que la direction "n'aurait plus les pieds sur terre" ? Qu'elle serait dans une "logique suicidaire" ? C'est la tonalité générale que l'on pouvait entendre. Or, ce n'est pas ce que nous pensons. Nous affirmons au contraire que la direction confédérale sait parfaitement ce qu'elle fait, qu'elle est totalement insérée dans l'ensemble des rouages institutionnels du capitalisme, et qu'il n'y a absolument rien à en attendre, comme nous n'attendons rien de Sarkozy. Il y a beaucoup d'hésitations à ce propos, car si l'intervention du camarade du blog a été acclamée quand il a dénoncé les 500 euros de la honte de l'URIF-CGT, c'est bien le signe que c'est cette intégration au capitalisme qui est comprise. Et pourtant, on n'ose pas aller plus franchir le pas, et appeler un chat un chat et un dirigeant syndical un bourgeois...
- L'enjeu aujourd'hui se concentre-t-il sur la coordination des luttes et le "Tous ensemble" ? C'était également la tonalité générale dans la salle. Or, nous disons, et l'avons dit, que les choses ne sont pas si simple. Que si nous savons un peu contre qui nous nous battons (Sarkozy, le Medef et le Capital), nous savons fort mal comment, sur quelles revendications, avec quels alliés. L'intervention du camarade du blog insistait sur ce volet et la nécessité impérieuse d'ouvrir des espaces de débat sur le fond, pour nous unifier face aux attaques du capital.
- Comment s'élaborent les revendications ouvrières, et quelle est leur place dans la lutte ? Vieux débat, que nous avions déjà eu à plusieurs reprises lors des Forums précédents. Il y a l'illusion fort répandue qu'il suffit de reprendre les aspirations ouvrières, d'en faire des mots d'ordre, et que la lutte avancera, que l'on construira ainsi le syndicalisme de classe. C'est tout simplement oublier que le mouvement ouvrier n'est pas vierge, qu'il est baigné depuis toujours dans une société capitaliste qui façonne les esprits, manipulé depuis des décennies par des réformistes qui l'entraînent vers des impasses. Sans rentrer dans les détails, c'est le cas de toutes les revendications qui s'appuient sur un renforcement du rôle de l'Etat (par exemple les nationalisations), en oubliant que l'Etat est le quartier général de nos ennemis ! En gros, ce que nous disons c'est que le critère décisif pour apprécier l'état du mouvement ouvrier n'est pas la lutte, la lutte, mais son degré de conscience et d'organisation, sur le chemin de sa libération... Et cela n'est pas forcément partagé, ni même compris par beaucoup des présents...
Alors, quel bilan général de ce meeting ? Difficile de savoir. Tout va dépendre de la suite qui va y être donné, de comment ce nouveau regroupement va permettre ou pas de renforcer une véritable unité de classe.
Après l'échec du Forum précédent, les camarades qui animent ce blog restent pour l'instant prudemment sur le côté, sans se désintéresser de l'initiative, au contraire. Mais, comme on dit, chat échaudé caint l'eau froide ! Nous attendons de voir comment les choses vont se mettre en place, quels objectifs vont être donnés, comment le processus va se construire. Par ailleurs, nous participerons à toutes les initiatives locales, chaque fois que nous le pourrons, et par exemple lors de la manifestation pour l'emploi à Bordeaux le 20 décembre prochain.
Enfin, que nos lecteurs (nombreux dans la salle) n'hésitent pas à donner leur sentiment et appréciation sous forme
de commentaires à cet article !