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6 décembre 2007 4 06 /12 /décembre /2007 10:47
Jeudi 6 décembre 2007
Labor Notes : un réseau d'opposition ouvrière aux USA

Nous publions ci-dessous un article repris sur le site de "Solidaires" qui présente un réseau d'opposition ouvrière et de syndicalisme combatif aux USA. Réseau de militants et de syndicalistes de base, structuré et développé dans les luttes, qui tente d'offrir une alternative au syndicalisme réformiste officiel.
Nous ne connaissons pas particulièrement ce réseau et ce qu'il défend. Mais la présentation ici faite est intéresssante, et comme pour Ford en Russie montre l'apparition d'un syndicalisme indépendant (du capital) et radical...
Nous nous sommes  permis de modifier légèrement le titre original, titre qui (selon nous) prête à quelques confusions sur ce qu'est réellement le pouvoir ouvrier...

Labor Notes : Un réseau pour le contre-pouvoir ouvrier

Labor Notes (1) a été fondé dans la foulée des mouvements sociaux de masse passionnants de la fin des années 1960 et du début des années 1970. Il s’agissait d’un centre de formation ouvrière fondé par des militants impliqués dans ces mouvements, et cherchant à se lier à la classe ouvrière.

Jusqu’alors les militants de gauche américains et les syndicalistes combatifs de base étaient un peu comme deux bateaux se cherchant dans la nuit. Le projet de Labor Notes était d’établir un pont entre eux, pensant que de tels liens étaient essentiels pour permettre une transformation sociale progressiste.

Labor Notes est un magazine mensuel rendant compte, du point de vue des militants de base, des évolutions du mouvement ouvrier aux USA et au Canada. De plus, le réseau Labor Notes - par le biais de son magazine, de livres, de forums et de conférences – forme les militants ouvriers non seulement sur les injustices existant sur le lieu de travail, mais aussi sur la façon dont les travailleurs ici et à l’étranger les combattent, en fournissant des exemples concrets qui peuvent leur servir dans leurs propres luttes.

Les conférences de Labor Notes rassemblent, tous les deux ou trois ans, environ un millier de militants venant de l'ensemble les Etats-Unis et beaucoup d’autres venant du monde entier, afin de partager expériences et idées. Lors des sessions plénières, les militants syndicaux analysent les enjeux auxquels le monde du travail doit faire face, et proposent leur point de vue sur la façon dont il faut les aborder.

Dans les ateliers, nous partageons nos expériences sur la façon de construire des syndicats démocratiques, combattre les patrons, et développer la solidarité internationale. Labor Notes a toujours cherché à établir des relations directes entre les militants ouvriers de base à travers les syndicats ou les organisations locales et offre un espace politique pour débattre des problèmes clés et des grandes tendances à l’œuvre.

Les oppositionnels au sein des syndicats de la sidérurgie, de l’automobile, des transports routiers et quelques autres syndicats ont pu voir grandir leur audience grâce au cycle de luttes partant de la base dans les années 1970, mais il leur manquait un moyen pour communiquer et rester en contact. Le lancement de Labor Notes était donc une modeste tentative pour aider à approfondir ces liens après la grande grève des mineurs de 1978 et l’ampleur de l’énergie et de la solidarité interprofessionnelle qui s’étaient manifestées à cette occasion.

L’espoir était que ces courants oppositionnels venant de la base renforceraient et consolideraient la vague plus profonde de militantisme syndical apparues au début des années 1970.

La première année, les titres des articles de notre magazine Labor Notes portaient sur des thèmes comme « Les camionneurs syndiqués de la sidérurgie montrent leurs biceps en faisant une grève sauvage de trois semaines ».

Durant les premières années, l’accent était mis sur la façon dont les bureaucrates nationaux au sommet des syndicats freinaient le militantisme de cette couche de travailleurs. En 1979, le taux de syndicalisation était encore supérieur à 20 %. Les luttes lors du renouvellement des accords d’entreprise étaient centrées sur l’augmentation des salaires et des avantages sociaux.

Les actions militantes, comme les grèves, constituaient encore une part importante de l’arsenal ouvrier. En 1979, ont eu lieu 235 grèves majeures impliquant plus d’un million de salariés (2).

L’offensive patronale qui a déferlé sur le pays au début des années 1980 a rapidement changé la situation. Des concessions massives au niveau des salaires et des avantages acquis, des fermetures d’usines, l’écrasement de grèves majeures comme celle des contrôleurs aériens et le recul de la législation sociale pendant l’ère Reagan (1981-1989) ont placé le mouvement ouvrier sur la défensive. Les nouveaux groupes de militants de base et Labor Notes commencèrent à se repositionner sur la façon dont les dirigeants syndicaux, aveuglés par un modèle de syndicalisme d’accompagnement, semblaient incapables de faire face à la chute libre des syndicats et de la classe ouvrière pendant cette décennie.

Au moment où la lutte contre l’offensive patronale rassemblait ses forces, Labor Notes fournissait des informations et des arguments pouvant servir à entraver les concessions. En 1982, la première conférence de Labor Notes, intitulée « s’organiser contre les concessions » attira des centaines de militants. Peu de temps après, en 1983, nous avons publié un de nos premiers livres intitulé «Comment combattre les concessions » (3).

Au cours des années 1980, un nouveau phénomène menaça de réduire encore le pouvoir de la classe ouvrière : la croissance rapide de programmes de coopération entre salariés et direction. Appelés aussi « cercles de qualité », « concept d’équipe » ou par d’autres termes touchant à « l’implication des salariés », de tels programmes étaient soutenus par certains responsables syndicaux qui voyaient là un moyen pour les salariés d’avoir leur mot à dire en échange d’un certain nombre de concessions.

Allant contre-courant, Labor Notes organisa la riposte, publiant des articles et des livres analysant ces projets et organisant des formations pour enseigner aux responsables syndicaux locaux et aux adhérents comment les combattre. 

Bien que cette tendance se soit poursuivie dans les années 1990, des signes d’espoir pour le mouvement ouvrier sont aussi apparus. La direction nationale de l’AFL-CIO a changé de mains, et la confédération a commencé à consacrer davantage de moyens pour recruter de nouveaux adhérents, y compris les latino-américains et d’autres immigrés que le mouvement ouvrier avait traditionnellement ignorés.

L’opposition syndicale a brièvement pris le contrôle du syndicat des camionneurs (Teamsters) et dirigé la grève de 1997 à UPS, une des plus importantes et plus grande victoire de ces dernières années.

Tout au long des années 1990, Labor Notes s’est concentré sur des sujets comme l’organisation de liens internationaux et la libéralisation du commerce.

Labor Notes s’est élevé avec vigueur contre l’Accord de libre-échange nord-américain (NAFTA) (4), publiant en 1992 « Syndicalisme et libre-échange » (5). Mais, à la différence de la plupart des dirigeants syndicaux, Labor Notes a refusé d’adopter une approche nationaliste en ce qui concerne le problème des échanges commerciaux.

Au lieu de cela, Labor Notes a encouragé la solidarité entre les travailleurs canadiens, mexicains et états-uniens, afin de s’opposer à la stratégie patronale.

Labor Notes est cependant, selon son habitude, resté centré sur le lieu de travail. Labor Notes a publié en 1991 « Le manuel de l’agitateur » (6), et en 1999 « La démocratie, c’est le pouvoir » (7).

Ces deux livres étaient destinés à procurer aux syndicalistes des outils pour accroître leur pouvoir sur le lieu de travail et au sein du syndicat.

L’année 2000 a vu l’éclosion du mouvement altermondialiste avec des mouvements massifs de protestation contre le néo-libéralisme à Seattle, au Québec et dans le monde entier. Labor Notes a participé à nombre de ces évènements et a soutenu les syndicalistes et les militants altermondialistes qui se sont alliés à ces mouvements. Simultanément, Labor Notes a soutenu les victoires syndicales des dockers de Charleston (Sud-Est des USA) et des salariés des télécommunications de Verizon.

L’attentat du 11 septembre 2001 et la guerre contre le terrorisme nous a coupé l’herbe sous le pied en donnant à l’administration Bush et aux multinationales un prétexte à la poursuite de leur programme antisyndical.

Dans les suites immédiates du 11 septembre, Labor Notes rendit compte de la grève massive dans les services publics du Minnesota (nord des USA), où les salariés, s’opposant à ceux qui les traitaient d’anti-patriotes, revendiquaient un accord collectif acceptable, et furent victorieux.

Labor Notes rendit compte également du développement des « Workers Centers » comme nouvelle forme d’auto-organisation, en particulier des immigrés, et invita les responsables de ces centres à venir faire partager leur vision des choses lors des conférences de Labor Notes. Plus récemment, Labor Notes a rendu compte des manifestations massives pour les droits des immigrés ainsi que du développement de « U.S. Labor Against the War » (8), un collectif de syndicalistes opposés à la guerre en Irak.

Bien entendu, dans chaque numéro de Labor Notes, nous continuons à parler de la lutte des dockers, des mécaniciens des transports aériens, des ouvriers des usines de pièces détachées automobile, des enseignants, des travailleurs sociaux et des salariés du secteur des hautes technologies.

Une nouvelle édition du « Manuel de l’agitateur » (5) fournit des douzaines d’exemples de stratégies et tactiques victorieuses pour les militants ouvriers et les syndicats locaux. Dans les bons moments, comme dans les mauvais, une chose ne change pas, ce sont les agitateurs qui gagnent.

Depuis 1979, Labor Notes a toujours soutenu et combattu aux côtés des militants, des agitateurs et de ceux qui luttent pour chercher à revitaliser le mouvement ouvrier et le combat pour la justice sociale grâce à l’action militante démocratique.

Nous espérons que les différents outils que nous proposons seront utilisés comme des munitions par ceux qui prennent pour cible les patrons et les PDG, et nous invitons les militants à nous rejoindre dans le combat.


* Chris Kutalik est membre de la rédaction de la revue Labor Notes. Il s’occupe en particulier du suivi du secteur des transports routiers, ferrés et aériens, ainsi que des salariés du commerce et des industries alimentaires. Avant de faire partie de l’équipe de Labor Notes, Chris était conducteur d’autobus et responsable syndical local dans le Texas. Il avait déjà participé à plusieurs organes de la presse alternative, le plus récent étant Working Stiff Journal, un mensuel ouvrier du centre du Texas.

 ** William Johnson est membre de la rédaction de la revue Labor Notes. Il s’occupe du suivi du secteur public et, en particulier, de la santé et de la poste, ainsi que des salariés du textile, des blanchisseries, de l’hôtellerie, de la restauration, etc.
Il travaillait auparavant à New York pour le magazine The Nation. William a participé à diverses campagnes contre le racisme et pour les droits des travailleurs dans le Nord des USA, ainsi que sur la discrimination positive à l’Université du Michigan.

1. http://www.labornotes.org/

2. En 2004, il y a eu environ 14 fois moins de grèves majeures, et 6 fois moins de salariés y étaient impliqués. http://www.laborresearch.org/charts.php?id=13

3.  Concessions and How to Beat Them par Jane Slaughter (1983).

4. http://fr.wikipedia.org/wiki/NAFTA

5.  Unions and Free Trade par Kim Moody et Mary McGinn (1992).

6. A Troublemaker’s Handbook par Dan La Botz (1991), puis Jane Slaughter (2005)

7. Democracy is Power, par Mike Parker et Martha Gruelle (1999)

8. http://www.uslaboragainstwar.org/

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