Jeudi 5 juillet 2012
La CGT et le nouveau gouvernement Hollande
On le sent bien, le changement de majorité suscite des espoirs dans nos rangs. Espoirs minimes, mais espoirs quand
même.
Les enjeux politiciens ne sont pas absents, ne soyons surtout pas aveugles. Le PCF est encore très présent (quoique discret, il
faut le reconnaître) à la direction de la Confédération et l’échec du Front de Gauche aux législatives comme la perspective des municipales de 2014 pèsent lourdement : le PCF n’a aucune intention
de se placer dans une attitude d’opposition qui lui coûterait ses derniers bastions dans deux ans... D’ailleurs, cette configuration ne va pas arranger la succession de Thibault, dans la mesure
où la navigation à vue de la Confédération va être aggravée par le nouveau contexte. Mais nous en avons déjà parlé (voir « La CGT en roue libre » et « Succession de Thibault, la CGT telle qu’elle est ».
L’heure est donc à l’hésitation.
La dominante, c’est le soulagement après le dégagement de la bande à Sarko, et l’espoir que ça va changer « un peu ». Du coup,
aucune critique ouverte à Hollande, mais plutôt l’avancée des revendications (plus ou moins radicales) en faisant « comme si » cette nouvelle majorité allait y répondre.
C’est bien entendu le cas caricatural avec la régularisation des sans-papiers, face aux déclarations de Manuel Valls (« Sans-papiers : la CGT veut négocier les virgules avec Valls
»).
C’est le cas également avec la retraite. L’engagement N°18 de François Hollande est clair : « Je ferai en sorte que tous
ceux qui ont 60 ans et qui auront cotisé la totalité de leurs annuités retrouvent le droit de partir à la retraite à taux plein à cet âge-là : ce principe sera mis en œuvre immédiatement. ».
C’est ce qui vient d’être mis en œuvre avec le décret « carrières longues » en cours d’élaboration. Sous le titre « un décret qui change la donne », la direction confédérale valide en fait un aménagement qui liquide la retraite à 60 ans (ne parlons même pas des 55 ans sans conditions de
trimestre...), et valide 1) l’augmentation du nombre des trimestres demandés, 2) le fait que le chômage et la maladie de longues durée ne sont pas comptés dans ce calcul... (voir ICI le tableau diffusé par la confédération).
Enterrement législatif de la retraite à 60 ans
La nouvelle réforme des retraites enterre la revendication « la retraite à 60 ans » des manifestations de 2010, en la limitant à une toute petite partie des salariés.Cette petite fraction doit encore s’amenuiser dans l’avenir puisque la dévalorisation des qualifications oblige nos enfants à prolonger leurs études pour trouver un emploi.
(...)
Quant à Bernard Thibault, dans son style inimitable de la mesure-anti-sociale-mais-positive-parce-qu'elle-s'inscrit-dans-une-dynamique-machin… « Pour la CGT, cette mesure doit s’inscrire dans une dynamique de retour aux 60 ans pour tous. A ce titre, la CGT la juge positive. »
Il faut dire que la confédération avait déjà bien préparé l'atterrissage, en annonçant la victoire de la lutte sur les retraites grâce à la conservation du régime de répartition...
Evidemment, les nouvelles dispositions ne s'inscrivent pas du tout dans "une dynamique de retour aux 60 ans pour tous" mais dans une dynamique d'extinction programmée de la retraite à 60 ans...
La réforme imposée aux masses par Sarkozy devient ainsi acceptable grâce à l'aval des dirigeants syndicaux, et moyennant un petit crédit à payer - dégressif de surcroît - pour les capitalistes.
Ainsi la bourgeoisie s’assure que le couvercle est définitivement vissé sur la lutte pour les retraites, et pour un plat de lentilles : 0,5 point de cotisation dont 0,25 piqué sur le salaire net. Difficile de faire plus rat !
Le gouvernement socialo s’est évidemment empressé de faire passer cette réforme avant les législatives, afin de légitimer cet enterrement par le vote.
Un lecteur nous a envoyé une contribution (ci-contre) publiée par ailleurs qui explique la démarche : dans la mesure où les carrières longues sont
forcément en voie de réduction au fil des générations, dans la mesure où on valide les conditions de passage (trimestres), la paix sociale et l’aval syndical vaut bien quelques
miettes.
La même démarche se prolonge autour de la dite Conférence Sociale qui aura lieu la semaine prochaine dans laquelle tous
les réformistes syndicaux placent leurs espoirs, comme si le capitalisme français allait d’un seul coup découvrir qu’on pouvait gérer « autrement » et « humainement » (Ca ne vous rappelle rien, «
le développement humain durable » ??? c’est l’orientation de la CGT votée en congrès), comme si la guerre
économique mondialisée, la crise et la concurrence effrénée entre monopoles et les Etats n’existait juste pas...
On n’est pas trop étonné de voir nos dirigeants confédéraux clapoter dans ce marigot, c’est ce qu’ils nous chantent depuis des
décennies.
On est plus étonné de voir des structures combatives, connues pour leur engagement sur des bases de classe, rentrer dans ce
petit jeu.
C’est le cas des cinq Unions Locales CGT du Pas de Calais, qui viennent de diffuser une adresse à la Confédération un peu
sidérante (ci-dessous).
On y retrouve la même démarche que la Confédération, seulement démarquée par un catalogue de revendications un peu plus
radicales et plus proches des intérêts ouvriers.
Mais que penser de formules comme
« Mais il y a des revendications prioritaires auxquelles le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous autorité de François
Hollande et avec l’appui absolu des assemblées, doit répondre… nous le répétons sans démagogie, il y a une réelle urgence sociale, nous refusons la mort sociale et nous attendons de l’Etat, des
réponses positives et claires.
Un tel pouvoir de la gauche est historique et les travailleurs ne peuvent rester sur leur faim... »
Les camarades ont-ils écouté les déclarations de Hollande et du PS durant la campagne ? Ont-ils lu le programme de François
Hollande ?
Comment peuvent-ils encore répandre de telles illusions, alors que pour les syndicalistes de classe, l’heure est à faire ouvrir
les yeux sur la véritable nature du gouvernement ?
Comment peuvent-ils souhaiter « bonne chance » à la délégation CGT pour la Conférence Sociale, alors qu’il est parfaitement
clair que cette rencontre n’a pour objectif que d’endormir les travailleurs et de gagner la paix sociale en collaboration avec les directions réformistes, dont les nôtres ?
Camarades, il va falloir ouvrir les yeux et arrêter de rêver !!!