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19 février 2025 3 19 /02 /février /2025 17:10

Mercredi 19 février 2025

Alerte disparition inquiétante : où est passée la CGT ?

 

Un post récent du media alternatif nantais « Contre Attaque » a choqué nombre de cgtistes (voir ci-contre sur l’image – merci aux camarades, nous leur avons piqué leur visuel).

Et pourtant, le constat est partagé par tous les camarades un peu concernés par l’activité de la Confédération.

Depuis le Congrès confédéral de 2023 (presque deux ans quand même…), depuis ce fameux changement de direction validé par les « opposants », radicaux au moins dans le discours, depuis l’arrivée surprise de Sophie Binet à la tête de notre syndicat, on attend un vrai tournant dans l’activité et l’apparition de la CGT.

 

Or rien. « Contre Attaque » ne fait que constater « la disparition inquiétante », n’en déplaise aux militants de terrain qui n’en peuvent plus d’activisme et de submersion dans les tâches bureaucratiques et paritaires. Prix, emploi, droits au chômage, « pas une seule date de grève nationale, même symbolique, même timide, même rituelle » disent-ils avec raison… Seules quelques structures essaient de maintenir une activité minimale.

Mais Contre Attaque ne donne aucune réponse. Oui, au fait, pourquoi ce silence, alors que nous avons une direction confédérale supposée plus radicale et combative que Thibault et Martinez ?

 

Alors, parlons de la CGT, puisque les histoires sont un peu différentes avec la FSU et Solidaires.

En fait, le 53ème congrès, et l’arrivée de la nouvelle direction coïncident avec l’échec du mouvement sur les retraites. Et à une nouvelle bascule dans la stratégie confédérale.

 

Résumons vite fait :

  • Historiquement, après la guerre, il y avait un lien stratégique entre la CGT et le PCF. Le « parti » donnait la ligne, l’orientation générale – un capitalisme à visage humain cogéré, souverainiste, productiviste, plutôt patriarcal et pas très clair relativement au racisme et à l’immigration.
    Il y avait donc un débouché politique aux luttes menées par la CGT, qui se manifestait régulièrement dans les épisodes électoraux et la place du secrétaire général de la CGT à la direction du PCF.
    Cette séquence s’est achevée par une succession de changements progressifs, d’abord avec Viannet puis Thibault et Martinez (oublions Le Paon…) pour casser les liens organiques entre le syndicat et le parti, et éviter que le premier sombre avec le second, aujourd’hui réduit à peau de chagrin.
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  • A la fin des années 90, on est rentré dans une nouvelle séquence, plus nettement anarcho-syndicaliste, la lutte – la lutte, la séquence de la « grève générale », portée par la base et les structures intermédiaires de la CGT qui, n’ayant plus de perspective politique (le désaveu du PCF), se sont repliés sur l’action gréviste immédiate. Vieille tradition française, rappelons-le.
    Le problème, c’est que dans le contexte de la crise générale du capitalisme/impérialisme, il n’y a plus de « grain à moudre », les monopoles ne lâchent plus rien. C’est particulièrement net concernant les retraites, où les mouvements successifs, 2007, 2010, 2013, 2019, 2023 n’ont fait qu’échouer – après le recul de Juppé en 1995 (voir tous les articles de ce blog sur le sujet, on n'a rien oublié !). La « grève générale », c’est un beau slogan mais complètement abstrait et déconnecté de la réalité de la lutte des classes. Et à force d’avoir semé le réalisme économique (même alternatif), dans la gestion du capitalisme, les réformistes ont découragé les masses des prolétaires, d’autant que la perspective politique s’est évaporée avec la gestion de la gauche réformiste au gouvernement.
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  • En 2022, Macron est réélu, et l’Union de la Gauche réformiste se reconstitue d’abord avec la NUPES puis le NFP après les élections européennes et la dissolution en 2024. Entre temps, nouvel échec contre la nouvelle réforme des retraites, polarisation autour de l’Ukraine après l’invasion russe le 23 février 2022 et la Palestine après l’offensive du Hamas et ses suites le 7 octobre 2023. Jamais le contexte n’a été aussi politique, au plan international comme au plan national. Le syndicalisme passe au second plan, et en France, tout se polarise autour d’une hypothétique victoire du NFP aux élections, prétendument capable, quoique largement minoritaire, de changer le cours du capitalisme en crise.
    Le changement de direction confédérale à la CGT se produit en gros à ce moment (mi 2023), et immédiatement mis sous pression politique. Le courant « anarcho-syndicaliste » de la grève générale ayant fait échec, et on revient à la vieille position passée de se remettre à la remorque d’un projet politique réformiste.
    Voilà la raison de la « disparition inquiétante » relevée par « Contre Attaque » : le syndicalisme – et la CGT en particulier - est à nouveau au cul du réformisme électoraliste le plus crasse, de motion de censure en 49.3, de mouvements de manche bidons à l’Assemblée, de petites magouilles entres clans pour préparer les futures présidentielles. Les secteurs combatifs de la CGT se retrouvent bon gré, mal gré, à la remorque de la politique politicienne réformiste…

Voilà donc l’origine de la « disparition inquiétante » relevée par les secteurs combatifs de la CGT, et ironisée par « Contre Attaque » auquel nous ne jetterons pas la pierre.

La question est comment en sortir, une fois de plus la même question.

 

Nous n’allons pas ici tracer un « programme » pour les camarades lucides et combatifs de notre syndicat, juste tracer quelques pistes.

  • Arrêter de se mettre au cul du parlementarisme et des magouilles de tous les partis politiciens. Rompre vraiment avec cette logique pourrie qui réduit à l’impuissance. « Il n’est pas de sauveur suprême, producteur sauvons-nous nous-mêmes ».
  • Se dégager du paritarisme et de la cogestion bureaucratique des institutions (mutuelles, conseils d’administration, sécu, UNEDIC…) dans lesquels les militants, syndicats et structures sont englués, qui prennent de plus en plus de temps et d’énergie pour rien, paralysent la lutte des classes (c’est d’ailleurs ce que recherchent les patrons, par exemple la concentration des tâches des délégués dans les nouveaux CSE).
  • Organiser la résistance à la base, syndiquer, former des jeunes, imposer le débat politique qui a tendance à s’évaporer. Organiser les syndicats, participer aux structures de base comme les ULs, les assemblées de FD ou d’UD pour tisser des liens et construire de vrais réseaux de syndicalisme de classe.
  • Mobiliser sur les questions clés, emploi, pénibilité, précarité, salaires, égalité des droits, en établissant le maximum de convergences avec les quelques secteurs en lutte.
  • Mettre en avant des mots d’ordre qui garantissent l’indépendance de classe, « l’intérêt ouvrier, et rien d’autre » comme nous avons l’habitude de le dire, sans se soumettre à la bonne marche du capitalisme, à une supposée ré-industrialisation, aux intérêts de l’impérialisme français.

Voilà, pour commencer des pistes pour les camarades un peu désespérés par la situation actuelle. Il faut rentrer en résistance, « contre-attaquer » comme le disent les camarades de Nantes, mais sur une base claire, qui se démarque de tous les réformismes syndicaux comme politiques !
 

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