Dimanche 10 février 2013
Le discours de Thierry Lepaon au CCN du 5 février
Le long rapport (18 pages) de Thierry Lepaon [en intégral ci-dessous] commence par une phrase choc, qui a été largement
commentée : "C'est notre dernier CCN avant notre congrès confédéral et nous sommes en guerre, au sens propre et au sens plus figuré du mot". Et il a remis une couche au Journal du
Dimanche "Hollande est dans la continuité de
Sarkozy"...
En guerre, diable, il ne mâche pas ses mots le bougre ! Ou plus exactement, voilà une paye qu'on n'avait pas entendu une telle formule dans la bouche d'un dirigeant confédéral.
On aurait tort de ne voir qu'un exercice de style à la veille du 50ème Congrès, histoire de calmer comme d'habitude les opposants les plus remuants. Ce congrès, tout le monde s'en fout, il ne se passe rien, personne n'en parle. Dans certaines structures, même les membres de la CE ne connaissent pas les délégués...
L'opposition (pour ce qu'elle existe) est cantonnée dans les luttes locales et a abandonné toute perspective stratégique
de reconstruction d'un syndicalisme de classe, de structuration d'un solide courant syndical de classe dans notre confédération.C'est morne plaine !
Nous avions annoncé sur ce blog l'étude du document d'orientation proposé au Congrès [ICI], étude chaudement recommandée par Thierry Lepaon dans son intervention. Nous ne le ferons pas, pour deux raisons :
- Il s'agit d'un document particulièrement indigeste et abstrait, incompréhensible et qui n'apporte aucune nouveauté par rapport au bavardage des Congrès précédents. Résultat, il ne suscite pratiquement aucun intérêt, aucune réaction. Nous renvoyons donc nos lecteurs à l'étude comparée de ce document et de celui du précédent Congrès ("Rapport d'orientation au 49ème Congrès : dans quel monde vivons-nous ?"). Les quelques pervers parmi nos lecteurs pourront s'amuser à traquer et décrypter les virgules modifiées depuis trois ans. Nous reviendrons sur le sujet uniquement dans les jours précédents le Congrès.
- La deuxième raison est beaucoup plus évidente : le débat est aujourd'hui directement politique, et c'est d'ailleurs largement escamoté par le rapport de Thierry Lepaon. Nous avons depuis neuf mois un nouveau gouvernement de gauche qui prétend être du coté des travailleurs, et jour après jour nous constatons la vraie vérité, la réalité : tout ceci n'est que du bavardage, il est le digne successeur de Sarkozy. D'ailleurs, Thierry Lepaon est obligé de l'admettre, sans tirer les conclusions syndicales qui devraient s'imposer par ailleurs. Le débat est politique est c'est sur ce terrain qu'il faut intervenir avant tout, la question syndicale n'étant bien sûr qu'une conséquence. par ricochet. Nous n'allons pas dépiauter des virgules d'un texte d'orientation syndicale, alors que l'enjeu est directement politique. Les militants de Voie Prolétarienne qui animent ce blog interviennent d'abord politiquement, c'est la priorité (voir le tract actuellement diffusé ci-contre).
Revenons à la radicalité de Thierry Lepaon, au CCN comme au Journal du Dimanche.
Il faut bien comprendre que si le discours se durcit, c'est que la tension monte. Les vagues de restructurations de poursuivent, les conflits prennent de l'ampleur, et d'abord PSA Aulnay, symbole de la résistance politique (et pas seulement de lutte déterminée) contre le gouvernement Hollande/Montebourg/Sapin.
Ca chauffe, la solidarité ouvrière se développe, encore de manière embryonnaire, mais réelle comme le montre le succès de la collecte de soutien aux PSA. La colère monte, partout les prolétaires grognent.
Mais rassurez-vous ! On n'est pas prêts de voir la confédération CGT lancer l'offensive contre le gouvernement !!!Il s'agit juste de garder le contact, d'être capables d'encadrer pour éviter l'explosion et pour tenter de mieux faire pression sur le gouvernement. D'un côté les nouveaux flics spéciaux "manifestations sociales" de Valls, de l'autre garder le contrôle sur les travailleurs.
Et puis, patronat, gouvernement et CFDT ont fait une erreur : croire que la loi sur la sécurisation de l'emploi aller passer comme une lettre à la poste ("Emploi : un accord dans la droite (!) ligne des précédents"). Or n'importe quel prolétaire est capable de comprendre son contenu et ce qu'il comporte de régression et de précarité accrue, de souffrances et de misère - la confédération l'a bien compris, c'est une part importante du rapport de Thierry Lepaon.
Voilà une occasion excellente de détourner la colère des travailleurs : au lieu d'appeler à l'offensive contre le gouvernement Hollande/Parisot, on invite à faire pression sur les députés pour qu'ils ne votent pas le texte - comme s'il s'agissait "d'amis dans l'erreur"... Une occasion excellente aussi pour montrer sa force et qu'il n'y a pas que la CFDT comme interlocuteur syndical du gouvernement...
Thierry Lepaon représente assez fidèlement la direction confédérale, et c'est tout sauf un "révolutionnaire". Quand il était au CESE, c'est même lui qui a été le rapporteur (le 27/06/2012) du débat sur "l'ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux de voyageurs" - pour celles et ceux qui le croient pas, c'est ICI. Bon, ça calme.
Quand il parle de guerre, ce n'est donc pas pour organiser notre quartier général et mener la contre-offensive. C'est juste pour rouler les mécaniques un peu (il a fait de l'haltérophilie, il peut le faire...) et servir de soupape à la colère populaire qui monte.
Néanmoins, et c'est surtout ce qu'il faut retenir : s'il parle de "guerre", c'est que la pression monte, et que cette colère gronde.
Maintenant, c'est à nous, syndicalistes de classe, d'y répondre !
Dernière remarque, concernant la guerre au Mali (c'est le début de son intervention) : il est particulièrement choquant, voire scandaleux de voir Thierry Lepaon mettre à égalité les travailleurs des entreprises françaises pris en otage au Sahel (AREVA, pour ne pas la nommer) et les travailleurs immigrés en France. Et encore... 4 lignes et demi pour les expats français des entreprises coloniales, 1 ligne pour nos camarades immigrés. C'est HONTEUX. Serait-ce considérer que la France et le Mali sont à égalité ? Qu'il n'y a pas de domination impérialiste, néo-coloniale de la France sur ce pays, avec pillage des richesses (uranium, pétrole et autres), et émigration liée à la destruction de l'économie provoquée par cette domination ? La France impérialiste est la principale responsable de la situation au Mali, de l'émigration comme du pillage des richesses, voilà ce qu'il aurait fallu rappeler ! Mais quand on sait que la Confédération comme la CGT Energie sont farouchement pro-nucléaires ("La CGT et le nucléaire"), c'est probablement beaucoup trop demander !