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17 mai 2006 3 17 /05 /mai /2006 06:14
Mercredi 17 Mai 2006

48ème Congrès confédéral de la CGT

Compte rendu de mandat présenté par Christophe Massé, délégué des syndicats départementaux des activités postales et de télécommunications des Deux-Sèvres et de la Vienne.



Aux membres des commissions exécutives des syndicats départementaux des activités postales et de télécommunications des Deux-Sèvres et de la Vienne.

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Un certain nombre d’entre vous ont suivi partiellement le déroulement du 48ème Congrès confédéral sur le site Internet de la CGT ou sur La Chaîne Parlementaire. Les médias, la presse écrite notamment, ont accordé une large place à cet événement dans un contexte général marqué par le recul du gouvernement Chirac-Villepin sur le CPE.

Vous avez entendu à ce propos des tas de choses : certaines conformes à la réalité des faits, d’autres beaucoup moins, voire pas du tout.

Les soi-disant "spécialistes" de la "chose syndicale" n’ont voulu voir dans ce congrès qu’un affrontement entre "durs" et "réformistes", là où il n’y a eu, à mon sens, qu’une volonté farouche de débattre des questions de fond de la part des très nombreux délégués qui ont demandé à pouvoir prendre la parole.

A cet égard, je crois nécessaire de vous livrer sans attendre ce compte-rendu écrit, que je complèterai bien évidemment en réponse aux questions que vous ne manquerez pas de me poser lors de nos prochaines réunions de CE, le 11 mai à Poitiers, et le 16 mai à Niort.

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Avant de rentrer dans le vif de sujet, je me dois de rappeler les termes et les formes du mandat qui m’a été confié.

Pour le SD 86, après qu’une CE extraordinaire convoquée en urgence le 23 mars a réalisé un travail exemplaire sur le projet de document d’orientation et rédigé de nombreux amendements tous motivés, nous sommes convenus de subordonner nos votes au sort réservé à ces amendements. Un mandat impératif CONTRE la réforme des cotisations m’a par ailleurs été confié dans une résolution distincte. S’agissant du rapport d’activité, les nombreuses critiques formulées sur les mobilisations de 2003/2004 sur les retraites, la décentralisation et l’assurance maladie, ainsi que sur le positionnement contradictoire de la direction confédérale sur la projet de Constitution européenne, interdisaient d’émettre un vote favorable. S’agissant du rapport financier, en l’absence de toute discussion, l’abstention constituait le seul vote logique.

Pour les voix des retraités du 86, j’ai remis au camarade Claude Labat le dossier récapitulatif préparé avec le secrétariat départemental, et qui constituait une base d’appréciation pour les votes à émettre.

Pour le SD 79, un amendement précisant les bases de l’intervention de la CGT dans la CES a été adopté par la CE à laquelle j’ai participé avec le camarade Pascal Chailloux, secrétaire de l’Union régionale, le 14 mars dernier. Lors de cette CE, les camarades ont formulé également de nombreuses critiques sur les mobilisations de 2003/2004 sur les retraites, la décentralisation et l’assurance maladie, ainsi que sur le positionnement contradictoire de la direction confédérale sur la projet de Constitution européenne. Le mandat sur le rapport d’activité n’a pas été précisé. Compte tenu de l’actualité de la lutte des classes contre le CPE, la CE prévue le 4 avril pour poursuivre le débat sur le projet de document d’orientation et la réforme des cotisations n’a pu se dérouler normalement. Dans la suite, je n’ai été saisi d’aucun mandat formel par le secrétariat départemental des Deux-Sèvres. Lors des votes, je me suis donc conformé aux mandats définis dans mon propre syndicat.

Pour les voix des retraités du 79, le camarade Claude Labat a voté selon son appréciation.

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Ce 48ème congrès avait tout d’abord à juger de l’activité de la direction confédérale sortante. Celle-ci a été marquée notamment par les graves divergences qui ont suivi la décision du CCN des 2 et 3 février 2005 d’appeler au rejet du projet de traité constitutionnel européen, appel largement entendu et qui a contribué de façon décisive à la victoire du vote NON le 29 mai acquis par une large majorité, en particulier chez les ouvriers, les employés et les jeunes.

Ce 48ème congrès avait également à apprécier le bilan de toute notre activité revendicative dans les mobilisations des salariés et de la jeunesse depuis 2003 sur les retraites, la décentralisation, l’assurance maladie, la loi Fillon sur l’école, la recherche, les conflits à la SNCM et à la RTM, le CPE et le CNE...

Il avait sur cette base à préciser les grandes lignes d’une orientation pour la prochaine période et à élaborer les moyens à mettre en œuvre pour ce faire.

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S’il est évident que ces enjeux pouvaient provoquer d’âpres débats, la première chose qui m’a frappée en tant que délégué participant pour la première fois à un congrès confédéral, comme 721 autres délégué(e)s, et je ne suis pas le seul à avoir déploré cet état de fait, au-delà des "sensibilités personnelles" qui peuvent être celles des uns et des autres, - je pense en particulier au camarade François Bonnin, délégué des services publics de la Vienne -, c’est que tout a été mis en oeuvre par la direction confédérale sortante pour limiter le débat démocratique à sa plus simple expression.

J’ai trouvé particulièrement choquant les trois faits suivants :
  • Si le congrès confédéral est statutairement le congrès des syndicats, comment justifier que le temps de parole imparti aux délégués a été restreint au profit d’innombrables et souvent fort longues interventions de personnalités extérieures (M. Stéphane Rozès, dirigeant de l’institut CSA, commentant les résultats du questionnaire aux syndiqués ; Mme Martine Aubry, maire de Lilles ; M. John Monks, secrétaire général de la CES ; les représentants de l’UNEF, de la FIDL et de l’UNL, etc.) ou aux interventions répétées des membres de la direction confédérale sortante, des présidents de séance et responsables des commissions ? Au final, seul un tiers des inscrits a pu prendre la parole en séance plénière. Quant aux débats interactifs, c’est encore plus difficile d’évaluer
  • Sous couvert d’appliquer les statuts qui prévoient l’adoption des documents « à la majorité simple », mais en contradiction avec l’application de ces mêmes statuts lors de tous les précédents congrès confédéraux, les abstentions ont été "neutralisées", c’est-à-dire assimilées à des suffrages non valablement exprimés ! Une manière de gonfler artificiellement les résultats…
  • A mille lieues de ce qui se pratique dans les congrès des syndicat, UL, UD ou fédérations, aucun des 3000 amendements déposés par les syndicats (dont ceux du SD 86, dont une partie a été éliminée lors d’une réunion de « pré-commission » du document d’orientation, ainsi que me l’a confirmée une jeune déléguée contractuelle de La Poste élue membre de la commission du congrès) n’a été soumis aux voix quand il faisait l’objet d’un rejet en commission (95%) mais qu’il était maintenu par le syndicat. Dans ces conditions, l’ensemble de nos amendements a été rejeté sans débat ni vote distinct !
Dans ces conditions, constatant que l’abstention se trouvait vidée de son sens, qu’il était quasiment impossible de s’exprimer - j’y reviendrai en détail dans un instant -, et qu’en tout état de cause, il était complètement impossible de défendre des amendements, - les nôtres, ou ceux équivalents présentés par d’autres - j’ai considéré d’emblée avec scepticisme la possibilité de faire valoir des arguments sérieux dans cet environnement préfabriqué qu’on pourrait qualifier de « chambre d’enregistrement »…

J’ai eu personnellement les pires difficultés pour intervenir dans le débat général en séance plénière. Régulièrement inscrit sur le rapport d’activités, puis sur la partie I du projet de document d’orientation pour laquelle nous avions déposé des amendements que j’entendais bien évidemment défendre, finalement je n’ai pas pu m’exprimer, il est vrai comme les deux tiers des inscrits… Selon quels critères la sélection a-t-elle été opéré par les présidences de séance ? Cela reste un mystère pour moi, mais une chose est sûre, ce n’était pas celui de l’ordre des inscriptions. En effet, pour la partie I, j’étais le premier inscrit, comme me l’a confirmé, rassurant, le président de séance auprès duquel j’étais venu déposé ma fiche…

Dans les brefs moments de "débat interactif", avec ce nouveau concept de "micro baladeur fixe", où c’est la présidence de séance qui "balade" ceux qui ont le droit de prendre la parole, mes tentatives répétées, au nombre de cinq, pourtant respectueuses des règles établies (sujet mis en débat notamment), se sont également avérées infructueuses… A tel point que de nombreux délégués de la FAPT en sont venus à scander le numéro du porteur de micro qui devait me permettre de m’exprimer, le comble étant atteint quand, après avoir patiemment attendu mon tour, et dernier à attendre à ce même micro, la tribune donne finalement la parole à un autre, qui se lève à l’autre bout de la salle, provoquant les huées de mes camarades. Un cas de figure qui s’est reproduit pour quantité d’autres délégués… Problème de vue ?

Finalement, réinscrit pour la partie III, pour laquelle nous avions aussi déposé des amendements que j’entendais défendre comme les autres, ayant informé le secrétaire général de l’UD de la Vienne et la secrétaire générale de la FAPT de l’impossibilité dans laquelle j’avais été de m’exprimer jusqu’alors, il a fallu que je proteste auprès du bureau du congrès et que je menace de distribuer au congrès sous forme de tract l’intervention que je ne pouvais prononcer, pour que, finalement, le mercredi en fin d’après-midi, après que le président de séance, Daniel Prada, ait fait approuvé une ultime modification de l’ordre du jour, « pour permettre à des délégués de parler », j’ai pu enfin prendre la parole.

Je vous joins cette prise de parole, fortement applaudie, sur la question de l’instauration d’un seuil de 20 syndiqués pour créer un syndicat (annexe 1). C’est sur cette intervention que s’est achevée cette séance du mercredi après-midi. J’ai eu la satisfaction de voir nombre de délégués de toutes origines venir me témoigner de leur accord avec les arguments développés et soutenir notre amendement à ce sujet.

J’ajoute que l’intervention qui m’a été attribuée dans Le Peuple quotidien n°4 diffusé le jeudi 27 avril ne correspond ni au résumé officiel rédigé par mes soins à cet effet, ni au contenu exact de l’intervention complète. L’erratum qui devait paraître dans le n°5 n’ayant pas été publié, j’ai donc écrit une lettre de protestation à la rédaction du Peuple.

Le lendemain, cette question revenant dans le débat de façon insistante, la direction confédérale redoutant manifestement un vote défavorable à sa proposition a supprimé d’elle-même subitement toute référence à ce seuil des 20 syndiqués. Bien que "tactique", ce recul est indéniablement un point d’appui pour tous ceux qui entendent défendre le droit des syndicats à s’organiser librement dans la CGT.

Je vous joins à ce propos une dépêche de l’AFP (annexe 2) qui a été passée sous silence dans les médias…

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Ces questions de forme, qui touchent à la démocratie, rejoignent des questions de fond. Elles démontrent s’il en était besoin que la direction confédérale a voulu à tout prix éviter que le débat ne porte sur les questions de fond, par exemple le NON au traité constitutionnel européen et les problèmes posés par l’attitude de la CE confédérale en complet décalage avec l’attente de la base syndicale à cet égard. Une seule intervention, celle de la fédération de l’Agroalimentaire, a été "autorisée" dans le débat sur ce point du rapport d’activité, et elle a été largement applaudie.

Par ailleurs, au-delà des votes émis par les délégués, dont quantité autour de moi n’avaient pas lu les textes, votes qui avaient par conséquent surtout un caractère d’approbation idéologique générale, pour ne pas dire de vague approbation, ce qui m’a frappé, c’est l’écart entre ces votes, par exemple celui sur le « syndicalisme rassemblé » (au nom duquel, en commission, notre amendement « pour l’unité d’action » a été rejeté, dixit une membre de la commission du document d’orientation !), et les réactions spontanées allant complètement à l’opposé, comme en témoignent par exemple le « concert de sifflets et de huées » (AFP, 25 avril) qu’a provoqué l’arrivée en grande pompe de François Chérèque dans la salle du congrès. C’est évidemment le rôle joué par le secrétaire général de la CFDT en 2003, que personne n’a oublié, qui a été sifflé ainsi.

Cela dit, ce décalage constaté entre la direction confédérale et la masse des syndiqués transparaissait dès le 25 avril au matin dans cette déclaration du camarade Bernard Thibaud assurant les journalistes que l’accueil réservé à son homologue de la CFDT serait« plutôt chaleureux » (AFP) !

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Le résultat du vote sur l’activité a finalement été le suivant : Pour 341862 (76,80%) ; Abstention 28207 (6,30%) ; Contre 74995 (16,90%). En neutralisant les abstentions, la direction confédérale a pu arguer d’un vote Pour à 82%.

Les considérants déjà évoqués m’ont conduit à émettre un vote Contre.

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Après avoir précisé que les textes soumis au vote n’étaient plus ceux discutés par les syndiqués, mais ceux amendés par la commission, - ce qui constitue en soi là aussi une innovation en matière démocratique, surtout si l’on considère le peu de temps imparti pour en prendre connaissance, sans parler même de l’impossibilité pour les délégués réunis en congrès de les amender… -, le vote sur l’orientation a donné : Pour 339953 (76,70%) ; Abstention 20363 (4,60%) ; Contre 83126 (18,70%). Officiellement, cela donne 80,40% Pour et 19,60% Contre.

Devant le refus de prendre en compte nos amendements, j’ai voté Contre avec les voix de la Vienne.

A la différence du vote sur le rapport d’activités qui avaient fait l’objet de critiques, j’ai placé les voix des Deux-Sèvres en Abstention.

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Sur la réforme du circuit de reversement des cotisations, 36 syndicats (Cheminots, Equipement, PTT, Métallurgie, Santé, Education, etc.) ont formellement demandé comme nous le rejet de la résolution et de l’annexe financière aux statuts. Des fédérations ont fait de même, qui statutairement n’avaient pas pouvoir d’amendement (Cheminots, Agro-Alimentaires, Chimie, etc.).

De nombreux autres amendements demandaient l’abandon de toute modulation dans les reversements.

Là aussi le texte soumis au vote a fait l’objet d’une large réécriture, destinée à glaner çà et là des voix… D’où d’évidentes contradictions dans ce qu’il faut bien appeler une véritable « usine à gaz ».

Je ferai à ce propos un complément oral devant le CE.

Un vote à main levée a été organisé dès le départ pour savoir si le congrès décidait de rejeter en bloc le texte. Ce vote demandé par Michel Donnedu visait à dissocier les syndicats totalement opposés à la réforme de ceux qui avaient présenté des amendements et entendaient analyser le sort qui leur était réservé avant de se prononcer éventuellement Contre.

Le résultat du vote, pour le moins très partagé, n’a jamais été communiqué ! La présidence de séance ayant d’ailleurs tenté de le contester (« Il semblerait que la question n’ait pas été comprise… ») avant même que son résultat ne soit connu, elle a provoqué un tollé. Le service d’ordre a été immédiatement positionné au pied de la tribune…

La présidence de séance, dans un bordel indescriptible, est passée à la suite, c’est-à-dire à la présentation du texte auto-amendé !

Il est à noter que tous les amendements supprimant les modulations professionnelle et territoriale ayant été rejetés sans vote, - ce qui signifie concrètement que le syndicat pourrait ne garder que 25% du montant de chaque cotisation - les délégués de nombreux syndicats de la plupart des FD et UD sont intervenus pour s’opposer aux propositions : Cheminots, PTT, Métallurgie, Santé, Chimie, Agroalimentaire, Ports et Docks, UGFF…
Au final, le vote a été obtenu à l’arraché avec seulement 60,50% Pour (270201) ; 4,30% d’abstentions (19202) ; 35.2% Contre (157070). Les chiffres officiels donnent 63,20% Pour et 36,8% Contre.

Pour les raisons déjà énoncées et conformément au mandat impératif confié par le SD 86, j’ai voté Contre. Je suis fier d’avoir convaincu par une argumentation raisonnée des délégués de la FAPT hésitants de voter Contre un texte qui, n’ayant pas de caractère statutaire, aura bien du mal à passer dans la vie…

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Au final, ce 48ème Congrès confédéral m’a permis de comprendre la source de nos difficultés. De nombreux camarades en sont sortis troublés et inquiets. Ce n’est pas mon cas.

Je suis au contraire confiant dans la volonté et dans la capacité des syndiqués et des syndicats de la CGT de préserver, de construire et de développer une CGT de masse et de classe, à l’image de la décision juste et clairvoyante d’appeler au rejet du traité constitutionnel européen le 29 mai 2005 ou de l’orientation constante développée dans la lutte contre le CPE/CNE, laquelle a interdit à la CFDT de renouveler son opération de trahison conduite à l’occasion de la mobilisation sur les retraites.

C’est cela qu’ont exprimé un grande nombre de délégués, - je le répète, dans des conditions difficiles du point de vue démocratique. Beaucoup d’entre eux ont pris conscience de ces problèmes entre le début et la fin du congrès. Ils ont envie de se battre. Battons-nous avec eux. La CGT est à nous. Organisons-là pour qu’elle joue plus que jamais son rôle irremplaçable dans les luttes petites et grandes, et au quotidien, pour la défense des intérêts et des droits de tous les salariés.
Christophe Massé
Poitiers, le 8 mai 2006


Le présent compte rendu de mandat, accompagné des deux interventions prononcée pour l’une et non prononcée pour l’autre, a été présenté et discuté par la CE du syndicat départemental de la Vienne des salariés du secteur des activités postales et de télécommunications de la Vienne réunie à Poitiers le 12 mai 2005. Il a été approuvé à l’unanimité des présents, quitus étant donné au délégué. Il a été également décidé de publier à l’attention de tous les membres de la CE le projet de statuts de la nouvelle Confédération syndicale mondiale afin d’organiser sans tarder le débat démocratique.

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