Mardi 5 juillet 2022
Congrès CGT du Verre : pénibilité et contre-plans industriels...
Du 7 au 9 juin a eu lieu le 11ème congrès de la fédération CGT du verre et de la céramique. 176 délégués rassemblés à La Palmyre (Charente), moyenne d’âge élevée, très peu de femmes. Une ambiance quasi-familiale, le verre et la céramique c’est une petite fédération, tout le monde se connaît ! Une fédération ouvrière, et qui ne manque pas de contradictions, entre forte influence réformiste et réalité de l’exploitation dans les usines.
A la suite du rapport d’ouverture, la 1ère séance de travail est consacrée à une table ronde sur la santé au travail et les risques psychosociaux. Les réactions de la salle sont nombreuses, tout le monde se sent concerné et fait un point de la situation dans sa boîte, il y a de quoi faire et on est en plein dans le thème ! Les métiers du verre, ce sont les fours, les toxiques chimiques, le travail posté etc. Les métiers du feu, comme la sidérurgie.
Le constat général, ce sont les conditions de travail qui se dégradent partout, la fatigue et les douleurs physiques, les TMS et l’usure par le travail… et avec la disparition des postes de repli, ou bien supprimés ou bien externalisés, la médecine du travail qui multiplie les avis d’inaptitude à tout poste ce qui ouvre la porte au licenciement. C’est aussi la perte d’autonomie avec la mise en place du Lean Management sur plusieurs sites, et toujours plus de dépossession du savoir-faire ouvrier. Et puis les restructurations, il y en a eu beaucoup, la peur de se faire dégager, le stress permanent, les tensions familiales et leurs répercussions. Des délégués craquent pendant leur intervention au congrès, submergés par l’émotion, c’est qu’il y a eu aussi des morts, trois suicides dont deux dans l’usine de fabrication de bouteilles de Cognac toute proche.
Un témoignage unanime de la réalité de l’exploitation capitaliste ouvrière et de ses dégâts. On pourrait imaginer que ce serait le point de départ de la nécessité d’en finir réellement avec ce système et de s’organiser pour cela.
Mais non. Le lendemain, nouvelle table ronde, consacrée celle-ci à « la stratégie fédérale face aux enjeux industriels, sociaux et écologiques », avec la participation de P. Martinez. La table déroule sur l’élaboration des livres blancs, les contre plans industriels, la CGT force de propositions… témoignages à l’appuis. Car la fédération a élaboré en 2020 un vaste contre-plan pour l’industrie du verre en France, parfaitement réformiste (voir ci-contre le « plan d’Avenir »). Franchement, c’est flippant à ce niveau de réformisme sur d’un capitalisme plus gentil, à visage humain, plus aucun rapport avec les témoignages de la veille, simplement oubliés après la soupape de l’émotion. D’ailleurs sur 52 pages, le fameux livret officiel ne comporte qu’un constat que le travail est pénible, et qu’une proposition sur la RTT et la 6ème équipe. Deux timides références alors que c’est au cœur de la vie quotidienne de l’ouvrier. La salle écoute, silencieuse, juste 2-3 interventions convenues à l’ensemble (il fallait s’inscrire), avec toujours en arrière-plan l’idée que le syndicat peut mieux gérer la boîte que les patrons et donc éviter les PSE. Un seul délégué conclut en concédant que le livre blanc dans sa boîte n’a pourtant pas empêché le PSE.
Qu’on s’entende bien. La finance impérialiste existe bien, les fonds vautours capitalistes existent bien (comme Apollo qui vient de racheter l’entreprise Verallia) qui viennent dépecer, presser les profits jusqu’à la mort, sans aucune préoccupation ni pour l’utilité éventuelle de la production ni pour les prolétaires. Ce n’est pas la question, c’est l’évolution tendancielle du capitalisme mondialisé dans la guerre économique. Et il faut se battre toujours avec acharnement pour l’emploi, contre la liquidation, pour les salaires et les conditions de travail. Mais il faut arrêter l’enfumage de faire croire qu’on pourrait « faire autrement », inventer un autre capitalisme humain et responsable, une gestion « alternative » qui saurait faire la part des choses entre exploiteurs et exploités, avec un meilleur partage des richesses. C’est le cœur du réformisme qui a déjà fait la preuve de sa faillite, la seule perspective c’est le bouleversement révolutionnaire des règles du jeu, et pour y parvenir la construction d’un syndicalisme de classe véritablement indépendant de ce système capitaliste dépassé. Et la seule solution pour remettre le travailleur, la nature et la valeur d'usage des produits (l'utilité réelle) au cœur de la société.
Martinez est parfaitement à l’aise dans ce réformisme structurel, et cite en exemple le sauvetage de la papeterie Chapelle-Darblay à Rouen comme si c'était un vrai succès anticapitaliste. Il se permet même de modérer un peu, « l’élaboration des livres blancs ne s’oppose pas aux formes traditionnelles de lutte et aux barbecues ! ». N’empêche que la petite musique qu’on nous a jouée fait des ravages dans les têtes : un délégué demande naïvement si les administrateurs salariés peuvent faire pression sur les conseils d’administration… Quant à la pénibilité et à l’exploitation, ce n’est plus le sujet !