La rencontre de Stuttgart les 18-19 et 20 mai 2007
Le Conseil international des travailleurs de l’automobile (CITA) est un forum auto-organisé qui a lieu tous les 2 ans en Allemagne. Le 5ème CITA vient d'avoir lieu en mai à Stuttgart, centre important de l’industrie automobile. Plus de 600 personnes y ont participé : délégués syndicaux, ouvriers actifs, militants politiques… d’orientations différentes sont venus de tous les grands groupes automobiles. 200 de plus qu’au 4ème CITA.
17 délégations du monde entier étaient présentes, beaucoup plus que la dernière fois. Et, bien sûr, un grand nombre de camarades allemands – hommes, femmes et beaucoup de jeunes. Les pays représentés : Philippines, Inde, Amérique du Sud, Burkina Faso, Russie, Hongrie, Serbie, Turquie, Belgique, France, Espagne, USA, Mexique, Colombie, Brésil, Argentine, Chine. Un grand succès qui montre la progression des liens internationaux – malgré les obstacles des patrons et des gouvernements à leurs services. Quatre délégations se sont vues refuser les visas nécessaires à leur voyage.
Sur l’initiative du journal Partisan, notre délégation comprenait des travailleurs de PSA-Citroën et de Renault. Nous avons témoigné des bas salaires à PSA-Citroën, et de la dernière grande grève, de la perspective d’en préparer d’autre et de tisser des liens avec les ouvriers des autres pays.
Le CITA est préparé par 3 rencontres convoquées par un groupe coordinateur, élu au Conseil par l’ensemble des participants. Toutes personnes et tout groupe local, syndical, etc. respectant les idées directrices du CITA peuvent proposer un thème pour les débats. Toutes les tâches sont accomplies par les participants et certaines organisations en Allemagne soutiennent la rencontre comme « Solidarité internationale » qui fournit les traducteurs. (Voir le site : www.automobilarbeiterratschlag.de )
Après un accueil festif, le 1er jour a été consacré aux invités du monde entier. Les différentes délégations apportaient leurs témoignages sur les vies et luttes des travailleurs dans l’automobile. Ont suivi, le 2ème jour différents forums et le 3ème jour a été celui des conclusions. Les soirées étaient consacrées aux rencontres conviviales, à la fête et à la visite de la ville.
Condition ouvrière. Les témoignages nous ont permis d’avoir un aperçu global de la politique patronale en matière de condition ouvrière : développement général des formes de travail précaire ; division systématique des travailleurs : à VW Redense au Brésil, par exemple, chaque travailleur de la chaîne est employé par l’entreprise qui a fabriqué la pièce à monter, tout comme à Smart Moselle. Cette division et cet émiettement de la classe ouvrière pèsent aussi sur les consciences ouvrières et la force sentie.
L’automatisation avance partout : les techniques d’Afrique du Sud sont identiques à celles en Allemagne. La classe ouvrière internationale travaille sur un ensemble de sites de production d’un même niveau.
Syndicalisme. Les directions syndicales dans leur ensemble glissent vers la collaboration de classe.
Mais partout des courants de lutte de classe existent qui résistent ou se reconstituent. Les situations sont très diverses : en Russie, par exemple, il s’agit de reconstruire des nouveaux syndicats indépendants. D’autres pays ont plusieurs syndicats ou un seul. Les droits des travailleurs sont très différents. Les militants combatifs subissent parfois l’exclusion de leurs centrales syndicales et la répression de la bourgeoisie, comme les licenciements politiques dans 8 (!) pays. La prison (Philippines, Maroc,..) et des assassinats (Philippines, Colombie --- plus de 60 meurtres en 2007). Avec la progression de la lutte des classes, il faut se préparer à la répression et être vigilant en matière de sécurité. C'est pour cette raison que nous ne publions pas de photos des participants.
Une puissante force. Pendant ces 4 jours, tout le monde a ressenti la force que constitue la classe ouvrière internationale unie et le profond désir de coopération et d’échange. C’est ce désir qui était à la base de l’enthousiasme de la rencontre.
D’importantes luttes ont eu lieu ses derniers temps – en Europe, aux Etats-Unis chez VW et General Motors/Opel et aussi chez nous en France chez PSA-Citroën. Et ce n’est pas la télé qui nous l’apprend ! Des plans de restructurations menacent au niveau international et les patrons ont pour projet de nous diviser pour les mettre en place. Seule une résistance concertée peut riposter aux attaques patronales. A la GM, les liens et les luttes internationales ont bien avancé. Devant la riposte, le groupe GM a dû, pour l’instant, retirer ses annonces de fermeture d’entreprises.
Vers l’union ouvrière internationale. Le Conseil a beaucoup discuté de cette question et nous avons progressé : une Charte de solidarité, par exemple, a été élaborée par les délégations présentes de VW et de la GM. Les militants et syndicalistes s’engagent, dans cette Charte, à organiser le plus largement possible autour de cette volonté d’unité.
Quelques conclusions :
1. Ce Conseil et les Chartes de solidarité nous donnent une orientation : comme disait un membre de notre délégation : « Je raconterai sûrement à mes collègues les idées apprises dans ce week-end. Surtout l’idée que différents groupes et courants coopèrent. Nous sommes en quelque sorte dans une course avec les capitalistes. Eux, ils sont en avance par rapport à nous, tandis qu’en tant que classe, les ouvriers sont encore endormis. Pour avancer plus vite, il faut unifier le plus de camarades de gauche possible, les groupes les plus divers pour lutter ensemble contre les patrons. Faute de quoi les capitalistes nous matraqueront… »
2. Il faut établir des liens durables avec nos nouveaux amis d’Allemagne (surtout de DaimlerChrysler), et nos amis d’ailleurs.
3. Il faut multiplier les rencontres comme celle-ci. La préparation du 6ème CITA a commencé. Il faut mobiliser la prochaine fois encore plus de camarades de l’automobile, de plusieurs sites de PSA et de Renault. Avis aux amateurs !
La rencontre s'est terminée par l'adoption d'une déclaration finale (ci dessous) qui fait le bilan de la rencontre et lance la préparation de la rencontre suivante, prévue en 2009.
20 mai 2007
Nous pouvons le dire avec joie et fierté : avec plus de 600 travailleurs d'Allemagne et 50 invités venus de 17 pays et de tous les grands groupes automobiles mondiaux, d’entreprises d'intérim ou d’équipementiers du monde entier, nous avons réalisé les objectifs internationaux et apporté une qualité nouvelle à ce 5e Conseil international des ouvriers de l'automobile.
Alors qu’au 4e Conseil international des ouvriers de l’automobile, nous avons surtout analysé quels sont pour nous les effets de la nouvelle organisation de la production internationale, nous avons, avec ce conseil, commencé à en tirer des conclusions pour notre lutte commune ! Des travailleurs de 8 usines de GM et de 12 usines de VW ont adopté une charte de solidarité commune au niveau de chaque groupe, contre la division des travailleurs entre les différents sites et pays. Un tel contrat réellement international de la base pour l’avenir, voilà quelque chose de jamais vu dans l’histoire. En plus, nous avons adopté 7 résolutions de solidarité en faveur de nos collègues, pour protester contre l’oppression politique, les licenciements et les assassinats.
En échangeant nos expériences avec des collègues de Volkswagen, de Ford, de GM/Opel, de Chevrolet, de BMW, de Daimler-Chrysler, de Porsche et Audi, de Daewoo, Suzuki, Nissan et Toyota et d’autres encore, nous avons acquis au cours de ces trois jours une perception plus approfondie de la lutte par-dessus les frontières au niveau des groupes. S'il s'agissait ici de répondre aux souhaits des hauts dirigeants, nous devrions nous déchirer sur le marché mondial. Nous l'avons clairement ressenti au cours de ces quatre jours riches en événements : nous, la classe ouvrière internationale, nous sommes une grande force orientée vers l'avenir - et l'avenir nous appartient à nous tous ensemble ! Un collègue venu d'Espagne l'a bien exprimé : « Nous portons un nouveau monde dans nos cœurs. »
De la France, nous avons appris comment des ouvriers d'un équipementier, avec leur grève de cinq jours, ont déclenché une grève de six semaines chez PSA. L'intervention des travailleurs de GM en grève à Anvers/Belgique a été accueillie avec enthousiasme. Nous avons été informés de la construction systématique de syndicats combatifs en Russie. Nous nous sommes sentis près de nos collègues des États-Unis, où un syndicaliste a été arrêté parce qu'il avait organisé la solidarité avec le syndicat sud-africain Cosatu. Nous avons ressenti la fierté dans la lutte commune en Argentine et au Mexique.
Nous avons appris la progression par bonds du travail intérimaire dans tous les pays, et la recherche de l'unité des travailleurs au sein d'une entreprise, quels que soient les vêtements de travail qu'ils portent, leur patron, le nom de leur firme. Nous avons senti la force de la lutte commune contre des sanctions politiques, qu’il s’agisse d’une représentante des jeunes chez Opel en Allemagne, d’un syndicaliste militant en Hongrie ou en Afrique du Sud, ou encore d’une participante au Conseil des ouvriers de l'automobile venue de Turquie. Nous portons ensemble le deuil de nos collègues assassinés en Colombie et aux Philippines. Pour eux aussi, nous continuons la lutte. Mais on voit aussi que lorsque nous, les travailleurs, nous regardons vers l'avenir, nous devons aussi nous préparer à de durs conflits de classes, et donc développer une solidarité à toute épreuve : un pour tous, tous pour un.
Nous apprécions les paroles chaleureuses du mouvement combatif des femmes en Allemagne, qui nous a montré que notre lutte comprend tous les aspects de notre vie, nos rêves, notre avenir que nous voulons vivre ensemble avec les femmes et nos enfants.
Les nouvelles amitiés et relations ne s'expriment pas seulement dans l'échange des expériences, mais aussi dans l'organisation commune et en propre régie du Conseil, par des milliers d'heures de soutien que des aides bénévoles ont investies, ainsi que dans la fête culturelle commune. Si une chose est devenue évidente au cours de ce conseil, c'est celle-ci : le temps est venu pour une nouvelle étape de l’unité ouvrière, organisée durablement au niveau international pour la lutte commune par-dessus les frontières au niveau des groupes. Pour nous tous, c'est un souhait profond, mais aussi un grand défi et une tâche extrêmement compliquée qui exige un travail scrupuleux : la solidarité internationale est forte et se répandra encore malgré ou précisément à cause de la nouvelle qualité dans les tentatives de division par les monopoles internationaux.
Nous avons besoin de nouvelles formes d'organisation internationales, pour organiser et coordonner au-delà des frontières les débats et actions des masses et des grèves à l'intérieur des groupes industriels, et pour élever leur niveau jusqu'à l'offensive ouvrière internationale.
Il nous faut une solidarité à toute épreuve contre l'oppression politique frappant les syndicalistes et les ouvriers combatifs.
Et enfin, cet esprit internationaliste s'exprime par le fait que le nouveau groupe de coordination, élu pour préparer le prochain Conseil des ouvriers de l'automobile en 2009, se compose de membres de plusieurs nationalités. Nous sommes convaincus que ce Conseil international des ouvriers de l'automobile indique l'orientation pour l'avenir.
Nous nous tendons les mains au-delà des frontières et des océans : nous avons parlé de nombreuses langues et nous apprenons de mieux en mieux à parler d’une seule voix. Nous, les ouvriers de l'automobile, nous apprendrons à parler le même langage - dans le monde entier !