Le CCN avait à traiter (entre autres) de la mise à jour des repères revendicatifs suite au 48ème Congrès Confédéral. Depuis 1999 (le 46ème Congrès en fait), la CGT a en effet décidé de ne plus avancer de revendications, mais des « repères ». Comme le disait l’introduction que l’on pouvait trouver en ligne sur le site de la CGT jusqu’à il y a peu :
« Après le vote du document d'orientation du 46ème congrès, le Comité Confédéral National a eu pour mandat de retravailler les repères revendicatifs. Le but était d'aider les organisations à construire leur démarche revendicative en tenant compte de la diversité des situations, donc des besoins, et en finalité des constructions revendicatives. Mais ces diversités devaient déboucher sur des cohérences revendicatives favorisant les solidarités de luttes et de communauté d'intérêt.
C'est la raison du terme de " repères " et non plus " plate-forme " ou " programme revendicatif ".
L'objectif est que ces repères vivent au rythme de la vie, des luttes et des acquis, et puissent être modifiés ou actualisés. »
La nouvelle présentation va dans le même sens : « Nos fiches repères ne sont pas un catalogue. Elles articulent des propositions thématiques, un regard lucide sur l’existant, elles proposent des moyens pour parvenir à nos objectifs. » Diversité, modifiables, générales et floues, lucides et adaptation aux contextes ambiants… Ici on pourra revendiquer l’embauche des contrats précaires, là rester silencieux. Ici la retraite à 55 ans pour pénibilité dans tel métier, mais pas dans tel autre… Modifier en fonction de l’air du temps, du réalisme ambiant. Ne plus parler conditions de travail mais seulement retraite anticipée, par exemple…
Le débat pour le CCN de mai aurait du être chaud et houleux, car ce lifting a été l’occasion de faire disparaître purement et simplement nombre de revendications assez essentielles dans la CGT (comme celles sur la retraite, à 60 ans, avec 37,5 ans de cotisations).
Comme lors du 48ème Congrès pour le document d’orientation, seuls les amendements « cohérents » avec la vision d’ensemble des documents élaborés par la direction confédérale ont été retenus. L’argumentaire, justifié dans le rapport d’introduction au CCN mérite citation :
« C’est pourquoi nous avons pris en compte toutes les propositions.
Pourtant nous ne les avons retenues, éventuellement en les retravaillant, qu’à la condition qu’elles s’intègrent dans une cohérence d’ensemble et qu’elles participent à la construction d’objectifs communs à atteindre. C’est pourtant le prix à payer pour conserver la cohérence de l’ensemble. »
On est en plein dans une logique totalitaire d’autoreproduction, loin de toute démocratie syndicale ! Rien d’étonnant donc si les textes retenus sont très voisins des projets initiaux.
Plusieurs structures du CCN demandaient en vain le report du vote, le débat étant encore largement insuffisant dans l’organisation. Mais non, il y a urgence pour le recentrage de la CGT ! Les repères ont donc été adoptés à une large majorité, deux contre seulement (UD 75 et UD 92), cinq abstentions (Fédé de la Chimie, des professionnels de la vente, UD 07, UD 36, UD 66) et deux refus de prendre part au vote (Fédé des Bureaux d’Etude et UD 13) cette dernière position donnant lieu à un accrochage croustillant abordé de manière parfaitement allusive dans Le Peuple N°1649 du 13 juin 2007… Quoiqu’il en soit, la large majorité obtenue par la direction confédérale (comme celle de septembre dernier pour l’adhésion à la nouvelle CSI) montre que le vote du CCN contre la Constitution Européenne était bel et bien un accident de l’histoire et que la direction confédérale a sérieusement repris les affaires en main pour éviter qu’un tel « incident » se produise à nouveau.
Il n’est pas possible de reprendre une à une l’ensemble de ces fiches (disponibles ici, sur le site de l’UD 94, en attendant leur mise en ligne sur le site de la CGT) pour développer en quoi elles marquent la régression générale des positions de la CGT, son recentrage réaliste, son adaptation à l’air du temps. A l’heure où le patronat et le gouvernement sont en train de toiletter le Code du Travail à leur sauce, la confédération fait la même chose sur ses revendications…
Nous nous contenterons donc de reproduire ci-dessous deux prises de position qui résument très brièvement (mais très clairement) l’affaire.
Nous ne pouvons qu’opposer la démarche du Forum pour un syndicalisme de classe et de masse qui a discuté d’un projet de plateforme revendicative sur la base d’un projet encore incomplet et en débat. Loin de repères flous qui se prêtent à toutes les interprétations ("ils doivent donc permettre de donner un éclairage sur le réel et servir de balise. Il est nécessaire que [les syndicats] les utilisent comme un outil pour élaborer avec les salariés leurs revendications" – voir le rapport introductif), le projet de plateforme du Forum tente d’être aussi précis que possible, pour mobiliser les travailleurs sur leurs intérêts de classe, contre la loi du capital.
Encore une fois la démarcation entre un syndicalisme d’accompagnement qui se radicalise dans le réalisme, et un syndicalisme de classe et de masse qui doit s’élargir et se développer !
Section syndicale CGT Amadeus SAS
Chers camarades,
Nous avons pris connaissance des nouveaux repères revendicatifs qui doivent être mis en débat et votés au CCN qui aura lieu fin mai. Nous avons comparé ces fiches à nos repères revendicatifs actuels qui sont un outil essentiel pour nos syndiqués.
Nous pensons que les revendications sont l’essence même du syndicat : c’est ce qui permet de regrouper et d’organiser les salariés sur des objectifs communs.
C’est en défendant nos revendications que nous avons fortement progressé aux élections professionnelles et installé la CGT dans l’entreprise.
C’est pourquoi il nous semble extrêmement important que les syndiqués se saisissent de ces questions et puissent en discuter largement. Nous constatons néanmoins que de nombreux camarades autour de nous n’ont pas eu les documents et n’ont pu, par conséquent, aborder ces sujets.
Nous avons vu que l’Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires CGT avait demandé le report du vote du CCN à octobre pour permettre une véritable appropriation par les syndiqués de ces outils essentiels.
Il nous semble qu’il s’agit là d’une démarche de bon sens, d’autant plus importante à nos yeux que le projet qui nous est soumis révise de nombreuses revendications historiques sur lesquelles nous nous sommes jusqu’à présent appuyés.
- Pour défendre les embauches en CDI contre les emplois précaires et le délit de marchandage, nous demandons le maintien des phrase suivantes (selon les repères revendicatifs actuels) : « l’abrogation des dispositions légales favorisant le recours, par les entreprises, à des emplois précaires » et « la transformation de tous les contrats particuliers dérogeant au droit commun en emplois stables »;
- Nous demandons le maintien de la phrase suivante : « les accords doivent donc être plus favorables que les conventions collectives de branche, qui elles-mêmes doivent donc être plus favorables que les accords professionnels ou inter-professionnels ; il faut mettre un terme à la pratique des accords dérogatoires. » ;
- Préparant la campagne en défense de nos retraites, nous demandons l’abrogation de la loi Balladur-Veil de 1993 qui a remis en cause notre droit à la retraite à 60 ans après 37,5 annuités de cotisations. Précisons : dans notre filiale allemande, les salariés devront travailler jusqu’à 67 ans, et ils parlent même maintenant de 70 ans ! En France, l’espérance de vie des hommes est de 76 ans. Autrement dit, si la dégringolade continue comme ca, nous n’aurons plus de retraite ! C’est pourquoi nous demandons le maintien des phrases suivantes qui disparaissent dans les nouvelles fiches :
- « l’abrogation de la CSG et du RDS sur les salaires, revenus de remplacement et prestations sociales. »
- « la récupération des dettes patronales »
- « l’application à tous les régimes de retraite de deux années de bonification par enfant élevé »
- « la fixation du droit à la retraite à taux plein, au plus tard à 60 ans avec l’acquisition de 150 trimestres de cotisation, soit 37,5 années. »
- « le calcul du montant de la retraite aux dix meilleures années de carrière professionnelle et en indexant les pensions sur les salaires »
Nous demandons également que soit clairement inscrit le refus de la flexibilité et de la flexicurité, ainsi que le maintien de la défense de l’Inspection du Travail qui nous est si précieuse dans la défense quotidienne de nos collègues. Donc, nous demandons le maintien de la phrase « la CGT revendique une réaffirmation des missions de l’inspection du travail, ce qui doit correspondre à un renforcement de ses moyens matériels et juridiques, ainsi que des garanties concernant son indépendance ».
Nous souhaiterions que notre fédération nous apporte des éclairages sur ces questions et nous indique sa position pour le CCN des 30 et 31 mai.
Nous attirons également l’attention de nos camarades sur notre démarche qui vise à s'inscrire dans le débat ouvert par le document envoyé par la fédération en février 2007 pour "une élaboration de nos repères revendicatifs" et ne se veut aucunement polémique.
Fraternellement,
Le 14 mai 2007, à Sophia-Antipolis
Section syndicale CGT Amadeus SAS
Syndicat CGT-MUSEUM
Paris, le 26 avril 2007
FERC-SUP CGT
Cher(es) Camarades,
L’UGFF a demandé le report de 6 mois de la décision concernant l’adoption des fiches repères revendicatifs par le CCN.
Nous souscrivons à cette demande qui permettrait que la discussion puisse se mener par tous les syndicats, en particulier pour nous dans la Ferc-Sup, la Ferc, et bien sûr nos UL et UD.
Ceci est d’autant plus important qu’en comparant les fiches de 2002 et celles qui nous sont aujourd’hui proposées, des revendications fondamentales et qui ont été au centre de notre combat depuis plus de 15 ans, n’y sont plus.
Ainsi, dans la fiche qui concerne la protection sociale. Les phrases suivantes ont disparu :
• «abrogation de la CSG et du RDS sur les salaires, revenus de remplacement et prestations sociales».
• «la récupération des dettes patronales et la création d’un fonds de garantie des entreprises».
Sur celle concernant les services publics, ont disparu de même :
• «Reconquérir la maîtrise totale des services publics par la nation»,
• «S’opposer à toute privatisation totale ou partielle».
Et quant à la question des retraites, en particulier les 3 mots d’ordre suivants n’apparaissent plus :
• «L’application à tous les régimes de retraites de 2 années de bonification par enfant élevé»,
• «La fixation du droit à la retraite à taux plein, au plus tard à 60 ans avec l’acquisition de 150 trimestres de cotisations, soit 37,5 annuités ».
• «La pérennité et amélioration des régimes particuliers et spéciaux»
En tout état de cause, nous demandons que tous ces mots d’ordre soient, bien entendu, réinscrits dans nos repères revendicatifs.