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22 mars 2017 3 22 /03 /mars /2017 09:59

Mercredi 22 mars 2017

Pénibilité : que disent les candidats ?

 

A l’heure des présidentielles, aussi consternantes soient-elles, l’heure est à (tenter de) discuter du fond, du programme, du projet de société. Et nous n’allons pas échapper à la règle.

Non pas pour faire une évaluation générale des programmes et des promesses, chacun(e) sait bien qu’elles n’engagent que celles et ceux qui y croient. Car on n’est pas vraiment dans une séquence révolutionnaire, ça se saurait – et les élections ne seraient alors pas à l’ordre du jour… Mais c’est une autre histoire.

 

Bon, alors nous avons choisi de regarder ce qu’elles et ils disent tous de la pénibilité.
Pourquoi ce (petit) thème ? Parce que, nos lecteurs réguliers le savent bien, pour nous la pénibilité est au cœur de l’exploitation et des rapports de production, elle est au cœur du capitalisme, de l’extorsion de la plus-value.

Tous les articles de ce blog sur la pénibilité, ICI

 

Alors nous avons voulu savoir ce qu’ils en disent, puisque 2016 a été l’année de la mise en place du Compte Pénibilité, cette arnaque mise au point par le gouvernement Hollande/Valls.
Mais avant quelques précisions importantes :

  • Pénibilité et « burn out ». Le burn-out est bien entendu un des aspects de la pénibilité, parmi tous les risques psycho-sociaux, le harcèlement, le stress, les facteurs de souffrance au travail, jusqu’au suicide, comme on l’a vu à Orange dans le passé, dans les Hôpitaux, ou encore à la SNCF, et il est largement favorisé par toutes les nouvelles formes d’organisation du travail. C’est incontestable, et nous avons déjà relayé sur ce blog le combat contre tous ces aspects.

Mais la Pénibilité ne s’arrête pas là. Le burn-out et les risques psycho-sociaux touchent à la santé mentale et psychologique du travailleur. Mais il y a tous les autres aspects, qui touchent à la santé physique : le travail posté, les cadences, le bruit, les toxiques chimiques, les gestes et postures avec les TMS, le travail de nuit etc. etc. Jusqu’à la mort dans les accidents du travail – voir l’intérim et le BTP par exemple.

Lire aussi « Le Compte Personnel de prévention de la pénibilité, outil de formation syndicale ».

 

Il n’est pas possible de réduire la pénibilité au burn-out et aux risques psycho-sociaux. Ou plutôt, faire cette réduction, c’est porter un point de vue de classe sur la pénibilité, celui de la petite-bourgeoisie salariée des administrations et services. Car la pénibilité physique touche d’abord la classe ouvrière et les prolétaires (mais pas que, bien sûr, par exemple les soignants). Alors quand un candidat parle « burn out », c’est très bien mais on est en droit ce lui demander ce qu’il pense du travail des prolos.

  • Face à la pénibilité et au travail ouvrier, on va souvent trouver la question du temps de travail, respect ou remise en cause des 35h, avancer vers les 32h etc. Soit. Mais là encore, les ouvriers ont la mémoire des 35 heures Aubry de 2000.

Et quelle est cette mémoire : celle de la dégradation considérable des conditions de travail : plus de précarité, plus de flexibilité et plus de pénibilité. Les patrons ont en fait très vite récupéré la réduction du temps de travail en en augmentant l’intensité. Ce n’est pas un hasard si la productivité instantanée en France est une des plus importantes d’Europe. Le capital s’est adapté, a récupéré (et  plus que largement !) la RTT au prix de la santé des ouvriers. Ce n’est pas un hasard si sur les chaînes automobiles, des postes sont réservés aux intérimaires qu’on peut changer régulièrement quand ils sont usés, le poste est impossible à tenir sur le long terme… Et on connaît bien d'autres exemples.

Alors en rester à la réduction du temps de travail, c’est une mauvaise plaisanterie… On imagine déjà les mesures associées, et non merci.

  • La pénibilité, ce n’est  pas une formule, c’est la sueur et le sang de l’ouvrier. La pénibilité, ce n’est pas un mot, c’est la réalité de tous les jours au travail. Et ça se traduit par des revendications très concrètes, très immédiates, très simples à comprendre pour l’ouvrier, le travailleur. Et c’est à cela que nous voulons juger des candidat(e)s :

-    L’interdiction générale du travail de nuit – sauf bien sûr des métiers essentiels (santé, sécurité…). Car l’être humain est un animal diurne et pas nocturne, et que le travail de nuit est source d’innombrables soucis de santé, sans parler des conséquences sociales et domestiques.
-    L’interdiction du travail posté, ou alors associé à une réduction vraiment massive du temps de travail, du style 5 postes de 5 heures. Car nous avons une vie en dehors de l’usine et des services, nous avons des amis, des compagnes et compagnons, des enfants parfois, et le travail posté, même de jour seulement, détruit la vie sociale.
-    L’interdiction du travail à la chaîne, qui déshumanise l’ouvrier, le détruit à la fois physiquement et mentalement.
-    La diminution des cadences, sur les chaînes et sur les machines. Revendication absolument essentielle dans toutes les usines de production ou de service (industrie, commerce, distribution, mais aussi hôpitaux etc.), qui doit se traduire par des embauches correspondantes.
-    Le combat contre les nuisances à la source : bruit, postures, toxiques chimiques, il faut supprimer radicalement plutôt que multiplier les accessoires et EPI pénibles – eux aussi, et encombrants. Et quand le problème existe (chaleur par exemple), c’est la prévention et le principe de précaution qui doivent toujours primer.
-    La définition officielle « d’entreprises pénibles » (ou d’ateliers, de services…), comme les entreprises « amiante », où le travail donnerait le droit à une retraite anticipée sur le même mode que l’amiante, une année de pré-retraite pour trois ans travaillés.

  • Chacun(e) comprend bien qu’on touche là à un domaine « interdit » : celui de la compétitivité des entreprises, de la productivité du travail, celui de la concurrence mondiale avec les autres patrons, de la guerre économique capitaliste.

Et chacun(e) comprend donc qu’il faut choisir son camp : ou bien du côté du capital, de l’exploitation, éventuellement aménagée, ou bien du côté des prolétaires qui – littéralement – se tuent au travail - et dans ce cas d'une vraie révolution, d'un bouleversement total de la société, du mode de production et de la  place du travailleur dans celui-ci.

 

Que disent donc les candidats ?

-    Pas un mot chez Le Pen, maintien de la durée légale du travail à 35h, mais possibilité de dérogation (37 ou 39h) par accords de branche ou d’entreprise. Cela dit, on la vomit tellement celle-là, qu’on n’a pas trop cherché, il y a tout à jeter par ailleurs, sur le patriotisme économique et la préférence nationale…
-    Chez
Fillon, c’est encore plus simple, remise en cause de la loi sur les 35h, annulation du compte pénibilité, recul sur tous les droits, renforcement de la flexibilité.
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Macron, lui, en a parlé, mais ça ne transparaît pas dans son programme, où n’apparaît que l’instauration d’un bonus-malus sur la précarité. Il veut en fait remettre en cause le Compte Pénibilité (comme Fillon), et trouver un nouveau moyen pour rendre la pénibilité supportable par les chefs d’entreprise (oui, vous avez bien lu, ce n’est pas une erreur de rédaction. Supportable « par les chefs d’entreprise ». On serait morts de rire si ce n’était pas aussi dramatique). On vous conseille cette vidéo, mais vous n’êtes sans doute pas à convaincre…
Déjà que le Compte Pénibilité est une arnaque monumentale, et il faut encore caresser les patrons dans le sens du poil…
Cela dit, nous alertons les camarades : s’il est remis en cause, pas question de défendre le CPPP ! Au contraire, l’occasion de reprendre le vrai combat contre tous les aspects de la pénibilité, comme l’ont fait par exemple les infirmiers.
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Hamon est le seul à s’intéresser un peu à la pénibilité – et oui. Il s’agit de reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle. Dont acte. Mais on n’en saura pas plus, et on comprend bien qu’il s’agit là d’une petite concession à sa base électorale de la petite-bourgeoisie salariée…
D’autre part, lors du débat télévisé du 20 mars, il a été le seul à aborder ouvertement les départs anticipés pour pénibilité : « Je propose que justice soit faite à ceux qui ont eu un métier pénible, qui auront une espérance de vie plus courte et qui doivent partir plus tôt car ils en profiteront moins que les autres. On renforcera le compte pénibilité pour accélérer le départ à la retraite pour ceux qui ont eu un métier pénible et la possibilité de transférer les trimestres. » Cela dit, c’est tellement flou que ça ne mange pas de pain, et on note qu’Hamon s’inscrit explicitement dans le cadre du CPPP, qu’il faut « renforcer » (?) par « transfert de trimestres » (??) alors qu’on sait que c’est une arnaque individualisée au cas par cas, sur lequel les travailleurs n’ont aucun pouvoir de contrôle et de contestation.
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Mélenchon a des discours ronflants. Il a ouvertement clamé que le CPPP était une escroquerie. C’est vrai et c’est bien de le dire. Mais alors, quoi d’autre ? Et bien on n’a pas trouvé, en tous les cas dans les thèmes emblématiques (pour nous, la pénibilité en est un). Tout juste dit-il vouloir revenir aux "vraies" 35h, et qu’il faudra choisir entre aller vers les 32h et la retraite à 60 ans. Car voyez-vous, Mélenchon se définit quand même avant tout comme un réformiste sérieux et raisonnable, « possibiliste », à l’instar d’un Tsipras grec dont on a vu les exploits au gouvernement. Donc rien de précis sur la pénibilité, au-delà du tweet tonitruant, qui lui permet sans doute de se présenter comme le champion du prolétaire… à bon compte !
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 Poutou en parle vaguement dans son programme, mais ne propose que de réduire le temps de travail, comme Arthaud d’ailleurs, avec embauches correspondantes quand même. Et là nous nous permettons de renvoyer à ce que nous disions plus haut sur la relation entre pénibilité et temps de travail. Il ne s’agit pas seulement d’une meilleure répartition du temps de travail entre tous (c’est bien) mais de savoir si on touche au cœur de l’exploitation capitaliste, à la compétitivité, la productivité pour préserver la santé physique et mentale du travailleur – et là, le combat pour la transformation du travail et au premier chef sa « désintensification » doit être au cœur de notre combat. C’est malheureusement absent…

 

Au final pas grand-chose à se mettre sous la dent. D’ailleurs, on pourrait dire la même chose de notre Confédération et du « progrès social qui doit s’inscrire dans la campagne » selon elle (le dernier numéro d’Ensemble ! qu’on a reçu récemment). Manifestement, le combat contre la pénibilité ne fait pas partie du « progrès social »… Et donc force est de constater que la pénibilité est reléguée au deuxième rang des rayons politiques, comme elle a disparu des rayons syndicaux…

Serions-nous trop utopique ? Trop irréaliste ? Mais alors, quel avenir "réaliste" imaginent-ils tous pour nous ? Un capitalisme à visage humain, mais toujours vissés à la chaîne, en travail de nuit ?

Quoiqu’il en soit, ce n’était qu’un petit exercice électoral, mais nous savons tous très bien que ce n’est pas là que se joue notre avenir… Celui-ci est dans la lutte des classes, et surtout dans la conscience et l’organisation pour en finir avec ce monde barbare, pénible et pourrissant !

 

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