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23 novembre 2005 3 23 /11 /novembre /2005 13:02

Le site de l'UD 94Un congrès sous l'impact du référendum
(Interview d’un participant)

Partisan : Ce congrès a eu lieu en juin, juste après le référendum du 29 mai. Est-ce qu'il a été abordé par les congressistes ?
Réponse : Bien sur. Le débat général a tourné autour de ça. D'abord, dans son discours introductif, la dirigeante de l'Union Départementale (UD) a osé se glorifier du rôle de la CGT dans le succès du Non. Plusieurs interventions de la salle ont rappelé que la CGT n'avait pas fait campagne. Ils ont dénoncé l'attitude molle de Thibault qui, on s'en souvient, voulait qu'il n'y ait pas de prise de position confédérale sur ce référendum. Sur la prise de position, la NVO, l'hebdo de la CGT, quelques jours avant le 29 continuait à appeler à la poursuite du débat. La salle a aussi interpellé la représentante de l'UD au CCN du 2 février qui avait été mandatée par la CE de l'UD pour le rejet du traité par la CGT. Or elle s'est abstenue au moment du vote décisif qui a mis Thibault en minorité.

 

P : Cela a-t-il été le seul thème avec des interventions critiques ?
R : Non il y a aussi eu la question de l'attitude confédérale dans la lutte de 2003 sur les retraites. J'en ai moi-même fait une, mais il n'y en a pas eu tellement. Le débat s'est surtout progressivement déporté sur la question de la Confédération Européenne des Syndicats (CES). Sur sa nature d'institution de l'Europe libérale, sur ses positions d’appui à cette Europe etc. Le déplacement va se faire à l'occasion de la dénonciation des représentants de la CGT à la CES qui avaient soutenu le traité constitutionnel.

Le mercredi soir des militants ont eu vent d'une déclaration de la CES sur le référendum français qui regrette le vote du 29 mai. Un intervenant a commencé à le lire mais a été coupé par la tribune parce que ce n'était pas le sujet. Certains ont crié à la magouille. Bref c'était un peu houleux. La direction du congrès va quand même modifier l'ordre du jour et rédiger une motion critiquant la déclaration de la CES. Elle commençait par « Les délégués au 16e congrès de l'UD CGT du 94 s'étonnent des termes utilisés par la CES ... » Le congrès va obtenir que « s'étonne » soit remplacé par « condamne et juge inacceptable ». Certains camarades vont alors réclamer la sortie de la CGT de la CES. D'autres s'y opposeront, arguant de l'effort important pour y rentrer.

 

P : Mais est-ce que vous avez quand même discuté du travail syndical ?
R : Bien sur. Il y a eu quelques discussions qui n'étaient pas polémiques. Des militants parlaient de leur pratique. Mais même parmi ceux qui en avaient une, j'ai eu l'impression qu'ils n'avaient pas très envie de traiter des problèmes quotidiens habituels. Ce qui les souciait, c'était l'évolution de la CGT.

 

P : Dans ton compte rendu, on a l'impression qu'il n'y avait que des interventions critiques. Qu'a défendu la direction sortante face à celles-ci ?
R : Il n'y a pas eu de répondant. Je fais les congrès de l'UD à peu près systématiquement depuis 1993. J'y suis moi-même intervenu de façon critique. Toujours j'ai eu une opposition de la part de responsables de l'UD ayant le souci de me contrer sur le fond. Cette fois-ci ils ne répondaient pas. Je n'ai pas eu de réponse sur l'attitude de la direction de la CGT pendant le mouvement contre la loi Fillon. Personne n'a non plus défendu le Oui à la constitution, ou même l'abstention or il y en avait forcément eu. Après l'intro, personne n'a plus prétendu que la CGT avait bataillé pour le Non. J'ai eu le sentiment que les portes étaient grandes ouvertes à la critique mais que cela n'avait aucune conséquence.

 

P : Une direction molle alors ?
R : Non. Au moment de l'élection de la nouvelle Commission Exécutive (CE) la direction sortante est montée au créneau pour empêcher les plus contestataires d'y siéger. Et là, on a eu droit à des manipulations ouvertement anti-démocratique qui n'ont pas soulevé de tollé, même chez les victimes. C'est probablement l'habitude intégrée de telles pratiques depuis des dizaines d'années.

La manoeuvre n'a pas complètement marché puisqu'un militant LCR, actif et reconnu sur les questions de l'immigration et la défense des élèves étrangers a été rajouté par les congressistes. Et il a obtenu une large majorité pour siéger à la CE.

 

P : Ce congrès n'est pas isolé. On note de partout un changement des comportements des militants.
R : Oui. Ce vote montre que les congressistes ne suivaient pas mécaniquement ce que disait la tribune. Sur les 250 militants et militantes, j'évalue à peu près à la moitié de la salle ceux qui, sans verser dans l'opposition, n'étaient pas prêts à faire et à voter n'importe quoi. Mais l'événement, à mes yeux, c'est l'apparition d'un noyau oppositionnel cohérent.

Depuis 12 ans, les congrès voient de plus en plus d’interventions critiques ou simplement atypiques. Mais il n'y avait jamais eu d'opposition. On sentait tout simplement un délitement progressif. Là, c'est sans doute l'effet du référendum, les débats ont été recentrés autour de cette question et tout un groupe militant intervenait dans le même sens. C'était les syndicats de la plateforme aéroportuaire d'Orly. Politiquement, j'ai compris qu'il était animé par des militants PC, des ex PC et un peu LO. Avec d'autres voix critiques dans le congrès, cela faisait à peu près 10% des congressistes.

 

P : Est-ce que c'est une gauche qui se radicalise et se rapproche de nous ?
R : En fait elle est très composite. Pour certains, en quelques secondes de discussion, je me suis rendu compte qu'ils étaient très loin. J'ai parlé des liens internationaux de la CGT avec un ancien dirigeant de l'UD, aujourd'hui opposant. Il a aussitôt regretté la perte des liens avec la centrale cubaine. Après que je lui ai dit que c'était un syndicat intégré à la bourgeoisie d'Etat et qui organisait l'exploitation des travailleurs cubains, nous n'avions plus rien à nous dire.

Avec d'autres, j'ai poursuivi des rapports. Certains sont en recherche. Recherche plus syndicale que politique d'ailleurs. D'autres sont encore au PCF. Mais tous sont sans boussole, étonnés de voir que leurs adversaires dans la CGT sont aussi au PC. Leur boussole, en fait, c'est la construction d'un syndicalisme combatif mais son orientation est mal définie.

 

P : Est-ce que les contradictions correspondent à des secteurs différents du syndicat ?
R : C'est difficile à cerner. J'ai l'impression que les oppositions se constituent dans des syndicats ayant une histoire, avec des militants ayant de la bouteille, engagés dans le combat face à l'Etat ou à un trust. La direction de l'UD parle elle de syndicalisation des jeunes, des femmes et des petites boites. Des choses absolument justes. Mais pour la première fois j'ai pris conscience que c'était au service d'une politique ultra réformiste. Ces milieux éclatés et sans histoire ne peuvent pas leur poser de problèmes politiques. D'ailleurs on l'a vu au congrès. Il y avait beaucoup de jeunes dont c'était le premier congrès et qui ne supportaient pas cette ambiance critique.

 

P : Finalement, comment perçois-tu l'enjeu de ce congrès ?
R : Je pense que les événements de ce congrès ne peuvent être compris qu'au regard des objectifs de transformation de la CGT portés par la direction confédérale. Un ensemble de mutations qui va de la refonte des fédérations, la refonte de l'interpro avec la disparition des UL, la perception des cotisations directement au niveau confédéral, la réduction du nombre de syndicat, la mise sur pied d'un fichier central des syndiqués etc. Le tout au service d'une politique d'opposition raisonnable à la bourgeoisie de façon à en devenir l'interlocuteur privilégié.

Pour cela la direction ne pouvait se permettre des combats sur l'orientation où elle risquait d'être marginalisée. L'important était de faire passer un peu plus la réforme sur les cotisations et de voter pour avoir à l'UD une Commission Exécutive acquise à la direction confédérale actuelle. Un des objectifs étant le 48ème congrès confédéral qui se tient en avril 2006. On peut être certain que les délégués choisis par l'UD ne poseront pas de problèmes à Thibault.

 

P : Tu penses donc qu'il faut s'opposer à ces réformes ?
R : C'est compliqué, parce qu'en même temps l'organisation actuelle pose problème. La CGT devient un conglomérat de féodalités. Par ailleurs, le découpage à l'infini de la sous-traitance amène des difficultés aujourd'hui insolubles. Bref on ne peut pas non plus continuer comme ça.

Une seule chose est sûre : le 48ème congrès sera décisif et VP doit le préparer.

 

Partisan N°198 – Novembre 2005

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