Vendredi 7 décembre 2012
Après 800 jours de lutte à Fralib, on en est où ?
Le site des camarades de Fralib en lutte : ICI
Tous les articles de ce blog sur la lutte des Fralib : ICI
Essayons de faire le point à l'occasion de cet "anniversaire" de combat.
Cette lutte repose toujours sur quelques mêmes références fondamentales
:
- Le refus de la fermeture de l’usine et la mise au chômage de plus de 100 travailleurs, la
production étant délocalisée en Pologne pour faire passer les coûts salariaux de 16 centimes à 9 centimes par boite de thé.
- Le refus d'une prime au départ et au contraire du boulot pour les travailleurs et leurs
enfants. Près de 100 ouvriers qui défendent un projet collectif de reprise du travail ont refusé un chèque pouvant aller jusqu'à 120 000 €.
- La lutte pour un projet alternatif de remise en production (le plus probable, en SCOP,
près de 80 en seraient) afin de contredire les calculs de rentabilité d’Unilever et de montrer que, si on enlève les 2/3 de profits que s’accordent les dirigeants et les actionnaires, l’usine
peut être reprise par les travailleurs et rentabilisée.
- Le refus de conditionner du thé acheté une misère aux producteurs, comme de fournir « de
la merde » aux consommateurs. Au contraire, revenir à l’aromatisation naturelle avec des produits locaux. Une production de qualité mais à l’échelle industrielle pour que le prix de vente soit
accessible aux consommateurs populaires.
- Enfin, lier ce combat à une pratique démocratique et collective du conflit et en
s’appuyant sur les structures CGT (UL, UD et fédération de l’agro-alimentaire) et sur les autres luttes contre les fermetures.
Au niveau concret, depuis le changement de gouvernement, il
y a eu certaines nouveautés d’importance (Voir en particulier un article du 4 septembre "Fralib : retour de l'Elysée") :
- Le dossier qu’Unilever déclarait clos, a été rouvert et un groupe de travail avec
ministère, préfecture, collectivités locales, CGT et Unilever a été mis en place. Les Fralib continuent d’exiger, en vain pour l’instant, la marque Eléphant et un volume de production pour
quelques années, pour assurer la montée en autonomie de la SCOP future. En fait, l’exigence des Fralib est que Unilever paie la casse sociale qu’il a engendré, et non pas les fonds publics qui le
disculperaient de ses responsabilités sociales.
- L’usine a été reprise par la Communauté urbaine de Marseille, avec terrain, bâtiments et
toutes les machines. Les Fralib occupent leur propre usine, en gros. C’est la principale avancée, même si cela permettrait éventuellement à la CUM (… au PS) d’imposer leur solution de reprise,
cela ne s’oriente pas vers ce bras de fer pour l’instant.
- L’exigence de récupérer une lettre de la direction régionale du travail, bloquée par
l’ancien ministre Xavier Bertrand, vient d’être partiellement satisfaite. Après des mois de réclamations, le nouveau ministre vient d’écrire que cette lettre avait bel et bien été écrite et, sans
la joindre, il en donne le contenu essentiel. Ce qui rend probable une victoire des Fralib en appel pour invalider le 3e plan social (jugé valable en avril dernier). Tout le processus de
fermeture et de licenciements serait alors remis à zéro ! L’appel devrait se juger début janvier à Aix-en-Provence.
- Les statuts provisoires de la SCOP ont été débattus, signés et déposés par 70
travailleurs de Fralib.
- Différents procès sont toujours en cours : le non-paiement de certains délégués déclarés
grévistes par Unilever ! ; les coups et blessures aux vigiles lors de la reprise de l’usine en novembre 2011 ; les atteintes à « l’honneur » d’Unilever (pour dénonciation de ses pratiques
frauduleuses pour les impôts et le contenu des sachets de thé) a été reporté au printemps ; le licenciement de l’ensemble des délégués a lui été refusé par l’inspection du travail, tant pour
raisons de procédure que pour insuffisances des arguments économiques.
Tout cela fait que, de rebondissements en rebondissements (presque chaque jour apporte son lot de nouveauté), la lutte se
poursuit et que l’échéance d’un redémarrage en SCOP paraît se rapprocher sérieusement (ou de l’annulation du 3e plan social, ce qui serait une autre belle victoire) !
Mais le cadre syndical reste empreint de gros soucis d’orientation
:
- La défense de l’économie française prend maintenant les atours de la défense de la marque.
Gêner Unilever sur la marque L’éléphant, pas de souci pour nous. Mais comment rentrer dans la défense d’une marque en restant dans l’orientation forte annoncée par le syndicat au début de la
lutte : le capitalisme n’est ni transformable, ni amendable ? N’est-ce pas finalement du capitalisme "autrement", de la concurrence enjolivée ?
- De même pour la SCOP. On comprend bien que le statut coopératif permettrait de continuer
la production et de préserver le collectif ouvrier, tout en lui permettant de montrer “de quoi il est capable”. Mais de combien de garanties et de docilité faudra-t-il faire preuve pour entrer
dans le jeu du marché industriel concurrentiel et mondialisé ?
- Les Fralib le revendiquent : ils sont internationalistes et le pratiquent dans leur lien
aux autres travailleurs du monde. Mais la culture du Produisons français laisse des traces dans le moule ! Rester en Provence, ok. Mais que veut dire Produisons français pour le marché français
quand la matière première, les machines et une partie du personnel viennent d’au-delà l’hexagone ? C’est faire du “français” un critère qui a inévitablement une connotation nationaliste ! Alors
que c’est l’unité de la classe ouvrière, de toutes nationalités, contre le capital, de toutes origines, qu’il faut promouvoir…
- Enfin les flottements sur le nouveau gouvernement suite aux élections. Une remarque
syndicale a été faite par un dirigeant : « on a vu le changement de gouvernement, mais pas de politique », qui est une vision assez juste de la réalité. Le problème de fond est d’avoir clair en
tête que le PS ne fera rien d’autres que de gérer le capitalisme, même sous des formes étatiques ou coopératives. L’Etat, lui, n’a pas changé, il est toujours dirigé par la même classe, au
service des mêmes monopoles, même s’il doit donner le change ou en lâcher un peu parfois. L’Etat n’est pas neutre, qui devrait en quelque sorte arbitrer entre les monopoles et les travailleurs,
selon ceux qui mettraient la pression le plus fort. Il fait son boulot qui est d’aider les monopoles dans leurs affaires, quitte à en limiter un pour sauver l’ensemble. On retrouve là chez les
Fralib, les orientations du Front de Gauche, dont ils sont très proches ("Séminaire ouvrier le 8 décembre").
Par leur ténacité, les Fralib sont aujourd’hui à la pointe de la lutte contre les fermetures de boites. Pour servir à la lutte de l’ensemble de la classe, il faut défendre une orientation qui reste anti-capitaliste (pas celle de la Confédé justement), contre ceux qui croient qu’un arrangement durable est possible entre lui et les travailleurs.