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28 juin 2006 3 28 /06 /juin /2006 05:58
Mercredi 28 Juin 2006
Ségolène Royal et la Sécurité Sociale Professionnelle

On ne présente plus Ségolène Royal. Mais il faut arrêter de répéter que c’est une Bécassine qui n’a rien à dire. Ségolène a des idées, parfaitement adaptées à l’air du temps. En surfant sur les modes et les formules chocs, elle réussit à donner l’impression de la modernité et du changement. Ainsi en est-il de la fameuse « Sécurité Sociale Professionnelle » que Ségolène s’est empressée de s’approprier (à la suite de Sarkozy, son double infernal). Elle a fait l’annonce choc le vendredi 9 juin sur France Inter, et l’a un peu développée ensuite dans l’émission « Place publique », sur FR3 Poitou-Charentes le dimanche 11 juin 2006.
En voici le script, du moins la partie consacrée à la Sécurité Sociale Professionnelle.

« Q : Vous donnez plus de sécurité aux salariés ?

R : Plus de sécurité aux salariés, nous allons le créer à titre expérimental en région, lors de la prochaine session. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de faire en sorte que, lorsqu’un salarié perd son emploi, entre le moment où il perd son emploi et le moment où il retrouve son emploi, on lui maintienne son salaire et son droit à la formation professionnelle.

Nous souhaitons commencer par l’entreprise Heuliez, vous savez, qui a fait un plan de licenciements très important. J’ai rencontré les organisations syndicales et elles sont en train de monter un projet avec la CFDT. Il faut l’accord de l’entreprise qui va maintenir le contrat de travail même lorsque le salarié quitte l’entreprise, la région qui maintient le droit à la formation professionnelle, et l’Etat qui apporte des financements complémentaires. Et donc cette expérimentation qui est la première en France, dans la région Poitou-Charente, de la mise en place de la Sécurité Sociale Professionnelle, nous débloquons cinq millions d’euros pour réussir cette ambition.

Je pense que c’est une façon de re-créer de la croissance économique, et de faire baisser le chômage. Pourquoi ? Parce qu’il y a en France 10 000 emplois qui se créent tous les jours, et à peu près le même nombre d’emplois qui sont détruits tous les jours. Et la difficulté, c’est le passage des emplois qui disparaissent vers les emplois qui se créent, parce que les personnes concernées d’abord sont déséquilibrées, et ensuite parce que le paradoxe fait qu’elle perdent leur droit à la formation professionnelle. Or des salariés bien formés peuvent sans dommage passer d’un emploi à un autre, et donc faire disparaître, faire reculer ce qu’on appelle le chômage structurel. Et c’est ce défi là que nous sommes en train de relever dans la région.

Q : Il faut donner aussi un peu plus de flexibilité au travail, à la scandinave ? Vous citez souvent Tony Blair, voire les Suédois.

R : Mais ils ont fait les deux. Ils ont donné de la sécurité aux salariés, et ils ont donné de la souplesse à l’entreprise. Les salariés, les organisations syndicales ne sont pas opposées à ce que dans les entreprises qui sont exposées à la concurrence internationale, on leur donne des moyens d’agilité. Mais que cette agilité là, cette souplesse ne se fasse pas aux dépens des salariés, c’est-à-dire que eux soient assurés de leur salaire et de leur formation professionnelle s’ils doivent quitter l’entreprise pour retrouver un nouveau métier avec un accompagnement personnalisé, mais qu’en revanche que l’entreprise elle aussi soit sécurisée dans la garantie qu’elle a d’adapter son outil de travail à la conquête des marchés extérieurs ou à un coup dur provisoire qui intervient et qui lui retire des marchés. »

Reprenons l’exemple retenu : Heuliez à Cerizay (Deux Sèvres), 541 licenciements annoncés sur 1600 emplois. C’est la CFDT qui a le secrétariat du CE, il y a aussi la CGC, pas la CGT. Gageons que ça n’aurait pas changé grand’chose. On notera déjà que le « coup dur provisoire » est en fait carrément une restructuration massive. C’est une entreprise où les syndicats ont accepté depuis des années les adaptations nécessaires à la guerre économique mondiale et où ils sont aujourd’hui dans l’impasse (voir ici).
Ce qu’annonce à sons de trompette Ségolène, c’est en fait tout bonnement un plan social de reclassements sur Heuliez, la belle découverte.

On notera qu’elle ne donne aucun détail : durée du plan de reclassement, nature des propositions d’emplois proposés (femme de ménage pour une secrétaire, vigile pour un mécanicien ??? cela s’est déjà vu), possibilité ou pas de refus de l’emploi proposé, maintien ou non du salaire dans l’emploi de remplacement (elle ne parle que de la période de transition), localisation géographique, flexibilité et précarité etc. Bref, la seule nouveauté de ce qu’annonce Ségolène Royal, c’est l’alliance tripartite licencieur-région-Etat pour faire passer les licenciements en douceur avec l’aval des syndicats. Y compris le fameux « maintien du contrat de travail », qui a été la pierre d’achoppement autour du Contrat de Transition Professionnelle n’est pas détaillé, et n’est très probablement que la mise en place au sein de l’entreprise d’une « cellule de reclassement » comme on en a connu bien d’autres (AREVA à Saint-Ouen par exemple récemment).
Il sera fort intéressant de suivre l’avenir des travailleurs de Heuliez dans les mois qui viennent, on peut être certains qu’on sera bien loin du miracle annoncé !

On retiendra quand même l’essentiel : il faut sécuriser l’entreprise dans son adaptation à la concurrence et au marché. Depuis 30 ans, nous subissons les restructurations, des centaines de milliers de travailleurs ont été laissés sur le carreau, réduits à la misère et au RMI. Les emplois créés en remplacement ont été des emplois précaires, flexibles, de plus en plus mal payés. Les syndicats réformistes ont tout tenté pour faire croire qu’il y avait une « autre solution » à la lutte contre les licenciements.

C’est absolument faux, bien sûr. La seule perspective est la lutte résolue contre les licenciements, la grève, l’occupation. C’est la seule issue, à la fois pour se démarquer du camp du capital et refuser la sauce à laquelle on veut nous manger, et c’est aussi la meilleure solution pour obtenir des solutions immédiates, parce que la radicalité fait peur à la bourgeoisie, et que c’est là qu’elle lâche plus facilement des concessions.

Non, décidément, la Sécurité Sociale Professionnelle ne nous promet rien de bon, sinon un peu plus de soumission à l’ordre existant. Que le projet, enfant chéri de JC Le Duigou à la CGT, soit repris à la fois par Sarkozy et Ségolène devrait faire réfléchir celles et ceux qui en doutent !

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