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26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 10:24
Lundi 26 Juin 2006

Syndicats de site : il y a un vrai débat à avoir

C'est, en fait, le seul débat contradictoire qui ait vraiment « pris » au cours de la réunion du bulletin « La CGT n’est-elle pas en danger ? », animé par des militants du PT le samedi 24 juin.

La discussion avait été lancée par un camarade de la fédération des Mines et de l'Energie. Il affirmait qu'il fallait rejeter ce type de syndicat et que c'était aux unions locales de construire l'organisation des sous-traitants.
Rappelons d'abord le passage du rapport d'orientation au 48e congrès qui aborde la question. C'est dans le préambule de la décision 23 du 48e congrès qui parle de « favoriser la création de syndicats locaux, multi-professionnels (de zone, de site, de lieu de vie, de bassin d'emploi) ou de même type d'activité ».


Le débat du 24 juin

Dans notre intervention, nous sommes partis de la situation des sites industriels où autour de la fabrication, se raccorde une nébuleuse d'entreprises : nettoyage, gardiennage, restauration et bien d'autres. L'entreprise qui fabrique a généralement un syndicat solide et c'est ce syndicat qui est le mieux armé pour faire un travail interprofessionnel sur le site. Il n'est pas juste de renvoyer la tâche à l'Union Locale dont dépend le site. Le syndicat de site représente alors une perspective juste, une structure qui regrouperait tous les syndiqués du site et organiserait leur activité.

On voit bien les raisons pour lesquelles la direction confédérale avance cette idée, mais elle constitue une réponse à des questions qu'on se pose à la base, suite à la généralisation de la sous-traitance développée depuis trente ans par les patrons. Alors on ne doit pas laisser à la direction confédérale le bénéfice du discours sur la solidarité avec les travailleurs sous-traitants alors que sur le terrain, ce sont les syndicalistes de classe qui font le travail d'organisation.

Plusieurs participants à la réunion sont revenus sur le sujet, réaffirmant que c'était le travail des UL. Des exemples de solidarité de syndicats d'entreprises donneuses d'ordre avec les salariés sous-traitants ont été donnés. Mais les salariés relevant de conventions collectives différentes, l'intervention syndicale est forcée de reproduire ces frontières. Ce ne sont pas les mêmes patrons. Enfin, ce projet de syndicats de site, avancé par la direction confédérale, est cohérent aussi bien à la revendication de Nouveau Statut du Travail Salarié qu'à la volonté de réorganiser les structures de la CGT pour tout contrôler d'en haut. Ce qui doit nous inciter à le rejeter.

Un débat intéressant donc, mais malheureusement pas conclu. C'est le type de problème, de désaccord secondaire, qui peut être résolu et déboucher sur une unification. Essayons une synthèse.


Quelles solidarités construire ?

Il y a plusieurs sous-traitances sur un site industriel. Parmi elles, une sous-traitance à des entreprises restant à demeure sur les lieux de l'usine. C'est de celle-ci que l’on parle. Les salariés sont parfois présents depuis des lustres et sont transférés d'entreprises en entreprises par le biais de l'article L122-12 du code du travail au fil des appels d'offre. Outre les secteurs cités plus haut, c'est aussi l'entretien, l'électricité-instrumentation, la peinture voire l'informatique, le magasinage etc.

C'est pour le patron une façon de baisser les coûts en sous-traitant en quelque sorte la lutte de classe. Les travailleurs sont souvent immigrés avec de faibles traditions d'organisation et ils sont confrontés à un patronat de combat. Quand ils se mobilisent, ils sont aussi confrontés au problème de leur nombre, au mieux, quelques dizaines. Ils recherchent alors un soutien.

Dans ce cas, c'est au syndicat de l'entreprise d'apporter le soutien. Il est le mieux placé pour cela. Pas seulement géographiquement, mais aussi en tant que syndicat de l'entreprise donneuse d'ordre, laquelle est, quelque part, le véritable patron, la source des problèmes. La sous-traitance conduit à faire cohabiter sur le même site des salariés avec des salaires et des conditions de travail très différentes. Là où on laisse faire cohabitent aussi des relations très différente : des syndicats reconnus pour la grande entreprise et une répression antisyndicale féroce pour les sous-traitants. Autant il semble difficile d'intervenir aujourd'hui sur les écarts de salaires entre entreprises, autant il est possible d'intervenir sur les conditions de travail et d'empêcher la répression.

Cela demande la solidarité des salariés et des syndicalistes de la grande entreprise. Cela peut se faire en lien avec des responsables de l'UL qui ont plus l'habitude de gérer des problèmes de salariés relevant de conventions collectives multiples. Mais renvoyer tout ce travail d'organisation à l'UL relève du corporatisme. A deux niveaux. Le premier c'est le centrage du travail syndical sur les cotisants, sur les travailleurs les plus facile à défendre et les mieux organisés. Ensuite, cela traduit tout simplement que le syndicat de l'entreprise ne prend pas en charge l'UL. C'est d'ailleurs souvent le cas. Les syndicats des grandes entreprises se suffisent à eux-mêmes et la conscience de la nécessité de l'interpro y est souvent faible.

Les syndicats des grandes entreprises qui aident à la construction syndicale chez les sous-traitants ne sont pas nombreux dans la CGT. C'est généralement une aide à sens unique avec rarement un retour pour des raisons qui s'expliquent. On est encore loin de la construction de collectifs de travailleurs d'un même site, solidaires au-delà des frontières des entreprises. Mais c'est un objectif à construire.

Cette construction devra s'accompagner d'une évolution du fonctionnement syndical. La question est ouverte : AG régulières des syndicats du site ? Coordination ? Le syndicat de site est une possibilité qui s'inscrit dans cette réflexion. Il y a aussi des batailles à mener pour obtenir le droit d'organiser, d'accompagner, des salariés du site même s’ils ne sont pas de la même entreprise.

C'est dans ce contexte qu'apparaît l'objectif de syndicat de site avancé par la direction confédérale. Il recouvre plusieurs problèmes. La question de la syndicalisation par exemple dans une zone industrielle regroupant une poussière de petites entreprises. On ne l'abordera pas là. Ce dont on parle, c'est que cet objectif s'affirme aussi comme une réponse à ce problème de fragmentation juridique des grands sites industriels. On notera qu'on est très loin du but. Ce n'est pas une raison pour invalider l'objectif mais le problème est qu'aucun moyen n'est donné par les organismes centraux de la CGT pour y arriver.


Les arrière-pensées d'une bonne idée

En effet, jusqu'à présent, ceux qui avancent cette idée sont les dirigeants les plus en pointe pour collaborer avec le patronat et ne se sont pas montrés actifs pour organiser sur le terrain la syndicalisation des sous-traitants. Ils organisent très souvent des colloques sur la syndicalisation des cadres mais jamais sur celle du personnel de nettoyage pour ne citer qu'un exemple.

On comprend aussi qu'ils ne réunissent pas les organisations concernées. Les syndicats des entreprises sous-traitantes sont faibles, généralement absent des sites, et ont souvent des rapports troubles avec leurs patrons. Ils voient ce travail sur les sites comme une concurrence. Quant aux syndicats des grandes entreprises qui sont actifs sur ce terrain, ils ont forcément une conception du syndicalisme qui met le rapport de force au centre de l'activité. Ce qui ne peut que déplaire aux dirigeants modernistes de la CGT. Évidemment ces derniers n'ont aucun intérêt à réunir les expériences pilotes animées par des révolutionnaires et des militants radicaux, pour élaborer une ligne de conduite syndicale. C'est pourtant ce qu'on attendrait d'une confédération qui fonctionne.

Résultat, ces mêmes dirigeants feront une référence lointaine au « travail intéressant » de tel ou tel syndicat. Invitant les autres à s'occuper un peu des sous-traitants. Déjà commencer à dire bonjour à la femme de ménage qui vient vider la poubelle. (Car on en est est souvent là !!!).

En fait, ils n'attendent pas de transformation des droits par le rapport de force mais par des négociations au sommet avec le MEDEF et le gouvernement dans le cadre de tractations plus ou moins obscures.

C'est pareil pour la Sécurité Sociale Professionnelle. Elle n'est pas vue comme un objectif à atteindre à partir de batailles gagnées contre la précarité, les licenciements, les droits des chômeurs, mais comme un filet de sécurité minimum obtenu par négociation en l'échange de l'acceptation de la précarité et des restructurations.

S'ils ont conclu la réflexion sur les syndicats de site avant même de l'ouvrir, c'est qu'il y a anguille sous roche. Essayons de voir dans quelle logique cela s'inscrit.

Poser la question, c'est y répondre. Il y a un lien évident avec la revendication de Nouveau Statut du Travail Salarié. Si nous devons tous être précarisés, restreindre le syndicat à une entreprise n'a plus de sens. La souplesse d'adaptation voudra même qu'on passe sans formalité d'une entreprise à l'autre. L'organisation syndicale devient uniquement géographique et il n'y a plus rien à défendre de particulier à telle ou telle entreprise. Il est clair aussi que cette adaptation accompagne l'objectif patronal de remise en cause des conventions collectives.

Il y a un autre lien avec les objectifs de transformation de la confédération. On a vu que les UL étaient dans la ligne de mire. Le texte soumis au CCN en mai 2005 envisageait leur disparition. Découper le territoire en autant de petites zones avec des responsables syndicaux nommés d'en haut et reconnus par les patrons est sans doute l'alternative visée par les Le Duigou et consort. C'est une alternative aux UL. C'était aussi, sans doute, un moyen de contournement des syndicats de grandes entreprises mais ils ont du céder pour le moment sur ce point. Le syndicat restant la base de la CGT et le lieu de versement de la cotisation.


Comment débattre ?

Les camarades hostiles au syndicats de site ont donc des raisons d'y voir à la fois une adaptation aux visées de la bourgeoisie de précarisation généralisée qu'un levier de mise au pas de la confédération.

Mais la réponse à la direction confédérale ne peut pas être « C'est le travail de l'UL ». C'est une façon de laisser la problématique de l'organisation des sous-traitants à la direction confédérale.

A la fin des années 70, la CFDT avait aussi justifié son recentrage au nom des petites boites et des chômeurs. Ces premières victimes de la crise ne pouvaient pas attendre, n'est-ce pas ? Leur faible organisation ne permettait pas d'obtenir des acquis. Place au syndicalisme de concertation et d'accompagnement. Au passage, Edmond Maire avait liquidé l'organisation de chômeurs naissante inefficace et gênante. On connaît la suite. Quelques années plus tard, le patronat éjectait FO de la gestion de l'UNEDIC et la confiait à la CFDT qui allait instaurer la dégressivité des allocations. Un système qui poussait les chômeurs, l'épée de la misère dans le dos, à accepter n'importe quoi.

Aujourd'hui il faut empêcher que les plus englués dans la collaboration de classe dans la CGT nous fassent le même coup de la défense des faibles et des sans droits. Pour cela, il faut s'appuyer sur le travail qui se fait déjà d'organisation des sous-traitants, l'étendre autant que possible et venir sur le terrain de cette discussion sur les syndicats de site (ou pas) avec la problématique de construction de rapports de force.

Mais cela demande une clarification d'orientation parmi ceux qui se réclame d'un syndicalisme de lutte de classe. Car nous maintenons que derrière cette réponse réflexe « C'est le travail de l'UL » se niche, y compris parmi les secteurs oppositionnels dans la CGT, une pratique corporatiste ou au moins sectorielle qui consiste à calquer l'activité syndicale sur les divisions instaurées par les patrons. Bien sur on y est obligé dans une certaine mesure. Mais notre objectif est bien la construction de l'unité de la classe ouvrière pour son émancipation. A nous de faire péter les frontières construites entre nous chaque fois qu'on le peut et que la solidarité le réclame.

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commentaires

K
<br /> De quelle planète tu viens Weiss ? A te lire les patrons sont des misanthropes, les syndicats et les fonctionnaires des parasites et les ouvriers des profiteurs qui vivent de la générosité de leur<br /> patron. Tu as dû lire Marx à l'envers ? Ah oui, les patrons ont cassé leur livret A pour monter leur boîte et tout donner ; les pauvres. Jamais il ne t'est venu à l'idée que TON argent c'était<br /> NOTRE travail à nous prolétaires et donc que TON argent n'était en fait que le NOTRE.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Je suppose que Eugène à laisser passer tout cette attirail de pensée du parfait petit réact intellectuellement fascisant pour inciter à une réaction. Ce qu’il serait bien, maintenant, c’est qu’il<br /> lui indique la porte de sortie.<br /> <br /> Je ne reviendrai pas sur le débat UL « ou » syndicat de site totalement hors de propos, quant l’on sait que le premier problème ça reste quant même le taux de syndicalisation des plus faibles, qui<br /> font que bien souvent déjà les UL existantes deviennent de véritables organisation fantômes dans les villes. La classe ouvrière sera toujours assez grande pour se donner les structures que ses<br /> combats obliges, comme elle a su déserter celles qui ne lui rendaient pas les services attendus, interrogez-vous plutôt du pourquoi les représentant des sections ou syndicats de boites ne les<br /> fréquentes même plus les UL…<br /> <br /> Maintenant petite Leçons de chose à Weiss ce représentant de la classe des sangsues ;<br /> <br /> Ceux qui créés les richesses ! sont ceux, que petits ou gros entrepreneurs exploitent dans les ateliers aux champs etc. main-d’oeuvre française ou immigrés… (« Excepté » le fabriquant d’objet<br /> artisanal, un anachronique individualiste ayant décidé de s’exploiter lui-même sans le recours aux bras d’autrui) Toutes les prestations dites sociales, (ce que vous appelez charges sociales, dont<br /> l’intérêt de leur réduction ne visse pas d’autre objectif que de vous remplir encore plus les poches) ne sont que du différé de plus-value (et non pas de salaire comme à tord ont le souligne<br /> souvent) tirer de l’exploitation de la force du travail prolétaire.<br /> <br /> Et quant à tous ses « braves gens », hommes ou femmes « héroïques créateurs d’entreprises » leur seul véritable mérite c’est de nous permettre de démontrer aux travers de leur existence parasitaire<br /> aboutissant à des faillites successives, que la seule « bonté d’âme » qui les habite reste celle des requins qui se mangent entre eux.<br /> Aussi quant aux sentiments de solidarité dans leur classe, qu’occasionnellement ils se montrent, toujours ils les expriment quant ils savent leur intérêts particuliers menacés des légitimes<br /> revendications des travailleurs qu’ils exploitent sans souci de leur sécurité au travail, ni de la dégradation de leur santé moral.<br /> <br /> Monsieur, ici, par votre propos, (peut-être vais-je être le seul à l’affirmer ?) sachez que vous ne représenter qu’un ennemi de notre classe, vos vies parasitaires à vous et à vos semblables se<br /> construisant de la sueur et des larme du sang de ceux que vous exploiter.<br /> <br /> Alors suffit de jouer aux généreux donateurs pour caisses de « protections sociale » le peut que l’on vous impose n’étant jamais que du devoir rendre à contre cœur, pour une micro partie, ce que<br /> vous nous avez volé.<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Oui, on l'a laissé passer (quelques hésitations, quand même...) car c'est toujours fun de voir des comiques patronaux nous laisser croire que sans eux on ne peut pas exister, qu'on leur doit<br /> tout...<br /> <br /> <br /> C'est bien un clin d'oeil, mais qui peut s'y laisser prendre, du moins sur ce blog ?<br /> <br /> <br /> <br />
W
<br /> Les représentants syndicaux sont rétrogrades, passéistes. Leur mentalité paraît ancestrale du temps, jadis, de ceux qui se permettaient de faire évoluer une situation locale. A cette époque, ces<br /> représentants avaient du panache, du cœur, passant des heures à la défense sans vergogne non pas leur propre cause mais à la défense des autres.<br /> Maintenant, ceux sont des pantomimes, des bouffons, peu crédibles, peu professionnels vu le temps passés dans une entreprise et le cumul de leurs différents mandats de représentants du personnel :<br /> cumul possible des mandats de DP, CHSCT, membre du comité d'entreprise, délégué syndical, représentant syndical auprès du CE.<br /> Si l'on additionne l'ensemble de ces mandats, comment voulez-vous apprécier un aspect professionnel dont certains ne savent comment fonctionne une entreprise : M. THIBAULT, François CHEREQUE et<br /> leurs copains.<br /> Comme les hommes/femmes politiques, ils ne voient pas la défense des salariés français mais leur propre ascension sociale.<br /> PETITE PIQURE DE RAPPEL : qui crée la richesse nationale française à forte valeur ajoutée : les artisans, les commerçants, les professions libérales et les PATRONS. Qui embauchent, qui paient vos<br /> salaires, qui paient vos prestations à différentes caisses de cotisations sociales pour que le système de solidarité s'applique à vos droits (à l’accession à la santé, à votre mutualité, à votre<br /> prévoyance, à l’invalidité, au chômage, au 1% logement, à votre retraite, aux tickets restaurant, participations aux transports (50%) aux paiements de vos primes, de vos heures supplémentaires, de<br /> VOS CONGES PAYES, AU PAIEMENT DES JOURS DE GREVE….)).<br /> Quand prendrez-vous conscience que sans Patrons, il n’y aurait pas d’activité économique = PAS DE SALARIE ni syndicat (sauf public), ni tous ces fonctionnaires, ni de représentants au Comité<br /> d’entreprise, ni délégué du personnel, ni CHSCT, ni DUP, ni Comité d'entreprise de groupe….<br /> La liste des obligations et prises en charges financières d’un employeur est colossale. Comme vous ne mesurez pas l’engagement financier d’un créateur d’entreprise, vous ne vous souciez guère (par<br /> simplisme d'esprit, vous petits neuneus), du poids de responsabilités que ces hommes et ces femmes ont sur leur épaule. Vous dites « abat les mauvais patrons » qui s’en mettent pleins les poches et<br /> nous, nous, nous, nous. Et vous, quelle est votre savoir-faire :<br /> LA CRITIQUE IMPRODUCTIVE, LA REVENDICATION, LES GREVES. Edifiant, Etonnant, NON !!!<br /> <br /> <br />
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