Lundi 29 janvier 2018
EHPAD publics ou privés : soignants épuisés, résidents en danger !
Il va y avoir du monde demain devant les agences de l’ARS et les préfectures (voir l'appel intersyndical à droite). Préparée depuis plusieurs semaines, la journée d’action des personnels des EHPAD promet d’être un grand succès, tant par la participation que par le soutien de la population, sensible au sort fait aux anciens. Partout les familles doivent se joindre aux rassemblements, conjointement avec les soignants, car le combat est le même et la revendication partagée : « 1 pour 1 » partout ! (un personnel pour un résident).
Les EHPAD, ce sont les Établissements d’Hébergements pour les Personnes Agées Dépendantes.
Autrement dit, les maisons de retraite pour très âgés, près de 600 000 personnes d’un âge moyen de presque 86 ans, qui ne cesse d’augmenter. De l’ordre de 8000 établissements sur toute la France, en gros moitié d’hébergement dans le public, moitié dans le privé.
Le soin est financé par la Sécu, via les ARS, l’hébergement par le/la résident(e) ainsi que la dépendance éventuellement allégée par l’allocation autonomie des départements.
Depuis 2006, un Plan Solidarité Grand Age a été mis en place pour développer ce système d’accueil et en particulier prendre en charge tous les effets de la maladie d’Alzheimer (260 000 résidents souffrent de maladie de neurodégénérative).
Depuis des mois, la situation des soignants ne cesse de se dégrader, et l’on ne compte plus les grèves, les appels indignés, les tribunes et dénonciation. Récemment, la grève de 117 jours à l’EHPAD des Opalines (Jura) a révélé l’ampleur de la catastrophe dans l’accueil, le traitement et le respect dû aux anciens (voir ci-contre).
Privé, public, même combat !
La première chose à souligner c’est la communauté du combat dans le secteur public et le secteur privé. Bien audacieux celui ou celle qui prétendrait défendre le « service public » contre « la loi du profit » … Jamais on n’a aussi bien vu le caractère capitaliste du secteur public, en parallèle au privé…
D’abord, c’est un manque d’effectif critique : 360 000 professionnels, toutes catégories confondues quand même. Cela mène à environ 0,69 personnel par résident dans le public, 0,59 dans le privé, on est dans tous les cas très loin du 1 pour 1 fixé par le Plan Grand Age, et qui serait nécessaire à la fois pour soulager la souffrance du personnel, et la maltraitance les résidents : il faudrait recruter immédiatement 200 000 infirmières, aides-soignants, auxiliaires de vie, personnels d’accueil, technique et administratifs (cuisiniers par exemple) et d’animation etc. pour combler le retard.
On lira avec effarement un article qui détaille de manière glaciale le nombre de postes pour arriver à un taux de 0,58 sans illustrer d’aucune manière ce que ça veut dire dans la vraie vie au contact des résident(e)s.
Les résidents sont en grande dépendance et protestent peu, les familles sont souvent absentes ou ignorantes des problèmes quotidiens du suivi, en culpabilisant leur impuissance, il n’y a que les soignants qui peuvent crier le colère face à toutes les conséquences de cette situation.
Ensuite, la conséquence immédiate du manque de personnel, c’est une forte pénibilité physique, un stress multiforme permanent, des accidents du travail en augmentation, les absences non remplacées, une souffrance au travail avec très souvent des craquages, le retour en pleurs à la maison avant d’avaler un Lexomil pour dormir avant de recommencer le lendemain…
On lira également en complément un article assez complet sur ce sujet du site Basta !
EHPAD publics : comme à l’hôpital, comme dans le privé !
Dans les établissements publics, c’est l’ARS qui fait sa loi et pratique les coupes franches dans les budgets, des dizaines de millions en moins à la clé. Face à la vague croissante de mécontentement, le gouvernement vient d’annoncer une rallonge de 50 millions d’euros pour tenter de désamorcer, mais le compte n’est pas là (voir l’article de Challenges).
Avec en prime l’objectif d’une dotation identique aux EHPAD du privé et du public…
Macron, c’est Thatcher le sourire en plus, la dérèglementation totale, la concurrence capitaliste appliquée au grand âge…
A ce titre, on ne peut que souligner la similitude de situation dans les EHPAD et de la santé en général. Rappelons les souffrances et le burn-out dans les hôpitaux, encore ces derniers jours trois suicides dans la fonction publique, un infirmier à Denain, une aide-soignante à Toulouse, un interne à Argenteuil…
A force de tirer sur la corde, certain(e)s craquent… Nous avons eu l’occasion d’en parler sur ce blog.
Tous les articles de ce blog sur la santé, ICI
EHPAD privés : nouvelles sources de profit
A côté des établissements publics ou mutualistes, on voit apparaître depuis plusieurs années les établissements privés et la constitution de grands groupes multinationaux…
Juste quelques précisions pour les deux « leaders du marché » (voir illustration ci-contre).
- Le groupe Orpea, N°1 européen, 83 000 lits, 40 000 salariés. Les actionnaires principaux sont un fond de pension canadien gestionnaire de retraites, PSA – oui, vous savez l’automobile, la fermeture d'Aulnay, la Rupture conventionnelle…, une société financière belge et la famille du fondateur.
- Le groupe Korian, 71 500 lits, 45 000 salariés, dont les actionnaires principaux sont le Crédit Agricole via Prédica, un fond de pension canadien gestionnaire de retraites, et Malakoff Médéric (groupe complémentaire santé, prétendument mutualiste).
La retraite des salariés canadiens financée par la surexploitation des soignants et la maltraitance des retraités en France… La caricature odieuse de la barbarie capitaliste mondialisée… l’image vivante de ce qu’on appelle la péréquation du taux de profit à l’échelle de la planète…
Des groupes voyous (Orpea qui espionne ses salariés), qui s’étendent à l’international (désormais plus de lits qu’en France, en Europe bien sûr, mais jusqu’en Chine et en Amérique Latine), des investissements soit spéculatifs (un actionnaire de Domus Vi revend sa participation 2,3 milliards d’euros en 2017, achetée 650 millions en 2014), soit hautement rentables (un taux de profit qui tourne autour de 4,5 à 5% - taux supérieur par exemple à celui de la grande distribution). Et un phénomène de concentration/rachat très important (comme dans les groupes de santé, ou dans les complémentaires santé) autour de retour sur investissements juteux.
Bref, le capitalisme le plus traditionnel, qui gère le grand âge comme n’importe quel investissement, avec l’avantage d’avoir un marché captif, non délocalisable, en expansion et à rentabilité garantie par l’Etat. Que du bonheur… L’émission « Pièces à Convictions » sur FR3 épinglait déjà ces groupes en Octobre dernier, autour d’un titre choc « le secret d’un gros business »…
Demain mardi, tous dans la rue, soignants et familles réunis !
La souffrance des personnels, la maltraitance des résidents, voilà où mène le capitalisme.
Aujourd’hui la colère est grande dans les personnels et la journée de Mardi promet d’être un grand succès.
La revendication principale portée par le personnel, c’est le « 1 pour 1 », et des embauches massives pour améliorer immédiatement la situation.
Mais exiger des moyens supplémentaires ne suffit pas : il faut dénoncer le capitalisme et sa barbarie, exiger la prise en charge des anciens dans des conditions correctes, et a minima le prix de journée en fonction du montant de la retraite (sinon on étrangle les familles), en refusant de subventionner les multinationales du grand âge…
Il faut que les familles s’organisent en collectifs de surveillance, aux côtés des syndicats du personnel, pour combattre la maltraitance liée aux effectifs insuffisants, en refusant la culpabilité de l’impuissance.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce combat, comme sur tous les domaines de la santé, car c’est un secteur où les monopoles impérialistes sont à l’offensive, et où l’exploitation féroce mène à la catastrophe…
Mardi, tous dans la rue, soignants, familles et population, contre l’exploitation du grand âge !