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1 septembre 2018 6 01 /09 /septembre /2018 10:52

Samedi 1er septembre 2018

Nucléaire / EPR : convergence entre la CGT et le gouvernement

 

La démission de Nicolas Hulot a fait surgir l’existence d’un rapport confidentiel qui vient d’être rendu au gouvernement. Rapport « confidentiel défense » à la demande de Hulot lui-même associé à Le Maire, et qui traite du nucléaire civil comme militaire – comme quoi ils sont indissolublement liés.

Ce rapport préconise la construction de 6 nouveaux réacteurs EPR mis en service entre 2035 et 2050 pour remplacer les centrales actuelles vieillissantes.

 

On voit bien là le poids du lobby du nucléaire (Bouygues, Vinci, Orano ex-Areva, EdF etc.) dans la logique du retour aux grands travaux des années 80 avec les marchés gigantesques pompes à profit qu’ils génèrent.

EPR Flamanville en Normandie (démarré en 2007), EPR Hinckley Point en Angleterre, EPR Finlande (démarré en 2005), ce sont des fiascos retentissants. Le premier réacteur vient seulement d’être couplé au réseau en Chine

Fiascos technologiques avec des retards accumulés, fiasco financier (coûts multiplié par 3), fiasco social avec la généralisation du travail dissimulé et de la sous-traitance en cascade.

Mais les retards, les surcoûts, la casse sociale, les monopoles capitalistes s’en contrefichent. Ce qui compte, c’est la pompe à profits… Et plus le chantier dure, plus ça rapporte quelque part !

Depuis les années 60 et le programme nucléaire lancé par de Gaulle, le nucléaire est avant tout un domaine économique d’accumulation, conforté par une vision politique « l’indépendance énergétique et militaire » de la France, vision impérialiste et aussi fausse, il suffit de réfléchir d’où vient le minerai…

L’ambition des monopoles est donc juste de relancer l’accumulation dans le secteur aujourd'hui au ralenti.

La sortie du nucléaire et la transition énergétique attendront…

 

Connaissant les positions de notre confédération sur le nucléaire, on n’est donc pas vraiment surpris de voir la CGT aller dans le même sens. Début juillet, la CGT du Tricastin produisait un tract pour donner sa contribution dans le cadre de préparation de la future « programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE 2018-2028).

Ce tract, nous le reproduisons ci-contre, afin que chacun(e) puisse en juger.

On y trouve une intégration complète à la gestion impérialiste du nucléaire, et donc à la convergence sans faille avec le gouvernement :

  • Pas un mot sur l’arrêt du programme nucléaire, au contraire la volonté d’en assurer la continuité sur la durée. « Pour la CGT, le remplacement du parc de production nucléaire actuel doit s’inscrire dans le cadre d’une politique énergétique et industrielle ambitieuse avec une vison moyen/long terme sur l’ensemble de la filière nucléaire ».
  • Pousser au-delà de 50 ans l’arrêt des centrales, tant pis pour les risques nucléaires liés au vieillissement, tant pis surtout pour les sous-traitants qui vont ensuite démanteler avec des doses bien supérieures. D’ailleurs pas un mot sur les risques en général, Tchernobyl et Fukushima ont bien disparu des écrans radars.
  • Construction de 2 réacteurs nucléaires au Tricastin – et donc combien au total sur toute la France ? et pas un mot sur ce fiasco technologique, financier et social. « Tricastin, grâce aux compétences de ces salariés (intervenants prestataires, Edf, Orano) et par sa situation stratégique en matière de sécurité d’approvisionnement, présente les critères pour accueillir en même temps l’implantation d’une paire d’EPR 2 et d’assurer la prolongation d’exploitation au-delà de 50 ans de ses 4 tranches »
  • Pas un mot sur le coût financier et social du démantèlement des centrales existantes. Quand on voit les retards pris à la centrale de Brennilis en démantèlement (toujours inachevé) depuis 33 ans, on peut s’interroger. Mais cela ne déplaît pas à Bouygues, Vinci et consorts…
  • Pas un mot sur l’accumulation des déchets qu’il faut retraiter et stocker, on en importe même d’Australie ! (voir le décret sorti confidentiellement début Juillet). Quant à l’enfouissement des déchets longue durée prévu à Bure (Meuse), c’est devenu une poudrière tant les risques sont incontrôlables sur des périodes inconcevables.
  • Non seulement, la position de la CGT Energie est totalement pro-nucléaire, sans états d’âme, mais elle en vient à vanter les exportations d’énergie et la compétitivité de la France impérialiste : « Les outils de productions d’électricité participaient jusqu’à présent à l’aide aux pays adjacents et à la limitation du déficit énergétique et commercial de la France (60 TWh d’export annuel quand le déficit commercial Français est de 60 milliards d’euros) ». On croit rêver, on croit entendre Macron ou Le Maire. La fédération se place ainsi exactement d’un bon point de vue de gestionnaire capitaliste de l’énergie et de l’impérialisme en général, absolument pas du point de vue des travailleurs et des populations.
  • Pas un mot sur la sous-traitance, le travail dissimulé ou détaché et l’exploitation de plus en plus féroce dans le secteur du nucléaire. De l’EPR Flamanville à CITER Cadarache, les grands chantiers en cours reflètent la situation sociale du capitalisme mondialisé, c’est-à-dire une exploitation aggravée. Ce n’est pas la formule sibylline sur « l’intégration sur le parc réussie avec la prise en main par les exploitants et une maintenance assurée par les équipes in situ » qui nous rassure. Les équipes « in situ » sont celles de la sous-traitance… La CGT ne parle même plus du projet de convention collective de la sous-traitance, projet enterré (« Sous-traitance nucléaire : la CGT fait retraite en rase campagne », mais que la fédération continuait, théoriquement, à porter c’est bien oublié tout ça… Ce n’est donc sans doute pas un hasard si Gilles Reynaud n’a eu aucun soutien des structures officielles de l’énergie CGT, voire des critiques à peine voilées… (voir ICI). 

Alors oui, on trouve au début du tract une demi phrase sur le rôle de l’énergie : « Pour rappel, 12 millions de nos concitoyens subissent aujourd'hui la précarité énergétique, et la qualité comme les prix de l’énergie sont un facteur de localisation industrielle » qui ne sert que de prétexte à tout le reste. D’ailleurs on voit que dans cette phrase sont soigneusement mélangés les intérêts populaires (précarité énergétique bien réelle) et les intérêts bourgeois (localisation industrielle). Intérêts de classe antagoniques ? Vous n’y pensez pas…

Outre que cette phrase n’a aucun rapport avec le reste du tract, on peut constater :

  • Qu’il n’y a pas un mot sur la politique tarifaire d’EdF (prix ultra-préférentiels aux industriels, financés de fait par les particuliers), sanctions contre les plus pauvres (hausse massive du prix de l’abonnement par rapport à la consommation).
  • Qu’il n’y a pas un mot sur les économies d’énergie, la lutte contre les gaspillages énergétiques ; par exemple, du fait du caractère hyper centralisé du réseau, 10% de l’énergie électrique produite est perdue (transformateurs élévateurs et abaisseurs, lignes Haute Tension), la pollution électromagnétique etc. Ça mériterait une réflexion sur les notions de centralisation et de décentralisation, au minimum… Pas un mot non plus sur les énergies renouvelables (et pourtant le débat n’y est pas simple).
  • Bref, c’est le degré zéro de la réflexion sociale, sur le rôle et l’usage de l’énergie électrique. Ce n’est que la soumission à ce que le capitalisme et ses monopoles ont mis en place, sans le début de commencement d’une interrogation.

Après quelques hésitations autour de la sous-traitance il y a cinq ans, la CGT Energie s’est à nouveau radicalisée sur une position ultra-pronucléaire ; avec le nucléaire, elle est comme la FNSEA avec le glyphosate : total addict, et avec le même genre d’arguments pourris sur la défense du modèle économique impérialiste en place ! On le voit dans ce tract, on l’a vu également dans l’opposition frontale à la fermeture de Fessenheim etc.

Voir tous les articles du blog sur la CGT et nucléaire ICI 

 

Ce n’est pas sans lien avec l’élargissement de la sous-traitance. Aujourd'hui, 80% de la maintenance des centrales est sous-traitée dans des conditions sociales dégradées, avec la quasi-totalité de la dose de rayonnement. Le personnel des centrales encore sous statut est chargé des tâches de maîtrise, de gestion de cette sous-traitance, mais n’est plus dans la « vraie vie » de l’exploitation. C’est ce qu’on appelle « l’aristocratie ouvrière » qui, associée à la petite-bourgeoisie des cadres et techniciens supérieurs, reprend à son compte la gestion du capitalisme, et dont les critiques ne reposent que sur une « mauvaise gestion » supposée, en expliquant comment si on les écoutait, on pourrait faire tellement mieux et plus efficace…

Voilà exactement la base du rêve du capitalisme à visage humain, qui préserve les privilèges de quelques-uns sans se préoccuper des ravages sur la majorité, qu’il s’agisse des mineurs d’uranium au Niger, des sous-traitants dans la maintenance ou le démantèlement à venir, ou des populations soumises à un risque potentiel à Bure ou au voisinage de centrales dégradées…
 

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