Commentaire transmis par Erwan (CGT cheminots) le 30 novembre 2005
Quatre Fédérations de cheminots appellent à une grève reconductible par 24 heures à partir du 21 Novembre 2005 à 20h00.
« Non à la privatisation rampante » est le mot d’ordre.
Outre le fait que le processus de privatisation est entamé depuis 1999 au moins, la filialisation de la SNCF en entités autonomes économiquement Fret, Infra, Grandes Lignes, TER, Voyageurs s’est réalisé depuis des années dans le seul but d’ouvrir le marché du Rail à la concurrence. Le « paquet ferroviaire » européen a amené l’ouverture à la concurrence au niveau du Fret, il y a aujourd’hui au moins trois opérateurs privés dont Connex qui font rouler des trains à la place de la SNCF. L’ouverture à la concurrence du transport des voyageurs doit être une réalité avant 2008. La CGT, Sud-Rail, FO et la FGAAC (syndicat autonome des conducteurs de train) appellent donc à cette grève reconductible, disant vouloir se battre contre la privatisation rampante.
A la grande surprise des cheminots aucun travail préparatoire à la grève n’est mené à la base, les tracts syndicaux unitaires ont été distribués à peine une semaine avant le début du conflit, comme si tous les cheminots étaient décidés à mener cette bataille dure et longue sans discussions préalables, sans travail de conviction. Dès lors quel est le but des organisations syndicales ?
Un coup du type EDF, appeler à la grève les agents sans préparation puis rapidement juguler toute extension de la lutte. Pour finir par faire reprendre le boulot en disant « On a essayé mais çà n’a pas marché » ?
La direction de la SNCF dans une lettre de Louis Gallois, envoyée à domicile à tous les cheminots s’exprime de la sorte :
« Je veux partager avec vous ma vision des choses et prendre auprès de vous des engagements pour vous permettre de faire votre propre choix de façon éclairée. (…) Une grève longue remettrait en cause nos acquis ; elle serait évidemment très pénalisante pour les voyageurs et en particulier ceux qui sont les plus dépendants du train ; elle bloquerait la dynamique dans laquelle nous sommes engagés ; elle pourrait briser le redressement du fret et les aides publiques que nous devons percevoir (250 millions d’Euros liés aux résultats 2005). (…)Nous ne sommes pas en train de dessiner les pointillés de la privatisation comme je l’entends dire parfois. Je vous confirme par ailleurs que le Premier Ministre, Dominique de Villepin, a exclu de la manière la plus nette tout projet de privatisation de la SNCF. (…) Vous pouvez compter sur moi pour vous dire les choses telles qu’elles sont, même si elles ne font pas plaisir, vous appeler aux évolutions nécessaires, mais aussi défendre avec force et persévérance, l’entreprise publique de service public dont nous sommes très fiers. »
Hallucinant, n’est-ce pas ?
Cependant, je me pose cette question : puisque la grève risque d’être peu suivie vu le manque de préparation, pourquoi la direction de la SNCF trouve nécessaire d’envoyer au domicile de chaque cheminot cette lettre en forme de provocation ?
Peut-être que je me trompe et que la grève sera massivement suivie, auquel cas je suis enfermé dans une réalité professionnelle qui n’est pas la même que la plupart des cheminots, puisque l’ensemble des cheminots cotoyés sur mon poste de travail disent vouloir faire une journée de grève et c’est tout ou bien que les syndicats se sont foutus de leurs gueules sur les Retraites, or de question de recommencer un conflit dur.
Peut-être aussi que les bureaucraties syndicales et la direction de la SNCF ont un intérêt commun à ce que cette grève se fasse mais qu’elle échoue (assez rapidement si possible) histoire d’atomiser encore plus les cheminots (« Vous voyez y a rien à faire, personne ne veut se battre ») et de faire passer les vrais attaques une fois le moral dans les chaussettes.
Car soyons un peu observateur de la situation politique aujourd’hui.
Vouloir faire échouer les privatisations aujourd’hui avec un gouvernement qui utilise des décrets lois pour administrer , c’est concrètement demander la démission de ce gouvernement et la convocation d’élections anticipées. Or les bureaucrates réformistes n’ont aucun intérêt à çà pour deux raisons :
1) aucune alternative de « gôche » à proposer aux travailleurs contrairement à 95.
2) La situation marquée par la révolte des jeunes des quartiers populaires risque de faire grossir les votes Le Pen.
Donc je me pose la question : une grève reconductible pour arrêter la privatisation de la SNCF, sans chance de victoire est-elle utile aux travailleurs du Rail aujourd’hui ?
(j'avais écrit çà avant le début de la grève, je travaille sur un bilan, et la position de la Fédération CGT-Cheminots).