Dossiers

15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 10:33
Dimanche 15 Juin 2008
Le Forum du Sud-Ouest s'est tenu, et c'est un succès !

Samedi 14 Juin a finalement eu lieu le forum du syndicalisme de classe et de masse du grand sud-ouest, à Agen. Entre 35 et 40 personnes y ont participé, essentiellement de la CGT, mais aussi du CGT-E Dalkia, de la FSU, et des étudiants de la FSE (Limoges, Toulouse, Pau). Et de nombreux camarades avaient fait part de leur déception de ne pouvoir être présents ce jour là.
Un succès relatif donc en termes de participation, mais surtout un succès dans le caractère fraternel et constructif des débats. Car comme dans les forums nationaux, les origines étaient diverses, de la LCR (qui avaient fourni la logistique à Agen, très réussi malgré de grosses difficultés), du blog « Où va la CGT ? », à des camarades proches du CILCA ou du CUFSC.

La rencontre a commencé par un hommage à Eric Lehericy, militant du CGT-E Dalkia de Limoges récemment décédé, car comme l’a souligné un camarade, « même si nous ne le connaissions pas, c’était un militant de notre classe, et c’était notre combat collectif qu’il représentait ». C’est donc une grande perte bien sur pour les camarades du CGT-E, mais pour tout notre combat pour la reconstitution d’un syndicalisme de classe et de masse.

Après une présentation rapide des forums nationaux ayant déjà eu lieu, et des divers collectifs qui en étaient à l’origine, la matinée a été consacrée à la discussion des difficultés actuelles du syndicalisme.
Le débat s’est développé dans plusieurs directions.

Quelle est la nature de la crise des syndicats ? A la fois une crise d’orientation et une crise de direction avec l’incapacité à renouveler les équipes qui partent en retraite. Donc un affaiblissement considérable de l’appareil (essentiel dans la CGT) qui pousse à toutes les tentatives de faire une confédération sans militants, avec seulement des adhérents et un financement de l’Etat. Une des raisons sans doute de la signature de la position commune sur la représentativité syndicale… qui continue d'ailleurs de faire des vagues dans la CGT, mais aussi la FSU et les SUD, avec l'accord similaire de la fonction publique.

Mais s’il y a également une crise d’orientation liée à ces évolutions, il ne faut pas se tromper sur la caractérisation principale : les directions syndicales, ce ne sont pas des amis qui se trompent, ce sont des ennemis qui se cachent, c’est la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier, et il doit n’y avoir aucune, mais alors aucune illusion sur la nature de cette orientation dirigeante. C’est « la lutte des classes dans la CGT » résumait une camarade ! Et encore, comme le faisait remarquer un autre participant, ennemi qui « se cache », pas toujours dans la mesure où ça commence à taper dur et ouvertement à l'intérieur de la CGT contre les oppositionnels, qu’il s’agisse d’Unions locales récalcitrantes (Douai, Agen, et beaucoup d’autres), de syndicats, de militants reconnus ou tout simplement le personnel salarié des institutions sociales gérées par la CGT.

Les camarades du CGT-E élargissaient l’interrogation à la possibilité même de poursuivre l’opposition dans la CGT, posant d’une certaine  manière la question clé : finalement, qu’est-ce qu’on veut construire avec ces rencontres ? Question partiellement sans réponse pour le long terme, dans la mesure où nous n’en sommes qu’à une phase très embryonnaire de regroupement. Par contre, pour  la période actuelle, nos objectifs sont clairs : construire un courant syndical de classe dans la CGT, dans les SUD également, pour regrouper, organiser les camarades isolés et découragés, construire une force politique réelle, à partir du terrain, des luttes et des pratiques syndicales. Après, il y a toute une interrogation sur l’ampleur du travail à engager, les responsabilités qui sont les nôtres et les capacités réelles d’y faire face.

Quoiqu’il en soit, pour tous celles et ceux qui se réclament d’une opposition syndicale de classe, l’heure est à « sortir du bois », à oser s’affronter ouvertement aux réformistes, et c’est un véritable problème, car nombreux sont les camarades qui n’osent pas faire le pas : peur de la répression interne à la CGT, peur de remettre en cause des petits privilèges acquis, peur de diviser « le seul outil » qu’il reste aux travailleurs, renforcé dans des structures qui se disent en opposition à la direction confédérale, c’est un peu tout cela en même temps. Mais cela ne peut plus durer, car sinon on va se faire manger tout cru, les uns derrière les autres. Cela dit, sortir du bois, ce n’est pas faire n’importe quoi, se poser en martyr solitaire. C’est construire le rapport de forces et le soutien des masses nécessaire pour ne pas être fusillé à la première intervention, c’est travailler sur la durée.

Ce combat n’est pas que critique de la bureaucratie et des directions. C’est aussi mener le débat contre les idées fausses qui peuvent exister au sein même des travailleurs. Deux exemples ont été donnés, d’abord sur le soutien aux sans-papiers, lutte féroce au sein de la CGT, mais débat également au sein des SUD, puisque la résolution générale d’actualité du dernier congrès de Solidaires (qui vient de se tenir) ne comprend pas un seul mot sur le soutien aux sans-papiers, ce qui fait quand même désordre, même s’il existe par ailleurs une résolution spécifique sur le sujet.

Et long et riche débat sur la défense de l’emploi et les difficultés autour des licenciements et des délocalisations. Défendre les contre-plans ? Défendre la nationalisation autour de l’illusion de la protection de l’Etat contre le chômage ? Et à propos, le service public peut-il être défendu « comme ça » ? Défendre le « Zéro licenciement » avec les risques de la radicalité et donc de répression que cela comporte ?
Que penser des SCOP, est-ce un moyen de récupérer le travail ouvrier ? Comment s’opposer au « bâton de merde » que sont les GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) tartes à la crème réclamées par tous les réformistes les plus crapuleux ? Débat malheureusement seulement esquissé, mais illustré d’exemples, en particulier celui de Pont à Mousson à Fumel (47) au fil des ans. Sur ce sujet (comme sur bien d’autres) il faudra clarifier, comprendre comment défendre l’intérêt ouvrier, sans se soumettre aux lois du capital, sans rentrer dans la logique de nos ennemis.

De leur côté, les jeunes camarades de la FSE faisaient part de leur succès dans la reconstruction d’un syndicalisme étudiant de lutte, dans les perspectives de regroupement avec SUD-Etudiants qui a par exemple donné la première place aux listes communes (devant l’UNEF) à la fac de Toulouse Mirail. Sur la base de la défense des sans-papiers, du logement et contre les expulsions en Cité U, et de la recherche du lien interprofessionnel indispensable pour des jeunes travailleurs en formation, par ailleurs souvent déjà salariés. D’où le travail avec les collectifs jeunes CGT.

On le voit, un nombre de questions impressionnant en une matinée !
L’après-midi démarrait au même rythme, à partir d’un exposé de deux camarades de Renault Trucks de Limoges sur le travail qu’ils font dans l’entreprise, qui vient d’ailleurs de les mener à 91% des voix dans le collège ouvrier aux élections professionnelles !
Les camarades exposaient leur conception du rôle du syndicat et de la place de la démocratie ouvrière. C'est-à-dire un travail syndical en profondeur, l’exposé des positions du syndicat par le labourage du terrain au quotidien, mais la remise de la décision finale dans les mains des travailleurs eux-mêmes, et le respect de cet avis par le syndicat, quel qu’il soit.
Le débat, contradictoire mais fraternel, permettait de préciser la distinction à faire entre période de lutte et période « à froid », de préciser le rôle de l’Assemblée Générale des grévistes et du comité de grève, à la suite d’ailleurs des positions déjà abordées par les Forums nationaux. Là encore étaient abordées toutes les variantes à analyser au cas par cas, montrant que la démocratie est une question de classe et qu’elle se traite dans des situations concrètes : comment on doit s’opposer aux référendums patronaux, à la démocratie formelle de la bureaucratie syndicale, comment on doit populariser la démocratie directe dans la lutte, comment le syndicat doit toujours avoir sa position propre sans se mettre au cul des travailleurs. L’accord se faisait pour préciser que le débat était bien de s’opposer au syndicalisme de collaboration de classe qui impose par toutes les voies possibles les choix réformistes aux travailleurs, en valorisant le syndicalisme de classe, qui remet au travailleur lui-même son destin en main, dans la clarté de la critique capital, qui remet en cause la division entre travailleur manuel qui exécute et obéit, et travailleur intellectuel qui réfléchit et décide… Division développée par le capitalisme lui-même et entretenue par les réformistes de tous poils.

Un deuxième exposé des camarades de l’UL CGT d’Agen montrait comment les camarades étaient passés de la passivité à la résistance, puis à l’affrontement contre les positions réformistes de l’Union Départementale, jusqu’au changement des serrures… Le débat tournait alors autour des difficultés des Unions Locales, de  la nécessité de tisser des liens un peu partout

Enfin, la discussion de l’après-midi s’achevait par les perspectives et, après discussion, par quelques décisions, modestes dans un premier temps, mais correspondant aux besoins pour poursuivre le travail :
  • rédaction d’une courte résolution finale du forum à adopter par les participants
  • centralisation d’une liste d’adresses mails des participants (ouverte bien sûr à de nouveaux camarades) pour faciliter la circulation et l’échange d’informations
  • réalisation à la rentrée de réunions départementales de travail (compte tenu de la très grande taille de la région, 500 km de Pau ou Bayonne à Limoges !) pour organiser ensuite un nouveau forum vers la fin de l’année ou début 2009
  • mise en place d’un petit collectif d’animation pour centraliser, faire circuler l’information, organiser les futures rencontres, faciliter les contacts.
Avec en perspective l’apparition comme force syndicale de classe organisée, le soutien aux luttes et contre la répression. Une question non résolue, mais sur laquelle il faudra revenir : le forum du sud-ouest, un regroupement de collectifs ou d’organisations, ou bien un collectif d’individus d’origine diverses qui travaillent ensemble ?

C’est à trois minutes près à l’heure prévue que les camarades se sont séparés, très contents de cette première rencontre, et ont pu se détendre quelques instants au soleil en partageant le pot de l’amitié.
Une très bonne rencontre donc, du sérieux, du syndicalisme de terrain, de l’optimisme et la pêche de la jeunesse (les jeunes représentaient largement la moitié de l’assemblée), la volonté d’aller au combat sans s’en laisser compter, bref un véritable premier pas pour constituer le syndicalisme de classe dont les travailleurs ont un besoin impérieux contre l’exploitation capitaliste et pour leur libération !

Partager cet article