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12 décembre 2007 3 12 /12 /décembre /2007 15:53
Mercredi 12 décembre 2007
Grèves de l'automne : la confédération CGT tente de se justifier


Le conflit sur les régimes spéciaux a créé des tensions dans la CGT, c’est le moins que l’on puisse dire… Accusée de capitulation, de trahison, c’est bien en effet la direction confédérale assistée des directions fédérales qui a organisé la reprise du travail en sous main, sans avoir rien obtenu sur des revendications d’ailleurs jamais vraiment défendues.

Des vagues, c’est sûr. A la RATP, chez les cheminots, ces tensions ont mené (au-delà des prétextes langue de bois traditionnels dans la CGT) à l’annulation des journées de grève des 12 et 13 décembre par crainte d’un bide colossal du fait du découragement et de la démobilisation. Ce n’est bien sûr pas admis ouvertement, mais tous les militants savent bien la réalité…

Attaquée en interne et en externe, sur sa gauche (par les grévistes combatifs), sur sa droite par les courants les plus réactionnaires qui se remobilisent, félicitée par tous les réformistes, de Hollande à tous les médias, jusqu’à Sarkozy et Fillon, la Confédération se justifie.
Dans une adresse aux syndicats, datée du 5 décembre, et qui arrive en ce moment dans les syndicats, la CE Confédérale justifie  la position de la Confédération. C’est un document intéressant, qui marque la radicalisation réformiste de la direction de la CGT. Un réformisme assumé, justifié sur les positions du 48ème Congrès, affirmé contre les oppositions et les contestations.

Toute la première partie vise à valider l’attitude de la CGT au nom des positions du 48ème Congrès, implicitement contre tous celles et ceux qui les rejettent. On peut imaginer que dans les semaines et mois à venir cette CFDTisation va s’accentuer, de plus en plus explicitement contre tous les syndicalistes de classe. Prenons-en quelques passages (le texte intégral est disponible ici).

« La CGT a joué un rôle majeur pour positionner les attentes des salariés sur le devant de la scène sociale. Ceci explique pourquoi elle fait l’objet d’attaques multiples qui se concrétisent dans les médias. Cette campagne tente de décrédibiliser la CGT et de la déstabiliser en son sein, soit en tentant d’opposer des dirigeants de la CGT entre eux, ce qui a conduit à la déclaration du Bureau confédéral condamnant vigoureusement les attaques diffamatoires, soit en dévoyant la démarche syndicale adoptée au dernier congrès »
Ceux qui ont tenté d’opposer B.Thibault et D. Le Reste sont ceux qui ne connaissent rien à la CGT. Qu’ils se soient opposés sur le référendum constitutionnel est une chose, mais ils sont tout à fait d’accord sur l’essentiel, le syndicalisme de collaboration de classe,  la reconnaissance de la CGT comme syndicat responsable et raisonnable. D’ailleurs, en passant, cela montre la limite du contenu du NON à la constitution européenne… Quant à la campagne pourrie de France-Soir, elle est tombée tellement à point pour redorer l’image de la CGT juste après la trahison qu’on se demande « à qui profite le crime ?»… Et puis franchement, le petit chat de Thibault, on s’en fout un peu (même si on aime bien les chats !). L’essentiel de l’attaque est le parallèle qui est établi ici entre les attaques externes (des secteurs les plus réactionnaires) et les opposants internes (syndicalistes radicaux le plus souvent). On va bientôt arriver aux « agents du patronat » de triste mémoire, d’ailleurs la CGT cheminots a quasiment franchi le pas dans sa CE fédérale du même 5 décembre… Le fond est bien entendu la dernière formule : la démarche syndicale adoptée au dernier congrès, c'est-à-dire la CFDTisation de la CGT.

« En effet, c’est bien la mise en œuvre de notre démarche – articulant contestations, mobilisations, propositions, consultations et négociations – ainsi que l’unité d’action, qui est au cœur de l’enjeu ».
Syndicalisme rassemblé, négociations au cœur de l’action syndicale. La lutte des classes avait disparu du vocabulaire de la confédération, c’est même la notion d’imposer un rapport de forces qui disparaît. Il ne s’agit plus que de convaincre de la justesse des arguments syndicaux un patronat et un gouvernement qui font un peu la sourde oreille. Pour peu que l’on négocie, pour peu que l’on discute, on finira par se mettre d’accord, voilà la logique de la collaboration de classe…

« Ces très fortes mobilisations que nous avons construites, avec les salariés directement concernés par les régimes spéciaux, ont permis de mettre en échec la publication imminente des décrets par le gouvernement »
Diable, quelle victoire ! Comment peut-on nous prendre autant pour des imbéciles ? La mobilisation n’a rien mis en échec du tout, puisque l’essentiel des mesures actuellement annoncées dans les « négociations » l’étaient avant la grève. On peut aussi imaginer une double tactique de Sarkozy/Fillon (pratiquée encore récemment par ailleurs avec Rama Yade à propos de Kadhafi) : d’un côté on prend une position médiatique qui « passe » bien (on va négocier, on multiplie les réunions, on caresse les syndicats dans le sens du poil, on se félicite du caractère constructif etc.) et de l’autre on ne lâche rien sur le fond qui ne soit déjà prévu au départ. Vieille tactique patronale qui permet de faire avaler des couleuvres grosses comme des boas aux dirigeants réformistes, et surtout d’empêcher la mobilisation et l’organisation du combat pour la classe ouvrière et les travailleurs.
Tant que nous ne nous serons pas débarrassés de ces dirigeants, nous aurons le même problème. La question est donc bel et bien, non pas d’imaginer pouvoir pousser ces dirigeants à la lutte, mais de rompre avec eux, de gagner notre indépendance de classe contre eux.

« A l’opposé de toute volonté de globalisation, cette démarche permet la construction d’un climat revendicatif où les batailles des uns nourrissent celles de tous et développent les convergences et les solidarités.
Notre démarche consistant à articuler contestation, mobilisation, proposition, consultations et négociations montre donc, à l’épreuve des faits, son efficacité»
Au moins, les choses sont claires. Mais elles sont compréhensibles : dans la mesure où le monde dans lequel nous vivons ne peut plus être radicalement changé, où la mondialisation, la guerre économique, le profit et les hausses de productivité sont acceptées comme inéluctables, on ne peut plus qu’améliorer à la marge, au cas par cas, secteur par secteur. On peut noter que c’est d’ailleurs cette même vision qui a conduit B.Thibault et la Confédération à accepter les négociations entreprise par entreprise qu’ils prétendaient refuser…
Les syndicalistes de classe considèrent eux qu’il y a une attaque centrale et unifiée du patronat et du gouvernement pour moderniser l’impérialisme français et le rendre plus agressif et performant dans la guerre économique mondiale.  De ce point de vue,  la riposte est claire : à attaque générale, riposte générale. Ou au moins, préparation d’une riposte générale. Par l’unification sur des mots d’ordre généraux, la coordination, les regroupements, contre l’isolement et le corporatisme.
Quant à l’épreuve des faits revendiquée par la Conf', c’est la méthode Coué… La « méthode » de la Confédération a fait une seule preuve pour la classe ouvrière et les travailleurs : celle de la trahison et de l’échec. Nous mettons au défi quiconque de nous prouver le contraire, cahier de revendications et résultats comparatifs à l’appui, point par point.

« Notre démarche incarne un syndicalisme nouveau, elle permet aussi un autre regard de l’opinion publique sur la CGT, bouleverse le paysage syndical jusqu’ici perçu comme étant constitué de deux pôles, l’un de contestation, l’autre de négociation. […]
Ce que nous avons réussi à faire bouger a conduit le président de la République lors de son allocution télévisée à reconnaître la place des organisations syndicales. »
Voilà le fond de l’affaire et le seul résultat concret de la grève : faire reconnaître la CGT comme syndicat réformiste et responsable.

La deuxième partie du document est plus classique. Le fourre-tout habituel où on se gargarise des succès de la période, où tout va de l’avant, vieille tradition aussi de traficotage de la réalité pour faire passer un échec en victoire. Il est en tous les cas absolument certain que s’il y a plus de luttes en ce moment, ce n’est pas le fait de la confédération, mais le fait de la colère des travailleurs, de la classe ouvrière, des militants syndicaux de base honnêtes !
Suit tout un développement sur les questions des retraites, des salaires, du marché du travail etc. Pas très intéressant ni très nouveau.

A noter quand même un paragraphe croustillant aujourd’hui (le 12) que l'on peut lire avec le sourire :
« Concernant les régimes spéciaux, les trois négociations tripartites sont ouvertes. La journée d’action unitaire du 12 décembre 2007 chez les cheminots et à la RATP constitue une étape importante dans le processus engagé dans les négociations dont le terme est prévu pour le 18 décembre 2007. Ce nouveau temps fort confirme bien que nous sommes dans une phase déterminante du conflit ».
Au bilan, il n’y avait pas de journée unitaire, mais deux jours différents, le 12 à la RATP, le 13 à la SNCF. Pas d’unité syndicale du tout. Et au final des journées annulées pour risque de bide colossal… Voilà la notion de « temps fort », de « phase déterminante » pour la confédération… Gag !
Mais il faut être vraiment coupé de la base pour imaginer une telle ineptie. Chaque gréviste un peu conscient, chaque syndicaliste un minimum sérieux sait que lorsqu’on reprend le travail après 9 jours de grève sans rien avoir obtenu, on ne repart pas comme cela sur une journée bidon. L’annulation était prévisible, au départ, c'était absolument évident !

En résumé, un document clair et net. Les syndicalistes de classe doivent comprendre que l'ennemi est dans nos rangs, et qu'il faut les chasser, sinon nous serons marginalisés ou réduits au silence !
Dans l'immédiat, nous invitons tous les mililtants à sortir de leur isolement et de leur division pour participer au

Deuxième forum pour un syndicalisme de classe et de masse
Samedi 12 janvier - de 9h00 à 18h00
au CICP - 21ter rue Voltaire - 75011 PARIS

 

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