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1 février 2017 3 01 /02 /février /2017 14:41

Mercredi 1er février 2017

Reprise du procès AZF : intervention de la FNIC le 23 janvier

 

Le procès AZF a repris à la Cour d’Appel de Paris, et il est prévu de durer jusqu’au mois de mai. On va donc en entendre reparler (il a repris hier avec les interventions des experts).

 

Nous publions ci-dessous l’intervention de la Fédération de la Chimie, faite lors du rassemblement devant la Tour Total à La Défense, le 23 janvier. Une bonne intervention, dans la lignée des positions défendues par la fédération depuis l’origine.

 

On notera trois choses essentielles :

  • La dénonciation totale de la chaîne de sous-traitance qui a mené à l’accident, avec la revendication d’interdiction de la sous-traitance dans les sites Seveso 2 (on rappelle que la FNIC est en général – et pas seulement pour les sites Seveso 2 - pour l’interdiction de la sous-traitance, ce qui aurait pu être rappelé ici).
  • La dénonciation de tous les dérivatifs, embrouilles, nuages de fumée, complots imaginaires détaillés par Total et ses complices pour escamoter sa responsabilité dans l’accident. C’est vraiment une honte…
  • Avec une bonne introduction sur la nature de la démocratie et le rôle de la justice « selon que vous soyez puissants ou misérables », une justice de classe donc, au service des exploiteurs, dans les entreprises et au gouvernement…

La déclaration de la FNIC, reprise du site fédéral, sauvegardé ICI :


INTERVENTION A LA CONFERENCE DE PRESSE CGT DU 23 JANVIER A PROPOS DE LA CATASTROPHE DE TOTAL/AZF.


QUELLE JUSTICE DANS NOTRE PAYS ? C’est la question qui interroge compte tenu de l’évolution qui est donnée dans le pays par des lois de plus en plus répressives pour les uns et très conciliantes envers d’autres.

 

Mieux vaut tuer des dizaines de milliers de travailleurs avec l’amiante, provoquer des catastrophes industrielles et environnementales comme à Toulouse, dilapider 400 millions d’argent public comme l’a fait Christine Lagarde que de protester contre des plans de licenciements chez GoodYear ou Air France ou encore être SDF et voler des pates ce qui conduit à une peine de prison ferme et à des jugements expéditifs.

 

Plus de 1700 militants CGT ont été traduits devant les tribunaux ces derniers mois pour avoir mobilisé les salariés et la population contre la loi travail :

 

Faire vivre la démocratie, faire exprimer la contradiction dans un débat devient chose inacceptable et non tolérée pour ceux qui disposent de tous les pouvoirs dans le pays.
Lorsqu’un gouvernement utilise son pouvoir pour étouffer la voix de son peuple, peut-on considérer être en démocratie ?

 

Imposer une loi sans débat avec les parlementaires élus par le peuple relève-t-il d’un processus démocratique ou bien de la dictature ?

 

Imposer une loi contre l’avis de la majorité de la population, contre la majorité des organisations syndicales représentant les salariés, ce sont des actes intolérables qui n’ont pas leur place dans le pays qu’hier encore on pouvait nommer « le pays des droits de l’homme ».

 

Les droits et les libertés sont en danger grave et imminent dans le pays : les idées nauséabondes empreintes de replis, de racisme, ne sont pas développées par hasard : elles se nourrissent des colères d’injustices sociales crées par les employeurs.

 

Elles se nourrissent des politiques qui refusent de répondre par des actes aux aspirations des salariés. Elles se nourrissent des espoirs abusés de cette classe ouvrière sans cesse martyrisée par l’exploitation des employeurs dans l’entreprise, puis par ces politiques asservies aux multinationales.

 

Conduire ces colères dans cette impasse dangereuse des idées d’extrême droite relève de la stratégie du pire pour la population, les salariés, seuls les multinationales y trouvent leur compte, elles sont habituées à faire des affaires avec bon nombre de dictatures.

 

Ces choix de société ne sont pourtant pas inscrits dans le marbre : notre syndicalisme CGT doit prendre toute sa place pour aider les salariés à s’approprier ces enjeux.

 

Pas question de revivre au gré des illusions du moment, suivies de désillusions, ne restons plus spectateurs à écouter les bonnes paroles d’individus plus préoccupés par leur carrière que par la volonté de changer les choses, mais devenons acteurs de nos vies en exigeant, revendiquant des avancées sociales, de la justice sociale.

 

C’est bien parce que la CGT reste un rempart fort dans le pays qu’il est attaqué avec l’objectif d’étouffer la voix des salariés.

 

Comment peut-on justifier que dans une Cour un employeur qui est reconnu coupable pour la mort de 2 jeunes salariés s’en tire avec 12 mois de prison avec sursis et une amende tandis que des militants syndicaux sont condamnés à 24 mois de prison dont 9 fermes alors qu’ils n’ont rien fait d’autre que de défendre leur entreprise, leurs emplois ?

 

Il n’y a toujours pas aujourd’hui un seul procès au pénal d’employeurs responsables de la mort de nombreux salariés à cause de l’amiante dans notre pays, et cela après plusieurs décennies et malgré de multiples dépôts de plaintes.

 

Aujourd’hui en France, il n’y a pas un accident mortel du travail sur 10 qui donne lieu à sanction pénale et en moyenne seulement un par an qui donne lieu à une peine de prison effective.

 

Verra-t-on enfin, avec ce nouveau procès, une justice digne d’une véritable démocratie ?

 

En tout cas 15 ans se sont déjà écoulés. Le nouveau procès qui va s’ouvrir l’est en Correctionnelle et pas aux Assises et pour l’instant, la direction générale de TOTAL n’est pas inquiétée.

 

Une direction de TOTAL qui accueille, avec tapis rouge, les dictateurs sans aucun scrupule, du moment que ça leur rapporte du fric, mais qui refuse l’accès de véhicules de la CGT dans ce parvis à l’occasion de cette conférence de presse publique destinée à informer sur les enjeux de classe de ce procès qui doit juger les responsables de cette catastrophe AZF qui aura tué 31 personnes et dont la responsabilité de TOTAL est avérée par tous sans être sanctionnée à ce jour.


RAPPEL DE l’IMPORTANCE DE L’EXPLOSION DE L’USINE AZF.

  • 10 décès de salariés de grande Paroisse.
  • 12 décès de salariés de sous-traitants sur site
  • 8 décès dans la population, principalement dans les usines avoisinantes.
  • Plus de 11 000 dommages corporels recensés immédiatement et dans les mois qui suivent.
  • 59 écoles endommagées, 55.000 logements touchés, etc….

Et la fermeture de l’usine avec des emplois directs et indirects supprimés.


L’ORIGINE PRECISE DE L’ACCIDENT :

Cet accident est lié avant tout à l’organisation du travail, avec la volonté de sous-traiter au maximum les activités sur le site sans se soucier de la cohésion indispensable d’une même collectivité du travail, face, précisément aux risques majeurs, sans se soucier de la formation, de l’expérience et savoirs…

 

La direction qui voyait les « fines d’amonitrates » comme des rebus de production, a confié cette gestion à une entreprise non spécialisée à qui l’information sur les risques n’a pas été donnée. Elle a laissé cette entreprise en pleine auto-gestion au point que c’est celle-ci qui avait installée elle-même l’électricité dans le hangar. De plus, du personnel précaire était utilisé. Le nettoyage, la récupération et le transport des déchets, qui ne devaient pas être mélangés, étaient confiés à d’autres entreprises extérieures avec le même niveau d’ignorance qui s’est ainsi additionné au précédent.

 

Comme l’écrira l’inspectrice du travail « la multitude d’intervenants et l’absence de procédures de contrôle de leurs interventions ont introduit un espace non connu du donneur d’ordre sur le site, d’où découle qu’il a perdu la maîtrise de la sécurité sur une partie du site ».

 

C’est cela la politique de recentrage sur le cœur de métier imposé comme règle de gestion par le groupe TOTAL dans ses filiales.

 

Dans les différentes réunions de CE et de CCE, le syndicat CGT alertait sur cette sous-traitance au moins disant, la perte de savoir-faire, le manque de formation. Elle a aussi alerté la DRIRE dès 1990, sur les carences que l’on va retrouver dans les motivations du juge d’appel en 2012.

 

L’ATTITUDE DE TOTAL DEPUIS LE DEBUT : LA NEGATION

Dès le premier jour, Total a utilisé l’attaque des tours jumelles à New York, qui s’était produit quelques jours plus tôt.

 

Total tentera d’alimenter toutes les hypothèses, à la condition qu’elles les dégagent des ses responsabilités : Dysfonctionnement EDF, arc électrique, première explosion dans une usine voisine, météorite, aéronef, exercices militaires, etc…

 

Aujourd’hui Total, avec ses relais, cherche à orienter les regards vers la circulation de l’eau dans la nappe phréatique.

 

Des moyens illimités sont donnés par Total, depuis 15 ans, pour arriver à se dédouaner sur le plan juridique, médiatique.

 

POURQUOI UN NOUVEAU PROCES 15 ANS APRES ET A PARIS ?

Le contenu du jugement en appel et la clairvoyance des juges, en première instance comme en appel, sur ce qui a conduit à la catastrophe, ne pouvait que déplaire à Total, même si le niveau de condamnation restait insuffisant avec 225 000 euros d’amende pour la société Grande Paroisse et 3 ans de prison dont 2 avec sursis, pour le directeur local.

 

Il est nécessaire que notre Code pénal soit complété par la création de la qualification de crime industriel pour des drames comme celui de l’amiante, celui de Toulouse, l’utilisation de navires hors d’état, les contaminations (Nutréa Tryskalia, Environnement Recycling…) et les pollutions délibérées.

 

Les pouvoirs publics font le service minimum sans remettre en cause les intérêts financiers de TOTAL :

  • Si l’explosion AZF a marqué un temps d’arrêt sur les passages à la sous-traitance, la réduction des moyens de secours, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
    La commission d’enquête parlementaire avait sorti 90 propositions intéressantes, mais la loi dite Bachelot n’en a repris que quelques-unes sous forme de demi-mesures. Aujourd’hui, celles-ci sont annulées, inappliquées ou dévoyées.
  • Les CLIC, comités locaux d’information et de concertation sont transformés en CSS, comités de suivi de site, où on a le droit de bavarder mais pas d’exiger.
  • Les débats sur les PPRT, plans de prévention des risques technologiques, sont centrés uniquement sur les dispositions immobilières pour le voisinage et mettent de côté la suppression du risque à la source.
  • Les CHSCT élargis sont, la plupart du temps, réduits à des lieux d’audience pour diffuser le discours patronal.
  • Les inspecteurs des DREAL, qui ne sont pas indépendants, n’écoutent pas suffisamment les représentants du personnel et ne viennent presque jamais aux réunions de CHSCT.
  • Les POI, plans d’opérations internes, qui consistent à se préparer en cas de sinistre important, ne sont pas mis en oeuvre car ils impliquent de prévenir les autorités.
  • En 2009, l’autorisation préalable au fonctionnement des installations classées est en partie supprimée, ce qui permet aux autorités de ne plus se mouiller sur des exigences de sécurité.
  • Il y a un an, Ségolène Royal convoque les patrons pour discuter de la protection des sites sensibles mais n’invite pas les représentants des salariés qui eux pourtant, auraient pu en dire beaucoup sur la situation réelle sur les sites.


LA SITUATION DANS LES ENTREPRISES AUJOURD’HUI C’EST COMME SI L’EXPLOSION AZF N’EXISTAIT PAS :

  • Suppression des effectifs d’exploitation et de surveillance (ex Total, fuite d’éthylène chez Total Gonfreville).
  • Attaques sur les services sécurité et les effectifs de pompiers.
  • Projet Air Liquide (des usines Seveso 2 sans salariés, le tout numérique au service du tout fric reste la priorité).
  • Poursuite des passages à la sous-traitance et poursuite de la précarité.
  • Non-respect de la réglementation du travail et impunité pour les employeurs.
  • Camouflage des accidents et incidents graves, refus de déclencher le POI (Plan d’Opérations Internes).

Tel est le lot quotidien pour les militants CGT qui agissent avec leurs petits moyens pour protéger les salariés, les installations.


LES REVENDICATIONS DE LA CGT :

Sur la citoyenneté à l’entreprise,

Cela inclut le droit d’expression, le droit de donner des informations et de saisir les autorités compétentes. C’est tout le contraire de ce que nous vivons chez Total et ailleurs avec le chantage à l’emploi (ex lors de la fuite d’éthylène) et avec de nouveaux règlements intérieurs qui entendent imposer la confidentialité sur tous les sujets. La fonction de lanceur d’alerte ne franchit pas les portes de l’entreprise.

Sur les effectifs et la formation,

Les personnels dans l’entreprise doivent être considérés comme des sentinelles face aux risques majeurs. Aujourd’hui ce n’est pas le cas. La formation professionnelle pour le personnel embauché est complètement orientée et celle du personnel sous-traitant n’existe que sur des morceaux de papier, mais pas dans la réalité.

Sur les travaux de maintenance, de logistique,

Puisque la sous-traitance entraîne un transfert et une augmentation des risques, il convient de la réduire et l’interdire pour les activités permanentes: La FNIC CGT demande l’interdiction de la sous-traitance sur tous les sites SEVESO avec l’obligation d’accord entre CE et CHSCT avec l’employeur sur le recours à la sous-traitance et son encadrement en matière de sécurité au sein de l’entreprise.

Sur la sécurité et les moyens de secours,

Avoir du personnel dont c’est le métier, distinct du personnel d’exploitation, sur tous les sites SEVESO. En finir avec l’allongement des cycles de production.

 

Demain s’ouvrira pour la 2ème fois donc le procès pour définir les responsabilités sur la catastrophe AZF, un procès qui durera 4 mois et qui demandera beaucoup d’engagement militant face aux moyens financiers gigantesques de la multinationale TOTAL qui manoeuvre à masquer ses responsabilités.

La FNIC CGT, ses militants resteront pleinement engagés en assurant à TOTAL que quelle que soit la décision, la CGT apportera aux salariés, à la population, toute la vérité sur sa culpabilité dans la mort des salariés, dans les préjudices des milliers de victimes, une tâche qui restera gravée dans la marque commerciale de TOTAL et que la mémoire de la classe ouvrière fera vivre.

 

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