Jeudi 7 juillet 2022
Pour la régularisation des sans-papiers, la CGT s’appuie sur… Valls et les petits patrons !!!
Le Monde du 29 juin vient de faire paraître un article sur la pression de certains employeurs pour simplifier la régularisation des travailleurs sans-papiers face à la pénurie de main d’œuvre (voir article ci-contre à droite). Article où ils se gargarisent de l’aide et de l’efficacité de la CGT dans ces procédures complexes auprès des préfectures.
Alors oups, déjà on s’interroge : des petits patrons progressistes ? Ou plutôt des patrons qui cherchent une main d’œuvre surexploitable, à des salaires et des conditions de travail que les travailleurs français refusent désormais ? La réponse est dans la question – et dans l’article aussi entre les lignes.
Mais revenons à la CGT. Ce qui est quand même une dérive un peu malsaine n’est que la continuité de la pratique de la CGT avec les sans-papiers depuis des mois. Plus d’Acte I, II, III ou autres comme dans le passé, signe d’une mobilisation que l’on imaginait croissante et victorieuse (voir notre dossier « La CGT et le soutien aux sans-papiers »). Simplement une sorte de routine, sur la base de « bonnes pratiques », définies en fait fin 2012 et validées seulement début 2021 par la CE Confédérale.
Résumons : en s’appuyant sur la colère et le désespoir de nos camarades démunis de tous droits, les militant.e.s de la CGT sélectionnent celles et ceux qui remplissent les critères de la circulaire Valls de 2012, préparent les dossiers administratifs qu’ils vont ensuite déposer en préfecture – dans lesquelles ils ont d’ailleurs leurs entrées. On connaît telle responsable confédérale qui se gargarisait d’avoir le 06 de Darmanin…
C’est-à-dire que la CGT se comporte en auxiliaire de travail social, à peine nuancé par un soupçon de vernis de lutte comme on a pu voir la « grève » d’octobre dernier qui s’est achevée sur un cri de victoire à peine une semaine après avoir été déclenchée (voir l’article paru dans le dernier numéro d'Ensemble ICI).
Pour info, avec ou sans CGT, les régularisations par le travail selon la circulaire Valls, c’est à peine 8000 cas par an.
Alors il se trouve des militants pour se féliciter de ces succès, au nom du « c’est mieux que rien », « au moins ceux-là ont des papiers ». Bien sûr. Mais tous les autres, qui ne rentrent pas dans les critères, sont abandonnés à leur triste sort.
Comme par exemple les grévistes sans-papiers de RSI, DPD et Chronopost, filiales de La Poste, en grève depuis le même moment fin octobre 2021 (oui, ça fait sept mois), soutenus par Solidaires et le CTSPV (voir tract ci-contre à droite). Alors eux, c’est pas en une semaine avec le 06 de Darmanin que ça se règle. C’est classe contre classe face aux préfets et à une grande entreprise d’Etat. Ce qui prouve que la petite grèvounette de fin octobre 21 de la confédération n’était qu’un sketch destiné à la frime.
Mais c’est une vieille histoire. Déjà, en 2012 la CGT n’avait pas critiqué sérieusement la circulaire Valls, en y voyant des « avancées », en espérant y « exploiter des failles », « trouver des brèches », « forcer le passage », y « gagner de nouveaux droits » auprès des préfectures. Alors que toute la presse et toutes les associations dénonçaient le verrouillage évident. Nous invitons tous les lecteurs sceptiques, ou qui ne connaissent pas bien l’évolution historique des événements à relire l’article que nous avons publié à l’époque (en cliquant sur l’image ci-dessous).
La CGT est complètement rentrée dans le « cas par cas » refusé par les sans-papiers les plus combatifs, celles et ceux qui veulent une régularisation générale et qui se retrouvent dans les collectifs de sans-papiers que d’ailleurs la CGT a toujours refusé de soutenir.
Depuis, elle n’a cessé de suivre cette piste, à chaque fois en sélectionnant les heureux élus (qui remplissent les critères) et en rejetant les autres. Il se passe alors ce qui doit se passer : l’affrontement avec les abandonnés, les laissés pour compte, celles et ceux qui ne réunissent pas les critères, et c’est ce qui s’est produit avec les livreurs ubérisés de Frichti, dont une partie s’est retrouvée abandonnée en juillet 2020 (ce que la CGT a reconnu officiellement, voir le communiqué)… La responsable confédérale se sentait ainsi « chiffonnée » en août 2020 d’être critiquée pour ce tri sélectif, mais voilà à quoi on aboutit logiquement quand on rentre dans le rang.
D’ailleurs la même année, la CGT a publié une plaquette d’aide aux organisations pour aider à la mise en œuvre des régularisations (https://www.cgt.fr/livret-migrants et sauvegardée ci-contre). En soi, l’idée n’est pas mauvaise. Le problème c’est que cette plaquette n’a plus rien de syndical, n’est que l’actualisation des documents similaires réalisés dans le passé par RESF, la Cimade, le GISTI ou d’autres. Oh, elle n’est pas mauvaise, les camarades y trouveront des choses utiles. Mais, après une introduction ronflante, ils chercheront en vain un fil directeur revendicatif, l’organisation de la lutte, le développement de la solidarité, la construction d’un rapport de force. Non, c’est une plaquette d’aide sociale humanitaire et associative quelque peu radicale, mais sans vision syndicale.
Et il se trouve des syndicalistes de lutte pour se féliciter de ces positions…
C’est la même logique que l’utilisation de la circulaire Valls, ou le contenu de l’article du Monde. On exploite les failles, jusqu’à s’appuyer sur les contradictions du capital, mais de syndicalisme de classe avec nos camarades les plus précaires et les plus exploités, non.
On est en plein dans le réformisme syndical que nous dénonçons à juste titre sur d’autres sujets à la CFDT ou à FO.
De recul en raisonnable, la CGT en arrive ainsi à abandonner les fondements de la lutte des classes…
Ce qui ne l’empêche évidemment pas de multiplier les déclarations ronflantes sur la régularisation par le travail et l’unité de la classe ouvrière… Voir par exemple la dernière déclaration en date du 4 juillet.
Espérons que la mobilisation de nos camarades sans-papiers, viendra ébranler et mettre à bas ce réformisme syndical d’accompagnement pour reconstruire un vrai rapport de forces, pour la régularisation complète et sans condition, pour l’égalité des droits et la libre circulation, pour l’unité de la classe ouvrière !
Notre dossier qui expose le combat pour l’égalité des droits et la régularisation, plus de 125 articles depuis 2007, nous savons de quoi nous parlons, nous en sommes partie prenante… Ça, c’est pour les chagrins qui ne vont pas aimer nos critiques :
« La CGT et le soutien aux sans-papiers »
PS : Cet article traite de la pratique récente de la direction confédérale et de son réformisme face à la régularisation des sans-papiers. Dans un futur article nous reviendrons sur ce que disent les « opposants », FSM et autres, relativement à cette question essentielle. On va spoiler vite fait : il n’y a pas un mot, rien, nada, les mots « migrants », « sans-papiers », « immigrés » n’apparaissent même pas dans le texte qu’ils proposent au débat… Alors surtout, qu’ils ne croient pas que nous sommes dupes !