Lundi 2 janvier 2012
Sans-papiers : un bilan de l'UD CGT de Paris
Nous
publions ci-contre un document rédigé par l'UD CGT de Paris et communiqué à la mi-novembre, intitulé : « Point d'étape de la situation des travailleurs Sans-Papiers grévistes à Paris
».
Il révèle (avec les détails) que sur 1478 dossiers déposés à Paris, l'UD comptabilise 590 récépissés, transformés au moment de
la parution du texte en 470 cartes.
Mais contrairement à ce que laisse entendre le titre du document, ce dernier a une portée beaucoup plus large et vaut comme un
bilan des grèves de Sans-Papiers de 2008 à 2011. Disons le franchement, la parution de ce texte nous a étonné. Lors de plusieurs moments forts où la lutte pouvait basculer, l'UD a été
silencieuse. Elle s'est régulièrement alignée sur la position confédérale, jouant les petites mains pour mettre en œuvre des décisions décidées en dehors d'elle alors que certains de ses
militants étaient parmi les plus investis.
Mais venons-en au texte.
Ce document tire un bilan négatif de la stratégie suivie par la direction de la CGT. Il prend le contre-pied du bilan
honteusement positif proposé par la direction CGT le 30 juin 2011 ("Un document de bilan de la CGT pour la régularisation
des sans-papiers").
La critique de l’UD porte sur la vision de la confédé de l'addendum du 18 juin 2010, (disponible ICI) accompagné de la lettre dite 340 (également disponible ICI). La direction confédérale avait présentés ces documents à l'époque comme enfin les textes qu'elle
attendait. Et elle persiste et signe dans son bilan du 30 juin 2011.
L'UD 75, qui était restée silencieuse l'an dernier, ne voit maintenant dans ces deux textes gouvernementaux qu'un aménagement
extrêmement limité de la circulaire Besson. Elle souligne l’essentiel : l’addendum est un ajout à un texte qui n’a pas de valeur juridique lui-même rattaché à une circulaire qui n’est ni
opposable aux tribunaux ni contraignante pour les préfectures, sans parler des engagements oraux du gouvernement dont la direction CGT s’est contentée !
Nous notions nous-mêmes sur ce blog, dès le mois de juin 2010, qu'avec l'acceptation de cet addendum, la direction confédérale
sacrifiait une partie des grévistes. Le texte de l'UD 75 considère lui aussi l'appel à lever l'occupation, puis les piquets, comme un renoncement par la direction de la CGT à se battre pour la
régularisation de tous les grévistes. Tout cela, nous le disions déjà à l'époque ("Sans-papiers : des "bonnes pratiques" pour faire stopper
le mouvement" puis "Sans-papiers : les illusions tombent !").
Le document note, comme nous le faisions, que cela a brisé le rapport de force qui existait encore et que ces levées
d'occupation ont été faites en racontant des choses fausses aux Sans-Papiers.
On peut noter que l’UD 75 a attendu près d’un an et demi après
l'occupation de Bastille, pour exprimer ces critiques publiques. Comme quoi avaler des couleuvres finit par causer des indigestions. Sans doute vaut-il mieux tard que jamais mais la bataille sur
le bilan, camarades, c'était juste après le 18 juin 2010 qu'elle avait un enjeu pour la lutte.
Le texte contient aussi une critique de « l'approche commune » avec les patrons ("Sans-papiers : la lutte continue pour
la régularisation de tous, avec ou sans circulaire"). Le bilan de l'UD montre les conséquences négatives au sein du mouvement gréviste de cette recherche d'alliance avec le patronat. En
clair, la direction de la CGT, dans l’espoir de faire signer d'autres organisations patronales, s'interdisait de déclencher de nouvelles grèves, en particulier chez les donneurs
d'ordre.
Enfin le document de l’UD expose longuement le manque de démocratie au sein de la CGT, la pratique du secret, l’opacité des
modes de décision. Mais, dirons-nous, la direction CGT faisait pareil vis-à-vis des 10 autres organisations associées au lancement de la grève (le texte de l’UD le souligne d'ailleurs). Pire
encore : les délégués sans-papiers ont été mis à l’écart des discussions avec les ministères et, chaque fois qu’ils faisaient preuve d’autonomie dans la gestion de leur mouvement, la direction
confédérale récusait leurs décisions et faisait pression sur eux en menaçant de les exclure du mouvement.
Des informations de ce genre nous en avons eu des tonnes. L'opacité, la concentration des décisions, la manipulation et les
mensonges ont accompagné toute la gestion du mouvement par la direction de la CGT. Le texte de l’UD n’en est qu’un écho amorti.
Alors, certes, les lignes ont bougé dans l'opinion publique. Les Sans-Papiers sont reconnus comme des travailleurs. Mais une
opinion publique favorable ne suffit pas au combat. Pour cela il faut des travailleurs sans-papiers nombreux dans la lutte et organisés avec d'autres travailleurs. Nul doute qu’avec les
collectifs de sans-papiers et les autres syndicats, les syndicalistes CGT aient un rôle majeur à jouer dans la poursuite inévitable de la lutte des sans-papiers, mais à condition de se
démarquer en temps réel des orientations de la direction confédérales quand elles sont nuisibles. Impossible d’ignorer que la direction de la grève par la confédération CGT, avec ses mensonges et
ses lâchages (celui des travailleurs au noir, celui des travailleurs sans cerfa...) a découragé et dispersé une grande partie des forces qui l'avaient suivies.
Par son existence même, en soulignant à plusieurs reprises que les critiques émises par l’UD de Paris étaient partagées par
d’autres structures et militants de la CGT, le texte de l’UD CGT rappelle que la CGT n’est heureusement pas un bloc monolithique. La poursuite de la lutte des travailleurs sans-papiers, comme
pour toutes nos luttes d’ailleurs, devra s'appuyer sur l’unité de celles et ceux qui les orientent dans le sens de la lutte de classes, en arrachant la direction à celles et ceux qui les mènent
dans le mur en toute connaissance de cause.
Alors la lutte continue, le mouvement des Sans-Papiers en a vu d'autres depuis St Bernard, en 1996. Des initiatives sont en
préparation. Des collectifs préparent une marche européenne. La Commission exécutive confédérale de la CGT aurait décidé un Acte III. Pas sûr cependant que les travailleurs échaudés remettent le
couvert à l'identique...
Et réaffirmons, dans cette ambiance de campagne électorale et de stigmatisation des étrangers :
LES CRITERES ON N'EN VEUT PAS
LE CAS PAR CAS ON N'EN VEUT PAS
REGULARISATION SANS CONDITION DE TOUS LES SANS-PAPIERS