Mercredi 5 décembre 2012
Circulaire Valls : leur montagne vient d'accoucher de sa souris !
Nos camarades sans-papiers n’y croyaient pas vraiment, mais dans la nuit noire de leur existence, c’était comme une lueur d’espoir bien entretenue par toutes les fables qui se racontaient dans beaucoup d’associations et à la CGT ("Comment la CGT et la Plateforme 12 "négocient" avec Valls pour les sans-papiers").
Le seul fait d’être reçue dans les salons du gouvernement, avait été présenté par notre confédération comme « un acte positif qui reconnaît à juste titre que les salariés sans titre de séjour valable sont des salariés à part entière » (lire le communiqué ICI). Et maintenant que la circulaire est sortie, dans son communiqué du 30 novembre (voir ci-contre), la confédé clame « Encore un effort ! », comme si on tenait le bon bout et qu’un avenir lumineux allait bientôt s’ouvrir pour les sans-papiers, sous réserve de juste quelques avancées supplémentaires…
Il n’y a pourtant pas de quoi pavoiser. Les sans-papiers restent ces parias donnés en pâture aux préfets qui auront toujours toute latitude pour apprécier, au cas par cas et en vertu de leur pouvoir discrétionnaire, s’ils sont ou pas assez intégrés à l’économie du pays pour lui être encore utile demain !
Comme le cadre ce sont toujours les lois Sarkozy (voir ICI une interview lucide du délégué Languedoc-Roussillon der la Cimade), la circulaire continue de considérer que la régularisation des travailleurs sans-papiers relève de l’ article L 313-14 du CESEDA intitulé : « L’admission exceptionnelle au séjour ». Le travail comme « motif exceptionnel » ou comme faisant partie de « considérations humanitaires » permettant la régularisation, est-ce cela la reconnaissance des sans-papiers comme des salariés à part entière ???
Traiter tous les sans-papiers comme des individus que les Préfets « peuvent » régulariser « à titre exceptionnel » en s’inspirant des critères proposés, voilà qui est loin de constituer une avancée, puisque c’est ce qui se fait depuis des lustres, et on en a déjà vu ce que ça donne ! D’ailleurs le résultat annoncé, et Valls s’en vante suffisamment, sera le même nombre de régularisations par an que sous Sarkozy – provoquant des aveux désabusés des associatifs qui croyaient encore au nouveau gouvernement. La présentation à France Inter le soir même de la sortie de la circulaire était limpide :
Bien sûr, « une circulaire n’est qu’une circulaire », nous dit-on ! Mais pourquoi s’être engagés sur le terrain d’une circulaire, jusqu’à en négocier les critères, en nous promettant monts et merveilles quand on sait pertinemment qu’une circulaire laisse tout pouvoir d’interprétation à l’administration (c’est justement la différence avec une loi) ?
Rappelez-vous les promesses de « critères objectifs, simples et transparents » qui devaient nous amener à l’égalité de traitement entre Français et immigrés en bannissant l’arbitraire de quelques méchants préfets ! En guise de critères clairs, on retombe pour la majorité des sans-papiers dans l’appréciation qui sera faite au cas par cas par les services préfectoraux (dont on connaît la grande mansuétude !) de la vie familiale installée ou pas, du parcours scolaire assidu ou pas, de l’intégration sociale en bonne voie ou pas, de leur façon de parler français, de leurs preuves de présence en France… (voir le texte complet de la circulaire ci-contre) Pour les travailleurs, ah oui, c’est clair ! Mais c’est une véritable usine à gaz. Il faudra slalomer pour essayer de passer ! Et surtout, même en cette période de crise et de licenciements sans compter, compétitivité oblige, ne soyez jamais chômeurs !
- 5 ans de présence : 8 mois de fiches de paye sur les 24 derniers mois, ou 30 mois sur les 5 dernières années
- 3 à 5 ans de présence : 24 mois de fiches de paye, ou 30 mois sur les 5 dernières années
- Intérimaires avec 5 ans de présence : sur 24 mois avant la demande, des bulletins de salaire équivalant à 12 SMIC mensuels et avec 910h de travail dans l’intérim dont 310 dans la boîte intérim associée à la demande + autorisation de travail en CDI ou CDD pour 12 mois de travail à venir dans l’entreprise utilisatrice ou pour l’engagement d’une boîte intérimaire de fournir un cumul de missions de 8 mois de travail sur les12 mois prochains… La confédération parle dans son dernier communiqué d’ « engagements de travail assouplis » !!! Bonjour l’avancée : souples ou pas, vous en connaissez beaucoup de boîtes intérimaires qui vont s’engager à vous procurer 8 mois de travail pour l’année à venir ????
- Autrement, sans fiches de paye et sans les durées prévues, si au moins 7 ans de présence : 12 mois de versements de salaires au cours des 3 dernières années, et vous aurez peut-être un récépissé pour aller chercher du travail… que vous aurez intérêt à trouver et surtout pour lequel votre patron aura intérêt à demander et obtenir une autorisation de vous faire travailler ! Car, ne l’oubliez pas, vous vous serez fait ficher lors de votre passage à la préfecture… et les arrestations peuvent avoir lieu au guichet désormais !
- Enfin, gare aux renouvellements des titres de séjour chaque année ! Galère assurée avec des contrôles sans fin au cours desquels vous devrez même prouver que votre patron respecte le code du travail concernant vos salaires et conditions de travail !
La confédération aurait du mal à sortir le champagne ! Elle le sait et adopte un profil assez bas en parlant d’une circulaire « qui formalise la plupart des acquis du mouvement des travailleur-e-s sans-papiers et va dans le sens des revendications de la plateforme 12 … ». Autrement dit, l’avancée significative c’est ce que Fillon-Sarkozy a laissé à Hollande !!! Bravo au gouvernement socialiste pour répéter aujourd’hui ce que les autres ont déjà dit et commencé à faire ! Pour juger de l’avancée Sarkozy, nous vous renvoyons à nos articles précédents.
Tous les articles de ce blog sur la lutte des sans papiers, ICI
Quelles perspectives aujourd’hui ?
Il va y avoir du boulot pour tous les associatifs, syndicalistes, et sans-papiers qui vont vérifier la situation des uns et des autres au regard de la circulaire ! De quoi y perdre la boussole de la lutte des classes ! Pour tous ces déçus (voir les communiqués de RESF, de la LDH, de Solidaires) qui ne peuvent que constater « tout ça pour ça », après avoir suivi sans broncher l’orientation proposée par la CGT pendant des mois et des années…
RESF se prépare et annonce vouloir se battre pour imposer aux préfectures l’appréciation la plus favorable des situations… Pareil qu’avec la circulaire Besson ? Avec quel horizon ? Si c’est celui annoncé de la lutte au cas par cas encore et toujours, assortie de la vague espérance d’une «autre politique plus généreuse », ce n’est pas tenable et le mouvement des sans-papiers n’en sortira pas grandi.
Pas tenable non plus la perspective législative du printemps prochain, avec modification du Ceseda et débat parlementaire sur l’immigration de travail dont la France a besoin, derrière laquelle se réfugie notre confédération en accord avec le gouvernement Hollande.
Avec ou sans-papiers, les travailleurs n’ont pas besoin d’une énième modification du CESEDA !
Pour forger leur unité de classe, ils ont besoin de l’abrogation pure et simple du CESEDA, de la régularisation sans conditions de tous les sans-papiers, de l’arrêt des expulsions, de la fermeture des centres de rétention, de la liberté de circuler et de s’installer dans le pays de son choix ! Non à la nouvelle loi d’exception en préparation permettant de « retenir », c’est à dire de garder à vue les sans-papiers, pendant 16h, pour préparer leur expulsion !
Notre unité, c’est dans le combat quotidien contre l’exploitation capitaliste et le racisme qu’on la forgera !
L’égalité des droits, c’est en luttant ensemble contre l’Etat xénophobe qu’on l’obtiendra !