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8 juin 2007 5 08 /06 /juin /2007 19:43
Vendredi 8 juin 2007
Meeting du 4 juin à Dunkerque sur la pénibilité :
côté pile, côté face...
Meeting 4 Juin

C’est dans une salle du Kursaal bondée que se sont retrouvés à Dunkerque plus de 1500 militants de la CGT, (dont des représentants de ce blog) pour exiger la retraite anticipée à 55 ans pour les métiers pénibles. Une mobilisation réussie, une forte participation, une ambiance de lutte. Il est vrai que le public (pour l’essentiel du Nord Pas de Calais) était un public ouvrier très concerné par les conditions de travail, en provenance de la construction, de la chimie, des transports, de la métallurgie, du verre… Bref pas un meeting plan-plan comme on en a trop vécu, mais un meeting de combat.

Les témoignages d'une vie de souffrance !

Après une intervention un peu soporifique d’une représentante départementale, nous avons entendu plusieurs interventions de la tribune, neuf salarié(e)s qui ont exposé leurs conditions de vie et de travail. Une partie forte, émouvante, terrible parfois.

Un chimiste nous a parlé des conséquences du travail posté et des agressions chimiques comme le benzène, concluant sur la défense de revendications « de classe et de masse », certainement pas une formule anodine de sa part ! Un sidérurgiste de Arcelor a rappelé les ravages de l’amiante. Une déléguée d’un centre d’appel nous a rapporté la pression terrible, permanente, de la hiérarchie dans ces centres gérés par le stress, des objectifs à atteindre à la semaine, la journée, à l’heure même. Une aide-soignante en hôpital a rapporté les horaires postés, les rappels à toute heure, la véritable souffrance qui s’installe chez le personnel. Un pompier a rappelé que bien qu’en responsabilité de la vie et de la mort de la population, que soumis à des dangers qu’on imagine, leur métier n’est pas classé à risques ( !!) et qu’il n’y a aucune retraite anticipée. Une femme de ménage a décrit les horaires découpés, l’éternel salaire au SMIC de ces ouvrières, pour une population essentiellement féminine qui vit dans des conditions impossibles, souvent des femmes seules avec des enfants à charge. Un invalide du travail, aujourd’hui en fauteuil roulant, a expliqué comment après avoir tout donné pour le travail pendant vingt ans, il se retrouve aujourd’hui abandonné de tous, y compris de la Sécurité Sociale. Enfin, une conductrice du métro a rappelé que s’il existe encore à la RATP un régime spécial de retraite, c’est aussi la contrepartie d’une vie difficile, d’horaires postés, de travail toute l’année et donc d’une vie familiale atteinte. Elle a aussi rappelé à juste titre que c’est la direction elle-même qui réforme les travailleurs lorsqu’ils deviennent trop âgés pour accomplir leur métier. C’est donc bien qu’il y a réellement une pénibilité, non ?PenibSG.jpg
Pour conclure, un délégué de la construction a rappelé que si ce secteur est si mobilisé sur le sujet, c’est que l’espérance de vie des ouvriers dans le BTP est inférieure de 5 à 7 ans à la moyenne nationale, et que la retraite anticipée n’est que légitime !

Des témoignages qui prennent aux tripes, on comprenait que la pénibilité du travail ce n’est pas une simple formule, c’est une réalité terrible pour la classe ouvrière. Ces représentants dénonçaient le travail de nuit, les agressions du travail, les horaires hachés, le stress et toutes les variantes de la pénibilité. D’une certaine manière, ces descriptions montraient bien que la vie du capitalisme est barbare, que ça ne peut pas continuer comme ça, qu’il faut que ça change. Que la retraite anticipée, bien sûr, ne serait que justice, mais qu’avant tout c’est l’exploitation qui est en cause. Au travers toutes ces interventions, on voyait en transparence l’aspiration à un monde différent, libéré de toutes ces souffrances, de cet enfer quotidien.

L’intervention de Bernard Thibault

On aurait pu s’attendre à pire. Après un discours raccroché à l’actualité politique avec  l’élection de Sarkozy (la seule partie qu’a retenue la presse…), Thibault est passé au sujet du jour, en s’appuyant sur l’assistance et l’ambiance de lutte. Il a salué les victimes de l’amiante, du stress, l’usure des travailleurs tués prématurément à la tâche, ceux qui passent directement de l’usine au cimetière, saluant au passage l’unité des travailleurs, qu’ils soient français ou immigrés. Bref, un discours qui donnait l’impression de mobiliser, d’être offensifs contre la droite et le MEDEF.
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Mais au retour en voiture, en réfléchissant à quelques uns, on se disait : quels débouchés donne-t-il à la mobilisation ? Et bien en fait un seul : la retraite anticipée à 55 ans pour les travaux pénibles.

Pas un mot sur les conditions de travail elles-mêmes. Sur la suppression du travail de nuit, du travail à la chaîne. Sur la fin du harcèlement et du stress provoqués, sur les remplacements des départs en retraite pour ne pas surcharger ceux qui restent, la baisse des cadences, le retour à des horaires de travail décents, sur l’usure physique. Non, même pas une allusion. Ainsi, c’était largement en retrait par rapport à la position définie par la CGT en février 2005, qui situait quand même la retraite anticipée en relation avec la transformation des conditions de travail.
Si on voulait résumer par une formule, on ne change rien à l’enfer d’aujourd’hui, mais on vous promet le paradis de la retraite cinq ans plus tôt…
En gros, Thibault a très bien su s’appuyer sur la combativité de la salle, sur des témoignages particulièrement forts pour limiter la contestation et diriger la colère vers une revendication qui, d’une certaine manière, est acceptable par le patronat. Et oui, désolé de le dire, c’est  la vérité.

La retraite anticipée, ça ne suffit pas !

On peut en effet considérer que c’est une revendication raisonnable, qui ne touche pas à la productivité du travail, et qui arrange même les employeurs d’une certaine manière : après 55 ans, les travailleurs sont usés et bien moins productifs que les jeunes. Les plans de licenciements, les FNE, c’était bien de cela qu’il s’agissait ! Il faut s’en débarrasser, mais surtout sans rien payer, c’est la seule question en débat ! Ainsi donc, même si c’est de manière conflictuelle, il peut se trouver un intérêt « commun » autour de la retraite anticipée…
Que Thibault ne mette plus l’accent que sur cette revendication, laisse de côté la position passée de la CGT (celle de 2005), montre jusqu’où va le réalisme syndical, la prise en compte des conditions nouvelles de l’élection de Sarkozy (comme il dit).

Que l’on s’entende bien. La retraite anticipée à 55 ans, pleine et entière, pour tous les travaux pénibles est une revendication juste. Elle doit être intégralement payée par le patronat, car c’est l’exploitation capitaliste qui a usé prématurément ces travailleurs. On doit se battre pour, et il fallait participer à cette journée d’action, à ce meeting de Dunkerque.
Mais cette revendication n’est pas séparable de la lutte contre les causes de cette usure prématurée.

Arcelor Deux visions du monde s’affrontent.
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  • D’un côté les ouvriers, les travailleurs qui ne supportent plus l’enfer capitaliste et aspirent à un autre monde. Ils doivent se battre pour la retraite anticipée, contre toutes les causes d’usure au travail, même si pour cela on doit remettre en cause la sacro-sainte compétitivité des entreprises, la productivité du travail. C’est une vision basée sur la lutte des classes, sur le rapport de forces.
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  • De l’autre une vision réformiste qui a accepté les règles du jeu de la guerre économique, de la concurrence, du  profit, de la compétitivité, et qui ne peut donc pas rentrer dans la contestation radicale de l’exploitation. Ces réformistes tentent alors de négocier ce qui est acceptable. Ils jouent la carte des négociations, des discussions d’experts et aucune volonté de construire un rapport de forces véritable.

Un déblocage plutôt curieux

Le lendemain du meeting, lors de la négociation avec le MEDEF, on apprenait que la négociation bloquée depuis deux ans s’ouvrait à nouveau. Un communiqué de la CGT se félicitait de cette ouverture et annonçait sa participation, et une nouvelle rencontre le 19 juillet. Mais pas de nouvelle mobilisation...
Bizarre. Le sentiment, peut-être, d’une petite mise en scène. C’est trop beau pour être vrai, d’une certaine manière ! Ca se saurait si une petite mobilisation de 5000 personnes sur toute la France, si un meeting national à Dunkerque pouvait faire fléchir le MEDEF, non ? Sans trop se forcer, on peut imaginer une négociation souterraine pour débloquer la situation. Les positions bougent pour avancer. Du côté patronal, cela se voit. Mais alors, qu’est-ce qui aurait bougé du côté syndical ? Mystère…

Quoiqu’il en soit, ce meeting était réussi, l’occasion de montrer que le capitalisme broie les vies des ouvriers, qu’il n’offre aucun avenir. Qu’il faut se battre, se regrouper, se mobiliser pour combattre l’usure des travailleurs par l’exploitation, pour la retraite anticipée. Qu’il y a une véritable combativité et motivation des militants les plus conscients sur la question !
Et qu’au fond, il faut en finir avec cette exploitation même, il faut en finir avec le capitalisme, accoucher d'une véritable société socialiste. Mettre l’homme à la priorité de la société et plus la production, le profit, le marché.
Nous appelons tous les camarades à s’investir dans ce combat de la pénibilité, partout, sur une base de classe bien sûr !

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Un document, disponible sur le site de la CGT, intéressant à lire sur la question de la pénibilité...

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