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18 décembre 2007 2 18 /12 /décembre /2007 14:04
Mardi 18 Décembre 2007
Régimes spéciaux : le bilan de la CGT cheminots


logo-cheminots.gifLes négociations ne sont pas encore achevées que l'heure du bilan est déjà commencée. C'est dire si l'on y croit du côté des directions syndicales...
La Fédération CGT des cheminots a rendu public le 5 décembre
un long (20 pages) bilan de sa Commission Exécutive Fédérale, rapport introductif du débat présenté par Bernard Guidou, dont certains extraits ont d’ailleurs ensuite été publiés dans La Tribune du Cheminot.

On notera sans surprise les absences, silences, lacunes révélateurs…
Pas un mot sur les revendications votées en AG, qui unifiaient les cheminots :
• maintien des 37,5 ans de cotisations
• refus des décotes
• refus de l’indexation sur les salaires
on a seulement les formules plus que floues habituelles «  les cheminots exigent le maintien et l’amélioration de notre régime spécial de retraites et de ses droits » (p3), ce qui, sans précision, peut mener à tous les abandons. Par exemple, la polémique fleurit depuis sur les 37,5 ans : Didier Le Reste s’empressant de souligner que la plupart des cheminots  partent déjà avant ce quota. Ce qui est sans aucun doute exact, mais masque le fait que passer à 40 ans va rendre encore plus difficile le départ et rabaisser considérablement les conditions de ce départ (niveau de la pension, en particulier…) Et qu’ainsi on s’éloigne encore  plus de la revendication du mouvement ouvrier qui est « Retraite à 55 ans, 50 ans pour les travaux pénibles, sans aucune condition de trimestres ».
Alors que ces trois revendications avaient fait l’unité, avaient été votées massivement dans toutes les AG, pas un mot dans le document, disparu, évaporé… C’est bien ce qu’on a vu lors de l’ouverture des négociations, et ce dans quoi SUD-Rail a également  plongé…

BTDLR.jpg- Le document développe longuement pour réfuter les prétendues oppositions entre la confédé et la fédération, à juste titre. Voilà belle lurette que sur ce blog nous répétons que l’équipe Le Reste ne vaut pas mieux que l’équipe Thibault. Mais, alors que le document est assez détaillé dans la chronologie du conflit, on constate (toujours sans surprise) qu’il n’y a pas un mot sur la fameuse intervention de B.Thibault le 13 au soir (quelques heures avant le début de la grève), sa réception par Fillon, et l’acceptation de la négociation entreprise par entreprise… Et oui, les sujets qui fâchent il vaut  mieux les « oublier », les « effacer » de la photo comme s’ils n’avaient jamais existés. Vieilles méthodes de manipulation et de traficotage de l’histoire toujours bien à l’honneur dans notre confédération…

- Le document se gargarise ensuite du « certain nombre de mesures arrachées dans cette négociation qu’il nous faut apprécier comme des avancées car elles sont le résultat du rapport de forces » (p13). Là encore, c’est de la manipulation : ces mesures avaient été annoncées par Idrac avant le début du conflit, comme contreparties de l’acceptation de la réforme… Comment faire prendre des vessies pour des lanternes, il faut être bien naïf, ou bien aveugle pour se laisser prendre à ce bavardage. Le document de la CEF a au moins la décence de reconnaître que « le compte n’y est pas ». C’est le moins qu’on puisse dire ! Les cheminots apprécieront de se retrouver avec une réforme votée, des négociations enlisées et sans vraie perspective de lutte sur la question. On a engagé un conflit qu’on savait important, les travailleurs étaient prêts, et au lieu d’aller de l’avant, on a tout fait pour empêcher l’élargissement du conflit, son renforcement, les liens entre dépôts et assemblées…

Le document passe (évidemment) rapidement sur la reprise et les conditions dans lesquelles elle s’est faite (p11). Pas un mot sur la position défendue par la fédé, sur ce qu’ont défendu les responsables CGT dans les AG. Mais une approbation de la reprise : « les AG suspendent le mouvement pour maintenir le rapport de force intact afin de peser sur les négociations à venir ». Ouahhh, que c’est beau « la poursuite de la lutte sous une autre forme » (ça c’était la formule consacrée des trahisons précédentes). Et aujourd’hui, là, le 18 décembre, il est où  le rapport de force intact ? Et le rapport de force intact, il a donné quoi le 13, sinon l’annulation honteuse en dernière minute d’une journée bidon qui s’annonçait comme une débâcle ?
La fédération se « félicite au  passage la lucidité des militants, des syndiqués et plus largement des cheminots ». Et vous savez pour quoi ? Allez, un petit effort, un peu d’imagination, quoi… Non, vraiment ?
Parce que cette action a « permis de libérer le peuple français de l’omniprésence dans les médias pendant 8 jours du président de la République ». Sans déconner, c’est écrit (p11). Donc les cheminots n’ont rien gagné, ont repris sur une trahison sans un kopek, mais ils peuvent être fiers d’avoir empêché Sarko d’être passé à la télé… On croit rêver ! Voilà sûrement ce qui va faire bouillir la marmite, et c’est sûrement la fierté du devoir accompli qui permettra à nos camarades de rester au boulot cinq ans de plus !

Une large partie du document traite de l’unité syndicale (p4 et 5), considérée comme le pivot de la mobilisation. Le document montre à juste titre la nature de la FGAAC et de la CFDT. Effectivement, « dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la démarche unitaire soit complexe et qu’elle nous prenne un temps considérable » (p5). Et oui, le « syndicalisme rassemblé »  du 48ème Congrès mène nécessairement à l’alignement sur les positions les plus réformistes, et sert de prétexte à ne rien faire. C’est particulièrement flagrant dans le communiqué de la fédération du 11 décembre qui annonce l’annulation de la grève du 13 : « Ceux qui ont œuvré à la division syndicale portent une lourde responsabilité… La CGT, qui a travaillé sans relâche à construire et préserver l’unité syndicale déplore cette situation… La défense de l’intérêt des cheminots  passe par le rassemblement du plus grand nombre… Malgré tous nos efforts nous n’avons pu empêcher la division… » Au lieu de s’appuyer sur une unité combative des secteurs les plus avancés, pour entraîner les hésitants et isoler les jaunes, on prend prétexte des jaunes pour liquider la grève en s’appuyant sur les hésitants. On voit là toute l’opposition entre le syndicalisme de lutte de classe et le syndicalisme de collaboration. Cela pour la manière de faire.
Sur le fond, c’est l'opposition à un syndicalisme de classe, qui part des intérêts de la classe ouvrière et des travailleurs, pour eux-mêmes, en fonction de leurs besoins en tant que classe. Non, dans cette société capitaliste nous ne voulons pas nous tuer au travail après 55 (ou 50) ans. Nous refusons de nous soumettre à une quelconque optique de collaboration, à un quelconque intérêt supposé partagé avec la direction ou le gouvernement, fut-ce au prétexte du « service public ». C’est un sujet d’ailleurs qui en lui-même prête à discussion !
Quand l’unité se fonde sur la défense intransigeante des intérêts ouvriers, elle entraîne la masse, elle va de l’avant, elle construit pas à pas le rapport de forces. Et d’ailleurs, cela s’est fait dans certains dépôts, comme à Paris Saint-Lazare, avec l’unité à la base des syndiqués CGT, Sud-Rail, FO et autres. Malheureusement trop isolées, les AG qui avaient reconduit la grève ont été contraintes ensuite de reprendre.
L’aspiration à l’unité est extrêmement forte parmi les travailleurs, et c’est d’ailleurs le point d’appui du « syndicalisme rassemblé » prôné par la Confédération. Pourtant c’est très contradictoire : d’un côté s’il n’y a  pas l’unité, on n’y va pas. Et s’il y a unité, les travailleurs aspirent à une radicalité qui ne peut exister dans ces conditions. Il n’y a pas 36 solutions : il faut avancer, construire l’unité non pas comme une unité au sommet, mais comme l’unité à la base de la classe au combat, qui va d’ailleurs obliger les directions syndicales à se positionner, à prendre parti, pour ou contre le mouvement.

Une mention spéciale dans le document pour SUD-Rail. La CGT cheminots renoue avec les formules fleuries qui nous ramènent au bon vieux temps de la CGT de Frachon et Séguy, des bastons aux portes des usines : « La mouvance gauchiste, en instrumentalisant les mobilisations sociales, en crachant sur les autres syndicats, a toujours servi les intérêts du pouvoir en place et du patronat » (p4). Alors là, bravo pour la finesse hors du commun de cette analyse… Ce n’est que le signe de l’impuissance, face à un syndicat qui a adopté une attitude un peu plus correcte dans le conflit. « Un peu » seulement… car la CE fédérale pointe (pour une fois) à juste titre la contradiction que nous avons déjà relevée entre un syndicat qui prône la radicalité d’un côté et pleure pour participer aux négociations d’un autre, oubliant au passage le mandat des AG.
Par ailleurs, la notion « d’instrumentalisation » est explicitée plus loin (p12) : « quelle analyse avons-nous d’une extrême gauche organisée pour instrumentaliser ce conflit pour peser sur l’attitude des organisations syndicales ? ». Diable, Besancenot et la LCR font peur à ce point ? Et que dire de l’instrumentalisation de la gauche réformiste (PC-PS) pour peser sur l’attitude des organisations syndicales, n’est-ce pas Mr Le Reste, militant connu du PCF ? C’est curieux comme les lunettes sont à sens unique dans ce cas là… Assez de cracher sur les militants combatifs (y compris à l’intérieur de la CGT, y compris parmi les cheminots) ! Les syndicalistes honnêtes doivent s’interroger sur la définition des intérêts ouvriers, sur l’affrontement au capital et les voies et moyens d’obtenir satisfaction et de se débarrasser des traîtres à leur cause…

Il y aurait probablement pas mal de choses à ajouter. Nous laissons à nos lecteurs le soin de compléter (y compris par commentaire à cet article). Mais l’essentiel est dit.
Pour finalement résumer le contenu de ce document, on retrouve tous les ingrédients avancés par la CE confédérale dans son adresse aux syndicats pour justifier la CFDTisation, un réformisme assumé qui se consolide sous la validation du 48ème Congrès et peut-être bien un affrontement plus direct contre les militants de classe dans la CGT elle-même.

Une raison de plus pour tous les cheminots et syndicalistes de classe pour participer au deuxième Forum du syndicalisme de masse et de classe qui se tiendra le samedi 12 janvier à Paris !


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