Nous reproduisons ici tel quel un article publié par le journal "Marianne", publié le jour même des manifestations du 23 mars.
Un article inquiétant, mais qui "sonne" bien pour qui connaît les couloirs des négociations syndicats/ministère...
Malgré sa défaite aux élections régionales, Nicolas Sarkozy est bien décidé à réformer les retraites. Heureusement, pour lui, les syndicats ne vont pas sortir l'arme lourde et semblent prêts à lâcher du lest s'ils obtiennent des mesures sur l'emploi ou le pouvoir d'achat.
Un bel exploit. En 8 et 9 minutes d'interview sur Europe1 et France Inter, Bernard Thibaut, secrétaire général de la CGT, et François Chérèque, son homologue de la CFDT, ont réussi à évoquer la réforme des retraites sans prononcer les termes « retraite à 60 ans ». On pensait qu'ils allaient jouer les gros bras sur le sujet. Mais ils les ont finalement baissé.
Et pas question d'un troisième tour social après les Régionales. Chèrèque parle d'un «mythe franco-français». D'ailleurs, il ne faudra pas compter sur Force Ouvrière qui défile de son côté avec ses propres arguments. Et pour Thibaut, ce mouvement n'est « pas un test » pour le mouvement social.
PAS DE CHOC FRONTAL
Pour négocier la réforme des retraites, ils ont choisi leur stratégie. Conscients de leurs forces même face à un pouvoir affaibli, ils ont compris que le choc frontal ne servait à rien. Chérèque et Thibaut préfèrent même contourner le sujet.
« La question n'est pas de durcir (le mouvement) mais d'obtenir des inflexions en matière économique et sociale », lance Thibaut... Il appelle d'ailleurs à la convocation « très rapidement » d'un sommet social à l'Elysée. « très rapidement » pour évoquer « la situation en matière d'emploi, d'orientation économique et sociale, en matière de pouvoir d'achat pour prendre des décisions concrètes d'application rapide ». Pour les retraites, on attendra.
Chérèque ne dit pas mieux. Il demande des « mesures sociales » demandant notamment plus de « moyens » pour Pôle emploi et de « former plutôt que licencier » les salariés menacés par la crise.
FATALISME
Mais aucun des deux ne formule, à l'antenne, des revendications claires sur le thème des retraites. Aucun ne fait référence aux manifs qui se multiplient dans les autres pays sur le même thème, en Grèce ou en Espagne. Leur stratégie se limite à miser sur des mesures sociales à court terme quitte à lâcher un peu de lest sur la réforme des retraites au sens strict du terme.
Car ils savent que la réforme se fera quoi qu'il arrive. Une fatalité à laquelle ils se sont ralliés bon gré mal gré. Pour Chèreque « Il faut, certes, faire évoluer le système de retraites mais il faut que ça se fasse dans le sens de la justice sociale. ». Et tant pis si certains économistes comme Thomas Piketty mettent en garde contre tout catastrophisme.
Thibaut affirme, lui, qu'« une vraie bonne réforme des retraites peut passer en quinze jours ». Mais il craint que ce soit une hypothèse « très optimiste ». Et en fin d'interview, il ose enfin lâcher : « j'espère qu'il y aura un grand nombre de manifestants dans les rues pour pouvoir peser sur ce rendez-vous ». Il aurait mieux valu le dire plus tôt.