Dimanche 28 novembre 2010
Retraites : le bilan de la CGT Goodyear
Nous publions ci-dessous le bilan réalisé par la CGT Goodyear, et diffusé mardi dernier 23 novembre sur le site des camarades.C'est un texte intéressant, car, sans le dire ouvertement, il pose la contradiction en termes de lutte de classe, en termes de deux camps qui n'ont rien à se dire, rien à partager. Capital contre travail, voilà l'affrontement, et c'est dans ces termes que nous devons réfléchir et c'est ce que nous disent les camarades.
Un certain nombre de remarques néanmoins sur ce document, pour poursuivre ensemble le débat, parce que les questions soulevées sont importantes :
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Les journées d'action saute-moutons, la grève générale. Les
camarades ont évidemment raison de souligner que ce n'était pas en quelques journées d'action qu'on allait faire céder le gouvernement, et qu'il aurait fallu appeler à ce qu'ils appellent "une
grève dure". Mais nous pensons que c'est un peu court.
Car nous avons tous constaté (et les camarades de Goodyear aussi sur les piquets de la ZI d'Amiens) que l'ambiance n'était pas à la grève générale. Que seuls les secteurs et militants combatifs étaient sur le tas, jour après jour, semaine après semaine.
En ce sens, la responsabilité des confédérations (et de la CGT en particulier) n'est pas dans le manque de cet appel à la grève dure, mais bien plus grave : c'est que les confédérations (et la CGT en particulier) sont rentrées dans une logique de coopération conflictuelle avec le gouvernement, où il n'y a d'issue que dans la négociation sans vraiment remettre en cause le contexte et la logique du système, c'est à dire de l'exploitation capitaliste. Et elles ont mené (la CGT en particulier) les travailleurs à l'acceptation de ce contexte, à suivre le calendrier parlementaire, à ne pas exiger le retrait de la réforme, à oublier toutes les revendications essentielles pour le mouvement ouvrier, quelque part à accepter les règles du jeu de nos ennemis, la compétitivité, la guerre économique, l'austérité, la misère...
Sur ce blog, voilà longtemps que nous dénonçons ce qui se cache derrière ces journées saute-moutons, le refus en fait de l'affrontement, classe contre classe, projet contre projet, société contre société. - Coordonner la colère et exiger de nouveaux droits pour les salariés, c'est ainsi que les camarades voient le rôle des syndicats. Nous pensons que c'est très restrictif et bien insuffisant. Car si l'on parle classe contre classe, projet contre projet, société contre société, on comprend que tous les droits, tous les avantages que nous pouvons arracher ne sont que provisoires, constamment remis en cause par le fonctionnement d'un monde basé sur le profit, la guerre économique, la compétitivité, la concurrence et la mondialisation. Pour nous le rôle des syndicats est d'organiser la classe ouvrière, le prolétariat, contre ce monde de barbares ("De cette société là, on n'en veut pas"), pour préparer un monde plus juste, plus solidaire, organisé sur la solidarité, la coopération et la réponse aux besoins de la majorité du peuple, dans le respect (et non la destruction) de l'intégrité physique et intellectuelle du travailleur. Bien entendu, on bascule vers un projet politique, avec la nécessité d'un parti véritablement ouvrier et révolutionnaire - on notera que les directions syndicales ont bien leur projet (un capitalisme à visage humain, "le développement humain durable") et tous les partis réformistes qu'ils veulent pour ce faire. D'ailleurs ne nous propose-t-on pas aujourd'hui d'attendre les élections de 2012 ?
- Les camarades ne reparlent pas d'une nouveauté marquante de ce mouvement, les blocages de l'économie, des secteurs clés pour taper là où cela fait mal. C'est étonnant, car ce sont justement eux qui en sont à l'origine, depuis bien longtemps, et encore en juin dernier. L'appel des camarades a été entendu, c'est une avancée, qui va rentrer dans les mémoires et nous être utile pour l'avenir.
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Le syndicalisme rassemblé et l'intersyndicale. Les camarades ont
bien entendu aussi raison de souligner que construire un mouvement de classe sur une intersyndicale qui va de la CFTC à Solidaires, cela aboutit nécessairement à se mettre à la remorque des
plus réformistes, en l'occurence le couple Thibault/Chérèque. C'est une viellle affaire, et depuis le 48ème congrès c'est la bataille dans notre syndicat pour battre cette conception réformiste
de l'unité qui la rabaisse au niveau du "plus acceptable" par tous. Cela dit, la direction de l'intersyndicale sur le mouvement n'a été contestée par
personne, force est de le constater. La raison en est double : d'une part la très forte aspiration à l'unité dans la classe ouvrière et les secteurs populaires, qui savent bien que
divisés on ne gagnera pas, et ensuite l'absence totale d'un autre centre de proposition impulsé par les secteurs les plus combatifs, les plus lucides, les plus radicaux des syndicalistes et du
peuple.
C'est inéluctable, faute d'une direction de classe, avec le souci de l'unité, forcément on est amené à se mettre à la remorque de l'Intersyndicale réformiste. En ce sens, nous l'avons dit, la responsabilité principale n'est pas ici dans les directions syndicales (qui jouent leur partition, et avancent leur orientation) mais dans l'incapacité des combattants de classe à s'affirmer comme une direction alternative aux dirigeants réformistes. - "Nous avons vaguement l'impression d'être vendus, trahis, mais pour quelles raisons ?" disent les camarades de Goodyear. C'est le moins que l'on puisse dire. C'est vrai que c'est vague, car à la différence de 2003, la trahison n'a pas été nette et franche, elle s'est cachée sous le manteau unitaire de l'intersyndicale. Néanmoins, c'est bien le cas, nous avons été vendus et trahis. Vendus et trahis par ceux qui dans nos rangs sont des "ennemis qui se cachent" et pas des "amis qui se trompent", comme nous avons l'habitude de le dire sur ce blog. Vendus et trahis par tous ces syndicalistes qui n'imaginent leur rôle que comme force de pression et de contre-proposition dans le cadre de l'appareil d'Etat capitaliste. Qui ne parlent d'ailleurs plus de capitalisme, mais de société en général, plus de lutte de classes. Qui ne voient leur rôle, comme le disent fort justement les camarades de Goodyear que dans le cadre d'un "dialogue entre partenaires sociaux" pour aménager et tenter de limiter les dégâts de l'exploitation. Qui discutent d'experts à experts avec les ministres, comme JC Le Duigou ex-dirigeant aujourd'hui toujours là, mais dans l'ombre.
- Enfin, il manque un élément au bilan fort intéressant des camarades : l'absence de l'opposition syndicale de classe. Seule la Chimie a joué le rôle qu'on pouvait attendre des secteurs combatifs. Où était la métallurgie ? Où étaient les opposants ? Où étaient les mots d'ordre radicaux, capables de rassembler les travailleurs sans tomber dans la collaboration de classe ? Pourquoi les "55 ans pour tous sans condition de trimestres" n'ont-ils pas été plus repris ? Pourquoi laissons-nous notre sort dans les mains de ceux qui au final marchanderont avec Sarkozy/Parisot [d'ailleurs, parler de trahison n'est même pas correct, eux, ils ne trahissent rien de leur projet, mais ils savent bien nous manipuler !] ? Quand on a été absent de toute la lutte des camarades sans-papiers, quand on a été absents (au niveau central bien entendu, pas au plan local) de cette lutte pour les retraites, peut-on encore d'ailleurs parler d'opposition syndicale ? A méditer pour bien comprendre là où on en est concrètement. C'est probablement le fait que les confusions politiques sont encore telles qu'elles empêchent d'avancer sur le terrain syndical, et qu'aujourd'hui, la priorité est à l'engagement politique, révolutionnaire, communiste !
En tous les cas, voilà un texte bien intéressant qui soulève toutes ces questions, et c'est tout à fait d'actualité. Alors, faisons-le connaître largement et discutons-en dans nos syndicats (nous le mettons ci-contre en version pdf pour faciliter l'impression) !
Lettres ouvertes aux confédérations et autres syndicats
Aux confédérations syndicales...
La CGT Goodyear avait en septembre 2010 écrit au secrétaire général de la CGT, mais cette fois-ci nous estimons que la
responsabilité de l’échec (car il faut parler d’échec) de la lutte contre la réforme des retraites est clairement le fait d’une stratégie qui dès le départ a donné le tempo d’une lutte
volontairement molle !!!!
La volonté de créer une intersyndicale, de se mettre autour d’une table commune pour établir un programme commun d’action, nous a
déjà joué des tours, la politique de lutte de la CFDT est la plus déroutante et voir les secrétaires généraux de la CGT et CFDT partageant la même vision de la forme de lutte à mener, cela
ne faisait aucun doute sur la finalité de ce combat !!!!
Le mot combat est d’ailleurs fort pour qualifier ce simulacre de résistance à la politique du gouvernement et du MEDEF, nous
parlerions nous plutôt d’accord de méthode, entre ce que le gouvernement adore appeler « les partenaires sociaux », car le MEDEF et le gouvernement aiment parler de syndicalistes responsables, de
partenariat, de dialogue social, alors que jamais le monde du travail n’a jamais connu autant de violences, d’agressions, de répressions, nous avons vaguement l’impression d’être vendus, trahis,
mais pour quelles raisons ?????
La réforme sur les retraites est impopulaire, illogique, certes mais, depuis des années nous subissons, nous vivons une régression
sans précédent, le ras le bol est total, il fallait donc appeler à une véritable action contre les attaques dont souffre le monde du travail, car la réforme des retraites n’est que la face
visible de l’iceberg, en réalité les salariés sont en train de crever, ils ne souffrent plus, ils meurent !!!!
La CGT Goodyear comme d’autres syndicats CGT d’autres entreprises, ont fait entendre leurs voix dès le début, nous souhaitions une
grève dure dès le départ, au lieu de cela, les centrales confédérales et d’autres, ont mis en place des journées de mobilisation étalées sur plusieurs mois, 7 jours de manifestations sur 6 mois,
des manifestations le samedi sur demande de la CFDT et pourquoi pas un boycott des messes le dimanche sur demande de la CFTC ???
Vous ne mesurez pas l’impact négatif de cette lutte perdue d’avance du fait de vos positions confédérales, des milliers de
salariés ont une impression légitime d’avoir été trahis, le gouvernement peut se contenter de cette situation, même si dans beaucoup d’endroit la colère couve et s’exprimera tôt ou tard, pourquoi
ne pas avoir appelé à une grève reconductible interprofessionnelle le premier jour, en moins de 5 jours le gouvernement aurait plié, blocage des zones industrielles, des poumons économiques de
notre pays, dès le premier jour et là, nous aurions gagné, c’est une certitude !!!!
Nous saluons le courage et la détermination des camarades de la pétrochimie, des cheminots et de beaucoup d’autres, mais nous ne
saluons pas votre stratégie. Qu’est ce qui vous oblige à ne pas nous écouter ?????
Vous savez pertinemment que les manifestations dans les grandes villes ne feront jamais reculer quiconque, vous auriez dû appeler
à une action dure et reconductible dès le départ, vous avez commencé à parler (sur le bout des lèvres) de grèves reconductibles au moment ou les salariés grévistes s’épuisaient et vous le saviez
!!!!
Nous vous avons vu sur une chaine du service public un soir face à PARISOT et ESTROSI, les propos tenus ce soir là par le patron
de la CFDT ne nous a pas surpris, il a affirmé que la CFDT n’avait jamais pensé à une grève dure, que la CFDT condamnait les blocages, que la CFDT n’avait pas pour objectif et slogan de demander
le retrait de la réforme, de même, la CGT n’a jamais affirmé qu’elle demandait le retrait total de cette réforme, bref, nous avions entre nous la base et vous les confédérations des objectifs
totalement différents.
La patronne du MEDEF a même réussi ce soir là, à obtenir la programmation d’une réunion avec la CFDT en direct sur France2
et une réunion sur quoi, l’emploi des jeunes !!!!
Elle venait d’obtenir tout simplement la validation de la réforme des retraites, une négociation sur l’emploi des jeunes et des
séniors et tranquillement, sans aucun scrupule la CFDT venait d’acter cette réforme en ouvrant une négociation sur les jeunes et les séniors dans le cadre de la réforme des retraites
!!!!
Mais où allons nous, le MEDEF jubile, il se permet même de parler d’actes honteux quand des salariés bloquent une zone ou une
entreprise, mais les actes honteux ne sont ils pas ceux qui visent à licencier des milliers de salariés, de voir qu’un groupe comme MOLEX se tire et laisse le PSE et les salaires à la charge des
contribuables Français et tout cela sans impunité.
PARISOT dit : « est-ce que vous cautionnez les propos du responsable CGT Total qui parle de rafle quand les forces de l’ordre
interviennent » réponse « bien évidement que non je ne cautionne pas » voici la réponse du secrétaire général de la CGT et celui de la CFDT de dire « je peux faire une précision, la CFDT lève les
blocages ...» .
A voir ce spectacle, nous affirmons que le monde du travail va très mal et que si il ne réagit pas par la base, il est condamné,
l’attitude arrogante du MEDEF et du gouvernement lors de ce direct démontre qu’ils se sentent à l’abri d’un appel à un conflit dur et illimité par les confédérations, mais quand les patrons
détruisent des vies de familles pour permettre aux actionnaires de se faire un maximum de fric, pas un seul mot du MEDEF et ce gouvernement qui fait semblant de durcir le ton contre les
dirigeants de MOLEX tout ceci n’est que du vent, pendant ce temps là, des milliers de gens souffrent, la France du travail crève, un jour ca va finir par exploser et ce jour là, les
confédérations auront une part de responsabilité, car les syndicats doivent permettre aux salariés de s’exprimer non pas dans des manifs, mais dans des mouvements forts rassemblant toute cette
souffrance au même moment, au lieu de cela la colère n’est pas entendue, elle est étouffée par des mouvements de forme qui donnent bonne conscience à certains, mais qui ne changent rien aux
situations dramatiques vécues par ceux qui sont victimes d’un acharnement total d’une bande de voyous appelés dirigeants et actionnaires.
A quoi servent donc des intersyndicales qui nous mènent à l’échec systématiquement, si ce n’est pouvoir ensuite vous rejeter la
faute de l’échec de résultat ????
Faut-il voir dans vos comportements à vouloir freiner au maximum les luttes plus durs, une obligation de résultat face au
gouvernement ???
Nous regardons cela de notre usine à Amiens en PICARDIE, et cela nous écœure, nous désole, nous sommes élus CGT et fiers de
l’être, car les valeurs du VRAI syndicalisme sont les plus belles, porteuses d’espoir et de réussites, de luttes et de combats pour gagner des avancées sociales, ce dont vous avez oublié
l’essentiel, les actions depuis quelques années ressemblent à des compromis, des luttes pour montrer que vous êtes encore là, du faire semblant, pendant ce temps les autres, ceux qui nous
méprisent eux ne font pas semblant, ils tapent dur, ils ferment des centaines d’usines, mettent des milliers de salariés dans la précarité et dans la rue, des enfants sans avenir, que va-t-il
falloir pour qu’un jour, vous agissiez vraiment et arrêtez de faire semblant en écoutant la base ???
L’explosion sociale arrivera c’est une certitude, trop de Français disent en avoir ras le bol, d’être à bout et c’est justement
aux syndicats d’agir pour coordonner toute cette montée de colère et exiger de nouveaux droits pour les salariés, l’arrêt des licenciements dans des entreprises qui font la fortune de dirigeants
et actionnaires, de remettre en place ce MEDEF arrogant et ce gouvernement qui est l'ennemi du monde du travail !!!!
Cette lettre n’a pas pour but d’alimenter une polémique, elle vient d’un syndicat qui depuis 3 ans lutte contre une multinationale
aux cotés de salariés motivés et déterminés, nous sommes déçus mais hélas non surpris de la situation, depuis trop d’années les centrales syndicales ce sont détournées de leurs rôles, nous sommes
de plus en plus nombreux à dénoncer les dérives du « dialogue social entre partenaires sociaux » il n’y a pas de partenaires, juste d’un coté des dirigeants et de l’autres des syndicats, le mot
partenaire n’a pas de place dans le syndicalisme, mais il implique comme nous le vivons en ce moment des compromis, des accords, bref, les confédérations doivent réagir !!!
Il faut revenir aux fondements du syndicalisme et vite...
LE SYNDICAT CGT GOODYEAR AMIENS USINE NORD