Dimanche 24 novembre 2013
Après l'échec contre la réforme des retraites, la CGT propose l'unité avec la CFDT ?
Nos lecteurs l’avaient remarqué, ils n’ont pas bronché : nous sommes restés silencieux sur les derniers épisodes de la nouvelle réforme des retraites. Nous sommes un peu intervenus sur la question de la pénibilité (« La pénibilité et le rapport Moreau », « la pénibilité et la retraite des morts »), car c’est le cœur de l’exploitation qui est là en jeu. Chacun(e) aura noté que la question a été complètement laissée de côté cette fois-ci (carrément plus personne n’en parle), validant ainsi les propositions du rapport Moreau et du misérable Compte Epargne Pénibilité qui permettra de gagner en fin de carrière quelques mois de formation pour tenir le coup jusqu’à l’âge légal…L'ouvrier ne vaut pas grand'chose quand il n'est qu'une force de travail au service du capital...
Mais nous ne sommes pas revenus sur les mobilisations des 10 septembre, du 10 octobre devant le Ministère du Travail et du
15 octobre devant l’Assemblée Nationale, du 30 octobre devant le Sénat comme sur le futur rassemblement de mardi prochain 26 à nouveau devant l’Assemblée Nationale à la veille du vote
final…
Dès le soir du 10 septembre, on a compris que c’était plié : mobilisation honorable certes, mais réduite aux réseaux militants à
peine élargis. Et pas de pêche, pas d’ambiance, pas de tonalité positive et encourageante pour continuer, pas d’offensive des directions à tous les niveaux.
Nous allons en surprendre quelques-uns : on aurait tort d’en faire procès à la Confédération.
Nous avons vu des appels radicaux à la mobilisation, des déclarations vengeresses sur l’absence de détermination et de
mobilisation confédérale, voire même des appels autonomes (d’ailleurs toujours à l’Assemblée, toujours soi-disant pour « déboucher l’oreille gauche des députés »). Appels courageux mais restés
sans suite, et ce n’est pas un reproche : c’est le reflet de la faiblesse de la mobilisation de masse actuelle dans le pays.
Pourtant la colère est là, partout. Les plans sociaux se multiplient, les travailleurs en colère se mobilisent, en Bretagne certes, mais partout, pour l’emploi, mais au cas par cas. L’exaspération monte, la colère est présente, mais pas la révolte générale, la coordination des luttes, même pas un mouvement d’ensemble sur les retraites, même pas la reproduction du mouvement de 2010.
Que se passe-t-il ? C’est là qu’il faut discuter.
Multiplier les appels vengeurs, les appels au blocage de la production, à la coordination des luttes, au Tous ensemble,
aujourd’hui, ça ne marche pas. Pourquoi ?
Nous le disions dès le mois de juillet (« Retraites : il faut préparer une rentrée de lutte, mais ça va être
compliqué ») :
« La situation, c'est la même qu'en 2010, à deux [très gros] détails près :
• On a perdu la première bataille, justement il y a trois ans, le bilan n'est pas tiré, et cela va
lourdement peser dans la mobilisation.
• On a un gouvernement "de gauche", et on peut être absolument certains qu'à la différence de 2010 où
beaucoup voulaient la peau de Sarko, nombre de syndicats et de syndicalistes ne voudront pas mettre Hollande en danger - y compris dans nos rangs, même s'ils se font discrets. »
Le fond de la critique à tous les syndicats, et au premier chef à notre Confédération, c’est la relation au gouvernement et au
capitalisme.
Tous les syndicats (et au premier chef la CGT) partagent l’idée que la perspective c’est de proposer d’autres solutions. De
faire payer les riches. D’avoir un meilleur partage des richesses. De taxer le coût du capital plutôt que le travail. De taxer le capital financier. Les paradis fiscaux. Bref, ils partagent tous
(et au premier chef la CGT) l’idée que la société est « mal gérée », sous l’influence de patrons et banquiers qui en veulent toujours plus, et qu’il faut un peu corriger cela en rééquilibrant les
influences, « en débouchant l’oreille gauche des députés et du gouvernement », pour que « le MEDEF ne fasse pas la loi ». Tous (et au premier chef la CGT), ils partagent l’idée qu’on peut
arriver, certes avec quelques contraintes minimes sur les banques et les patrons, à un capitalisme à visage humain et durable.
Alors, on multiplie les propositions pour une « bonne réforme des retraites », sur le financement avant tout, sur des actions
dirigées avant tout vers les députés « de gauche », à l’Assemblée ou au Sénat, pour qu’ils votent une « bonne loi »…
Le problème, c’est que plus personne n’y croit à cette réforme du
capitalisme. Ca ne marche plus.
On s’est battu en 2007 (« le conflit sur les régimes spéciaux »), en 2010 (« le conflit contre la réforme Sarkozy ») avec l’idée que si on avait perdu, on avait au moins contribué
à faire tomber Sarko, et que donc ça irait mieux. Et voilà Hollande qui remet le couvert, la même réforme, une nouvelle couche.
D’où une double réaction selon les secteurs :
- On n’y croit plus, c’est le capitalisme qu’il faut foutre en l’air, mais comment ? Colère, révolte mais impuissance et interrogations.
- Pour d’autres, c’est résignation et fatalisme, on ne peut pas faire autrement, regardez, de toutes les façons ça doit être comme ça, puisque droite et gauche proposent au final la même chose.
Les efforts de la FNIC
On peut citer les efforts méritoires de la Chimie (FNIC), qui interpellait dès le mois de juin la confédération, critiquée pour « ne pas réunir les conditions de la mobilisation » (voir ci-dessous), et qui organise un rassemblement des luttes ce 28 novembre à Bercy.
La FNIC est certes sur une position plus combattive et plus radicale (on l’a vu dans le mouvement de 2010), mais on y partage la même
conception d’une réforme possible de la société actuelle…
Voilà la base de l’échec du mouvement de 2013.
Ce n’est pas le manque d’appel ou de détermination. C’est juste que le
réformisme fait faillite.
Et la critique de la Confédération, c’est là qu’elle doit porter : sur cette illusion impossible qui au final ne fait que
démobiliser, nous avons le bilan sous nos yeux.
En ce sens, tous ceux qui s’égosillent à des appels à la lutte, la lutte, qui critiquent la direction confédérale seulement pour
ses atermoiements et sa faiblesse sont à côté de la plaque.
La critique, aujourd’hui, elle doit porter sur le projet, sur la rupture avec le capitalisme, sur la défense intransigeante des
intérêts ouvriers sans souci de la bonne marche du capital, sur l’organisation du camp ouvrier en ce sens.
Elle doit se traduire par des revendications et mots d’ordre, clairs, unificateurs, où chacun(e) puisse s’y retrouver, comme
:
La retraite à 55 ans, 50 ans pour les travaux pénibles, sans conditions de trimestres
Une pension comprise à 1700 € minimum, plafonnée à 3500 €
Le combat contre toutes les formes de pénibilité et de souffrances au travail qui ne nous mènent qu’à la retraite des
morts (voir la section de ce blog « pénibilité et souffrance au travail
»).
Au lieu de cela, que nous proposent les syndicats (et au premier chef la CGT) ? Non seulement ils ont abandonné le combat sur la retraite, mais ils ne cessent de rabaisser leurs exigences.
Voilà maintenant Thierry Lepaon (CGT) et Laurent Berger (CFDT) qui en appellent au front commun syndical « compte tenu de la gravité de la situation »… On croit rêver ! Le front commun avec un syndicat qui a validé l’ANI et la réforme des retraites actuelles ?
On comprend mieux où mène le réformisme et l’abandon de la lutte anticapitaliste : toujours plus de reculades, toujours plus de compréhension avec le gouvernement, toujours plus d’acceptation des règles du jeu de la crise capitaliste, toujours moins de luttes et de radicalité.
Ce n’est pas de ce syndicalisme dont nous avons besoin, ça c’est clair !