Dimanche 16 octobre 2016
Relaxe pour les 8 de Goodyear !
Nous reproduisons ci-dessous une déclaration de Voie Prolétarienne appelant au rassemblement à Amiens des 19 et 20 octobre. A la suite, nous portons quelques commentaires, issus de la lutte entre 2008 et 2014.
Après les dizaines de procès contre les militants de la loi Travail dans toute la France, après le procès des Chemises déchirées à Air France, c’est au tour des délégués Goodyear de se retrouver en appel devant le tribunal, après des condamnations très lourdes, jusqu’à 9 mois de prison ferme. Ces condamnations avaient d’ailleurs provoqué début février les premiers grands rassemblements de colère et d’indignation qui allaient ensuite lancer le mouvement contre la loi Travail et son monde.
Ce procès et cette condamnation sont d’autant plus scandaleux que direction et cadres de Goodyear avaient retiré leur plainte lors de la fermeture de l’usine, et que le motif est on ne peut plus bénin : 36 heures de séquestration bon enfant pour tenter de faire pression sur les négociations lors de la fermeture de l’usine, pas de quoi fouetter un chat, loin de la colère des ouvriers grévistes d’Air France et des chemises déchirées.
Mais le procureur (le représentant de l’Etat, donc) ne l’a pas entendu de cette oreille. Dans le système judiciaire français, tout le monde le sait, le procureur agit sur ordre du Ministère de la justice, surtout dans une affaire aussi médiatique que celle-ci ; c'est donc le gouvernement Hollande-Valls qui veut mettre les délégués Goodyear en prison !
Une séquestration, pour symbolique qu’elle soit, est inacceptable pour le patronat à l’heure de l’enchaînement des plans d’ajustement structurels, et de la nouvelle vague de restructurations en route et à venir. Ils ne veulent pas que la classe ouvrière reprenne cet exemple.
Il fallait donc frapper fort, condamner, faire un symbole. Non pas tant pour les délégués concernés que pour tous les travailleurs et ouvriers en colère : il faut faire plier l’échine sous le talon de fer du capital, rentrer dans le rang de la légalité des exploiteurs, se soumettre, empêcher toute violence d’aucune forme.
C’est le sens de l’Etat d’urgence, et des condamnations qui se multiplient partout. C’est le sens de la violence policière, des blessés graves, des éborgnés au flashball, de la mort de Rémi Fraysse. Voilà le vrai visage du monde de la loi Travail.
Dans les banlieues, c’est la même chose. La pression policière est de plus en plus forte, avec le soutien explicite du gouvernement, pour mater tout signe de protestation et couvrir les bavures, comme les causes de la mort de Adama Traoré. Pas de vague, pas de contestation, le couvercle du silence imposé.
Le capital ne veut aucune vague, contrer tous les symboles dérangeants, soumettre à sa loi les opposants. Voilà le sens de la condamnation des délégués de Goodyear, quoi qu’il en soit du combat passé dans cette usine.
L'impérialisme et la bourgeoisie française doivent accélérer les restructurations pour faire face à la crise, pour faire face dans la guerre économique internationale entre capitalistes. Ils ne veulent plus rien lâcher, comme avec la loi Travail. Si la brutalité de la répression policière et judiciaire va de pair avec la volonté du gouvernement de faire passer ses réformes anti-ouvrières sans rien lâcher, c'est que cela est voulu. La répression n'agit qu'au service d'une politique !
Si une fraction des prolétaires ne voit d'autre solution que dans l'affrontement de plus en plus violent avec le patronat et l’État, c'est bien parce que la conciliation avec le patronat est de moins en moins possible, parce que les solutions « miracles » proposées par le syndicalisme de collaboration de classe n'ont pas d'avenir, puisque la bourgeoisie est de moins en moins disposée à nous lâcher des miettes, et que de plus en plus nous nous en rendons compte. Les intérêts du Capital et du Travail s'opposent irrémédiablement. C'est eux ou c'est nous !
Les 19 et 20 octobre, tous les militants se retrouveront à Amiens, devant le tribunal avec les délégués Goodyear, pour exiger la relaxe. Il n’y a pas à tergiverser, il faut en être !
Relaxe pour les 8 de Goodyear !
Relaxe pour les 16 d’Air France !
Relaxe et amnistie pour tous les inculpés de la loi Travail depuis le 9 mars !
[Précision au lecteur : la partie qui suit est relativement à contre-courant de ce qu’on entend un peu partout, et ne caresse pas dans le sens du poil. Si vous ne souhaitez que du consensuel, passez votre chemin et arrêtez là la lecture…]
Pour les lecteurs de ce blog, nous voudrions rajouter quelques précisions, qui n’entachent absolument pas notre conviction dans la défense des 8 délégués de Goodyear face à la répression du gouvernement.
Mais nous avons suivi en détail les combats autour de la fermeture de l’usine Goodyear à Amiens, entre 2008 et 2014. Nous avons publié pas moins de 32 articles (voir la section du blog ICI) et nous avons un point de vue - qui a d'ailleurs évolué au fil du temps.
Partis d’un soutien assez enthousiaste au refus des 4x8 et à ce qui apparaissait comme une radicalité dans les manifestations, nous avons compris peu à peu, en lien avec des camarades de l’usine, que la réalité n’était pas l’apparence…
Nous n’allons pas ici revenir sur le bilan de cette lutte (abordé ICI), mais nous sommes en désaccord avec l’image du combat exemplaire pour l’emploi. Quelques questions...
- Où sont aujourd’hui les Goodyear ? Hormis les quelques délégués autour de Mickaël Wamen, il n’y a plus aucun soutien des travailleurs de l'usine, celui-ci l’a d’ailleurs reconnu à demi mots lors de la réunion du 28 septembre à la Bourse du Travail de Paris, et il n’en est fait mention nulle part dans l’organisation des journées du 18 et 19 octobre. Rappelons que la mobilisation prévue pour le procès du 12 janvier dernier a été annulée, faute de soutien local. Il sera intéressant de voir combien seront présents au tribunal cette semaine. Beau bilan pour une lutte soi-disant exemplaire ! Rappelons que les Contis ont continué des mois et des années à vivre en collectif après la fermeture de l’usine…
- La CGT de Goodyear a toujours refusé de mobiliser sur Amiens, n’a organisé aucune mobilisation locale et régionale durant ces cinq ans, avec des formules pour le moins méprisantes envers la population. Ils ont même perdu le soutien de Fakir, journal amiénois bien connu, aujourd’hui très peu concerné par leur procès.
- La CGT Goodyear, Wamen a sa tête, a refusé tout combat conjoint avec les travailleurs de Dunlop, l’usine de l’autre côté de la rue, de la même entreprise, avec le même patron. Au prétexte que la majorité des travailleurs avait accepté les 4x8, mais en laissant de côté qu’une forte minorité l’avait refusé et que l’hypothèse d’un combat commun n’était pas impossible. Ont-ils été invités pour le tribunal ?
- Toute la presse militante ne cesse de parler du combat exemplaire, de la séquestration, etc. Hors, c’était juste un acte symbolique d'une poignée de délégués, à la reprise des vacances de Noël, trois semaines avant la fermeture définitive, une fois l’affaire pliée. Revoir nos articles.
- Mickaël Wamen est un orateur hors pair, au discours flamboyant appuyé sur des formules chocs, et quelques constats radicaux et justes. Il ne fera pas oublier (avant tout aux ouvriers de Goodyear) la conduite bureaucratique de la lutte, la priorité au juridique (nouveau terrain de prédilection de la lutte des classes, il l’a justifié et a logiquement finalement tout perdu sur ce terrain). Aujourd’hui, il fait le bilan social de la catastrophe de la fermeture sans pratiquement de mesures sociales, il ferait bien de méditer les exemples qu’il a tant décrié, à PSA ou Continental.
Etc. nous renvoyons à tous les articles publiés à l’époque, et encore disponibles en ligne, nous nous répétons… (la CGT Goodyear ne peut pas en dire autant, puisqu’elle a fait disparaître tous les articles antérieurs à septembre 2012…)
Tout ceci ne retire bien entendu absolument rien au scandale de la condamnation à de la prison ferme pour les 8 délégués en cause, et justifie à 100% la mobilisation de cette semaine (retour à la première partie de cet article).
Mais prenons garde aux formules ronflantes de Wamen qui ne représente en fait que lui-même et quelques autres…