Mercredi 12 septembre 2012
La rentrée syndicale de la CGT
Tiens, pas de meeting de rentrée cette année...
Il est vrai que cela tenait un peu du rituel pour militants, mais c'était l'occasion de prendre le pouls de l'ambiance, des réactions des syndicats aux événements de la période...
Donc, pas de meeting, alors qu'il y avait de quoi dire avec le nouveau gouvernement, ne serait-ce que pour s'en féliciter (éventuellement ???) puisque la CGT a ouvertement appelé à dégager Sarkozy.("Elections : Thibault vs Sarkozy ?").
Pas de meeting en fait, parce que ça grogne partout dans la confédération. Et pas qu'un peu. Les vagues de licenciements dans l'automobile par exemple provoquent de très fortes tensions autour du 9 octobre et du Salon de l'automobile, avec évidemment un arrière plan politique : s'opposer ou pas au gouvernement Hollande ? Nous en reparlerons.
Donc pas de meeting de rentrée, pour éviter les vagues et les porte-à-faux.
On a donc suivi avec beaucoup d'intérêt l'intervention de Bernard Thibault ce matin sur Europe N°1 (doublée d'une interview au Monde), qui faisait à l'évidence fonction de meeting de rentrée...
Tellement d'intérêt qu'on vous la reproduit en totalité :
Prenons maintenant les sujets de l'interview les uns après les autres.
Le rapport Sartorius et la fermeture de PSA.
Elkabbach commence bien entendu par l'actualité du jour et la remise du rapport Sartorius. Il est en effet évident que PSA devient au fil des jours un symbole politique majeur pour le gouvernement, pour le PS, pour le MEDEF, et bien entendu pour nous tous, les ouvriers menacés par la nouvelle vague de restructurations.
Hier, à Aulnay, les ouvriers étaient extrêmement remontés contre Hollande, Montebourg et compagnie, à juste titre, et de plus en plus on voit la continuité avec Sarkozy Fillon et compagnie, l'agitation en moins.
Question politique majeure également pour les directions syndicales, et en premier lieu pour la CGT.
Et que voit-on ? Un Bernard Thibault mal à l'aise, incapable d'affirmer clairement et sans ambiguités la défense du site d'Aulnay, refuser de critiquer le rapport Sartorius et le gouvernement, renvoyer la balle sur le nouveau rapport de SECAFI prévu fin novembre ("PSA : des expertises pour quoi faire ?"). Un Bernard Thibault qui ne sait pas répondre aux interrogations insistantes de Elkabbach sur la compétitivité et la guerre économique, qui ne sait que s'appuyer sur les interrogations soulevées par le rapport Sartorius, incapable de se sortir de la logique du capitalisme.
On attendait un dirigeant à l'offensive, révolté, reprenant la colère des ouvriers de PSA, appelant à la mobilisation, et on a un dirigeant hésitant et attentiste... seulement capable de nous dire que "l'épisode de PSA n'est pas totalement clôt", si on veut mobiliser sur cette base, c'est mal barré. Seulement capable de dire qu'il faut examiner la situation de PSA en posant d'autres questions, d'autres possibilités - mais sans dire clairement "non à la fermeture", "non aux licenciements".
Les erreurs de gestion
Face à l'insistance de Elkabbach sur le cas PSA à laquelle il ne sait pas répondre, Bernard Thibault dégage en touche en généralisant plus largement sur "les erreurs des dirigeants", les "erreurs de gestion". Et d'appeler à de nouveaux droits pour les travailleurs, en fait, soyons clairs pour les responsables syndicaux.
On va résumer ce qui ressort de ce passage, ce que tout un chacun comprend :
- Le problème des licenciements, c'est qu'il y a eu des erreurs des dirigeants qui ont mené à cela;
- Pour éviter les licenciements, évitons les erreurs;
- Pour éviter les erreurs, associons étroitement les experts syndicaux en leur donnant de nouveaux droits;
- Et alors, en collaboration (éventuellement un peu conflictuelle) avec le patronat on arrivera à un monde harmonieux et fraternel, sans licenciements.
Nous caricaturons ? Pas du tout. Et d'autant moins que c'est très exactement l'orientation confédérale votée en Congrès ("Rapport d'orientation au 19ème Congrès : dans quel monde vivons-nous ?"), et qu'on va nous reproposer pour le 50ème Congrès l'année prochaine...
La mobilisation du 9 octobre et le rapport au gouvernement
Bernard Thibault revient alors sur les manifestations du 9 octobre "pour la défense de l'industrie", "contre la désindustrialisation de notre pays". Comme Elkabbach le chatouille un peu sur l'échec de Montebourg et le redressement productif, il explique que "le gouvernement est attendu comme ses prédécesseurs sur sa capacité à avoir une influence sur le développement économique et la marche des entreprises".
Nous on croyait qu'un gouvernement "de gauche" (si tant est que cela veuille dire quelque chose...) était attendu sur sa capacité à défendre les ouvriers et les prolétaires ???
On en a déjà beaucoup parlé sur ce blog, mais c'est quoi "la défense de l'industrie" ("Défendre l'emploi industriel ? le débat") ? On en reparlera évidemment autour du 9
octobre...
Et de poursuivre sur la supposée évolution du gouvernement Hollande depuis l'élection avec deux phases, dont la dernière plus influencée par la pression du MEDEF et des patrons. D'où l'importance de la mobilisation du 9 octobre pour "contrebalancer" quelque part...
Cette vision de la société est un peu consternante : en gros, il y a le gouvernement au centre, plutôt neutre, et tout le monde qui crie plus ou moins fort autour de lui, et c'est le plus fort qui l'emporte... Juste n'importe quoi ! On a vu ce que cela a donné avec Sarkozy, on sait d'où viennent et où vont les dirigeants du PS, de Aubry à Valls en passant par tous les autres.
La seule différence entre la droite classique et la social-démocratie, c'est pour les uns le bâton, pour les autres
l'enfumage. Et quelque part, la deuxième méthode est bien plus efficace pour faire passer les couleuvres (boas ??) auprès des dirigeants syndicaux et conserver la paix sociale... Pas de meeting
de rentrée cette année, n'est-ce pas...
Thibault revendique le vote contre Sarkozy, mais dégage en touche en disant que c'était "une condition, mais que cela ne suffit pas". Et d'insister sur les mesures "insuffisantes" pour tenir les promesses de Hollande. Mais en restant dans la généralité tellement haute que cela évite de se prononcer sur la situation concrète des luttes en cours, sur la situation matérielle concrète des travailleurs, la pauvreté, la misère qui s'élargissent.
On sent bien que tout en portant quelques remarques critiques, le secrétaire de la CGT fait tout pour éviter de mettre le gouvernement en porte-à-faux. Voilà la rentrée syndicale de la CGT.
A tous les syndicalistes de classe de méditer et de conclure. Et si vous avez un doute, allez, une nouvelle vision de l'interview, après la lecture de cet article.