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23 mars 2014 7 23 /03 /mars /2014 14:27

Dimanche 23 mars 2014

Congrès de la FNIC-CGT du 31 mars au 4 avril

 

La période actuelle est une période de confusion, et notre syndicat n’y échappe pas. Les contradictions s’accentuent, les tendances centrifuges se développent.

Le dernier CCN en a été l’illustration (« Le non enjeu et les enjeux cachés du 18 mars »), et si l’autorité de Thierry Lepaon est mise en cause, maintenant pratiquement ouvertement, ce n’est pas vraiment parce que le courant de classe se renforce. C’est qu’avec Hollande/Ayrault au gouvernement, mais avec l’alignement sur le MEDEF et sur les exigences du capital industriel et financier, la CGT ne sait plus trop à quel saint se vouer.
Bien sûr, il y a l’opposition frontale à l’ANI, à la nouvelle réforme pour les retraites, au pacte de responsabilité, ce qui accentue les contradictions avec la CFDT, d’où certaines des tensions quand Thierry Lepaon veut maintenir à tout prix le front intersyndical au nom du syndicalisme rassemblé.

Mais une opposition même radicale ne fait pas un projet. Et le projet confédéral, celui du « Meilleur Partage des Richesses » et de la campagne sur le « Coût du Capital » (« la CGT et le coût du capital »), celui du « Développement humain durable » (« Rapport d’orientation au 49ème congrès : dans quel monde vivons-nous ? »), ce projet ne marche pas, ne prend ni le syndicat ni parmi les travailleurs.

Nous l’avons déjà expliqué : face à la guerre économique mondialisée qui est aveuglante, c’est soit le fatalisme et la résignation (« on ne peut pas faire autrement, d’ailleurs, la gauche ne fait pas autre chose que la droite »…), soit c’est le rejet de recettes qui apparaissent vraiment simplistes pour faire face aux contradictions du capitalisme international (« si c’était si simple, ça se saurait… »), tout en conservant une vraie combattivité sur le terrain.

 

Il est donc important de comprendre ce qui se passe dans notre syndicat, au-delà des batailles de bureaucrates. Les congrès fédéraux et départementaux en sont l’occasion, ils nous offrent une lecture différente.

 

Le Congrès de la FNIC s’ouvre lundi 31 à l’Ile de Ré. La FNIC, c’est (comme d’autres…) un monde un peu à part dans la Confédération : un discours et une pratique de lutte de classe conservée, une forte combattivité, personne n’a oublié le blocage des raffineries durant le conflit sur les retraites en 2010. Les camarades de la Chimie s’étaient portés à l’avant-garde pour le blocage du pays, et si la Confédération l’avait voulu, il y avait là le socle d’un élargissement. On sait ce qu’il en a été (« Le conflit sur les retraites de 2010 »).

 

Le projet de bilan d'activitéLe document d'orientation

Nous avons donc repris le projet de bilan d’activité et le document d’orientation soumis au prochain 39ème Congrès, ils sont disponibles ci-contre.

Ces documents détonnent, car sur un certain nombre de questions, ils se démarquent franchement (souvent positivement) de l’orientation confédérale, même si ce n’est pas revendiqué.

  • Ils affirment le rôle de la lutte des classes face à la société capitaliste, en affirmant ouvertement que le « dialogue social », le petit jeu des « partenaires sociaux » n’est « qu’un jeu de dupes ».
  • Ils réaffirment le caractère de classe de l’Etat « de son contenu de classe dans la gestion des intérêts économiques et politiques des classes possédantes ».
  • Ils réaffirment l’importance de l’internationalisme et des liens internationaux, et affichent le souhait de rejoindre la FSM (le regroupement international concurrent de la CSI, ex centrale syndicale liée aux pays de l’Est et aux divers PC) tout en maintenant les liens avec lndustriAll de la CES. C’est quand même une petite bombe, ça, dans la CGT…
  • Ils affichent ouvertement l’interdiction générale de toute sous-traitance, et parlent d’éradiquer le travail pénible, d’abord par la réduction massive du temps de travail (32h en normal, 28h en posté avec la 6ème équipe). C’est franchement un souffle d’air frais dans le marigot des revendications « raisonnables »…
  • Ils revendiquent la récupération des gains de productivité au profit des travailleurs : « Il faut reconquérir d’abord les gains de productivité indûment détournés par le capital. Ces gains de productivité ont été captés par le profit. Pour les récupérer, il faut donc diminuer le profit et augmenter massivement les salaires, tout en diminuant le temps de travail pour tous ». Travailler moins pour travailler tous, c’est un sacré rappel dans notre syndicat !
  • Ils posent des revendications radicales comme la suppression pure et simple de la CSG et de la CRDS, la fin de l’exonération des charges patronales.

 

On le voit, il ne s’agit pas là de différences de virgules, mais de vraies démarcations avec l’orientation confédérale. Le signe de ces tendances centrifuges, de ces radicalisations qui se produisent en interne dans la confusion ambiante un peu généralisée.

Mais il faut garder raison. Ces démarcations sont positives et il faut les renforcer, aller dans ce sens mais pour en montrer le contenu véritable détourné par les dirigeants de la FNIC, ce ne sont pas non plus des enfants de chœur :

  • Non, ce n’est pas « le coût du capital, la sous rémunération du travail et la précarité des salariés qui sont la cause de la dérive récessive de notre économie ». La crise du capitalisme elle est dans l’exploitation, la concurrence, la guerre économique mondialisée. Là, la FNIC reprend complètement le discours confédéral et le contenu de la campagne sur le coût du capital et le meilleur partage des richesses, avec tout le volet classique de la trilogie salaires/qualification/classification, la grille unique de l’OS à l’ingénieur…
  • Non, on ne peut pas dire « comme ça », que « Nos industries représentent l'un des moteurs essentiels du progrès économique et social, incontournables et irremplaçables : leur avenir doit être placé sous contrôle public ». L’industrie s’est construite sur la base des exigences du profit, il appartient aux travailleurs de s’interroger sur son développement, son utilité (le nucléaire ?), et la manière dont la production y est conçue pour faire suer le profit et non pas répondre aux besoins sociaux.
  • Non, la nationalisation n’est pas la solution pour « échapper à la loi du profit » : « La FNIC CGT revendique la nationalisation du secteur pétrole, des industries de santé, des grands secteurs de la chimie, et des activités structurantes de notre pays, de façon à soustraire ces secteurs à la loi du profit ». Ce qui renvoie au même débat qu’autour de l’économie sociale et solidaire, comme si la propriété juridique du capital changeait les règles du jeu de l’économie capitaliste, les lois du marché, la concurrence. Les nationalisations de l’après-guerre, celles de 1981, sont bien là pour prouver le contraire.
  • Non l’Etat n’est seulement affaire de gestion d’une manière ou d’une autre, au service des uns ou des autres selon le rapport de forces. L’Etat est le quartier général de nos ennemis, de nos exploiteurs, dans le contexte général de la mondialisation capitaliste…
  • Non les exigences syndicales sur le travail ne se réduisent pas à « la finalité du travail et à l’exigence d’une meilleure répartition des richesses ». Le travail, dans la société capitaliste, c’est d’abord et avant tout l’exploitation, formule qui n’apparaît jamais dans tout le document de la FNIC… Comme s’il s’agissait seulement d’une mauvaise gestion de la société, inhumaine quelque part.
  • Non, le protectionnisme d’un « bouclier social » qui taxerait les importations pour rétablir l’équité des différences de valeur du travail social n’est pas la solution, car le capitalisme est aujourd’hui international, et que, sans changer les règles du jeu de la concurrence mondialisée, toute mesure protectionniste provoquera, quasi automatiquement, les rétorsions des grands monopoles internationaux.
  • Non, réduire le temps de travail et réparer au niveau de la retraite n’est pas suffisant pour imaginer éradiquer le travail pénible. Pour "Travailler tous, travailler moins, travailler autrement", il faut en finir avec le travail posté, le travail à la chaîne, le travail de nuit, le harcèlement de la hiérarchie, il faut changer les règles du jeu, mettre tous les travailleurs (et pas seulement des droits nouveaux pour les IRP !!!) au cœur de la société : c’est le pouvoir au travailleurs, le pouvoir d’Etat !

Et ainsi de suite. On voit bien tout ce qu’il y a de positif dans le document proposé au congrès de la FNIC, mais aussi toutes les limites, l’orientation étant largement construite autour des anciennes positions du PC dans les années 60, nationalisations, renforcement du rôle de l’Etat + plus de démocratie… en laissant de côté l’exploitation, la concurrence et la mondialisation.

Quoiqu’il en soit, il y a matière à débattre et à avancer, non seulement sur les idées en général (qui sont néanmoins le socle sur lequel s’appuient ensuite les revendications), mais sur des grands thèmes revendicatifs que sont la réduction du temps de travail (Travailler tous, travailler moins, travailler autrement), sur la retraite (retraite à 55 ans, sans conditions de trimestres), sur les salaires (salaire mini, salaire maxi et augmentations en sommes fixe), sur la pénibilité et la souffrance au travail (travail posté, sur machine etc.) et ainsi de suite !

 

Alors oui, il y a des démarcations positives à la FNIC ! Travaillons à en faire des démarcations de classe !

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