Lundi 7 octobre 2019
UD CGT de la Gironde : un congrès agité mais bien verrouillé !
Le Congrès de la CGT départementale s’est réuni courant septembre, et une fois n’est pas coutume, il a été préparé sérieusement par une série de syndicats qui « en avaient lourd sur la patate » comme on dit, CGT Ford en tête après plus de 10 ans de combat interrompu contre la fermeture, ce qui mérite d’être salué.
Ces syndicats, 9 initialement et 16 à l’ouverture du Congrès (*), ont défendu ce qui peut être compris comme une critique radicale et une résolution d’orientation alternative, au travers une motion dont le vote était demandé au Congrès (voir la motion ci-contre). Point de surprise, l’annonce était connue depuis des mois, présentée à la CE, et défendue par plus de 10% des syndiqués du département.
Le résultat est raconté dans les détails ci-dessous, et décrit bien la situation de notre confédération. Un verrouillage absolu et anti-démocratique, qui garantit le résultat avant même le début du processus. Mais la narration des camarades donne un peu le vertige, et impose la réflexion : ça va changer comment dans la CGT ? C’est pas gagné, c’est le moins qu’on puisse dire… Ajoutons que c’est exactement la même chose dans des structures prétendument d’opposition, la Fédération du Commerce pour ne pas la citer.
Nous reproduisons donc le compte rendu réalisé par « les délégués signataires de la motion », ainsi qu’il est publié sur le site de la CGT Ford et sur Facebook. Maintenant, à chacun d’en discuter largement pour voir quelles conclusions en tirer.
Selon nous, l’heure n’est pas arrivée de « prendre d’assaut » les structures, d’imaginer pouvoir dès à présent dégager les réformistes bureaucrates qui se cramponnent à leurs privilèges et aux miettes que leur concède l’impérialisme (lire « L’impérialisme et la scission du socialisme » un petit texte centenaire que nous nous faisons un plaisir de mettre à disposition de nos lecteurs). L’heure est à tisser des liens à la base, à débattre, à confronter les points de vue sur des sujets sensibles (par exemple, au hasard le paritarisme, la défense des services publics, ou les nationalisations, ou la défense de l'emploi industriel comme le relève à juste titre le compte rendu et la motion - voir tous les articles du blog à ce propos ICI), à dégager des priorités (par exemple précarité et sous-traitance, pénibilité et environnement, défense intransigeante de l'emploi etc.) pour entamer un travail en commun, pour construire une opposition dans la CGT digne de ce nom. La convergence des luttes est un de ces sujets, tant elle sème également de confusions, il faut en débattre.
On peut aussi relire avec profit quelques vieux textes qui éclairent fort bien encore la situation présente (voir les textes de l’Internationale Syndicale Rouge des années 20 ICI).
Le compte rendu fait par les délégués signataires est fort intéressant, et reflète tout à fait ce qui se passe chez nous, à chacun d’en tirer profit !
(*) CGT Ford, CGT Territoriaux Cobas, CGT Clinique Bordeaux Nord, CGT Educ’Action, CGT Caisse des Dépôts, CGT Territoriaux Opéra, CGT Monnaie de Pessac, CGT Fondation Roux, CGT Enseignement privé, CGT Territoriaux Haute-Gironde, CGT Territoriaux Blanquefort, CGT Territoriaux Le Bouscat, CGT CARSAT Aquitaine, CGT Territoriaux de Cestas, CGT Territoriaux de Bruges, CGT Territoriaux de Pessac.
Compte rendu du Congrès de l’UD CGT 33 de septembre 2019
Dès le mois de juin, des camarades de la CGT ont voulu préparer collectivement ce congrès en pointant à la fois la question de l’orientation et celui du manque de démocratie interne au sein de l'UD qui sont bien sûr liées.
En Gironde, pendant tout le mouvement des Gilets Jaunes, l'UD est restée absente, s'alignant sur la position de la confédération, alors que dans le même temps, pas mal de militants CGT se retrouvaient dans les manifestations du samedi ou sur les ronds-points.
Le texte d'orientation de l'UD pour ce congrès ne mentionnait qu'à peine les Gilets Jaunes, tout en commentant : « La convergence des luttes est souvent évoquée et attendue, mais rarement définie. (…) Pour qu’il y ait convergence des luttes, il faut des luttes »… ignorant la situation de ces derniers mois.
9 syndicats ont ainsi rédigé et signé une motion posant à la fois la question d'une orientation pour construire un véritable mouvement d’ensemble, face aux attaques globales de Macron et du patronat, et posant celle du manque de démocratie de l'UD. En toute transparence, les syndicats signataires ont indiqué leurs candidats à la CE de l’UD qui se présentaient sur la motion.
Cette motion a été présentée le 6 septembre par 4 camarades lors de la CE de l'UD, avec demande de diffusion du texte. La réponse a été claire : refus catégorique de la CE et interventions en cascade et climat tendu pour dénoncer ... "ceux qui divisent".
Nous avons diffusé nous-même le texte avec nos propres moyens, qui a été signé au final par 16 syndicats.
Pour ce congrès, à la différence d’il y a 3 ans, la direction avait non seulement limité le nombre de délégués, mais aussi annoncé qu’il n’y aurait pas d’invités pour les syndicats. Comme si le débat le plus large n’était pas indispensable entre équipes CGT, face à la gravité de la situation. Au lieu de cela, toute une série de "tables rondes" étaient prévues tout au long du congrès et bien sûr, rien de prévu sur la question de la motion.
Autre différence, le débat sur les commissions a été plus que rapide. Dès le début du congrès, le bureau a présenté les listes des commissions votes et mandats, amendements, candidatures à la CE et à la CFC, déjà bouclées par la CE sortante, sans appel aux camarades du congrès pour les compléter ! Des camarades sont intervenus contre cette situation, et le bureau a dû rajouter quelques noms… On est loin d’un congrès souverain qui décide collectivement de son fonctionnement. A noter que le successeur annoncé à la fonction de secrétaire général est désigné « membre référent » de la commission de candidature : juge et partie, c’est tellement plus pratique.
Le rapport de la secrétaire générale sortante sur le bilan et la situation n’a même pas prononcé le mot Gilets Jaunes. Sur la manifestation des Ford le 21 septembre, elle a esquivé son absence de solidarité avec les camarades en expliquant qu’il y avait aussi ce jour-là la « manif pour la paix » et sur le bilan, pas un mot sur les difficultés que bien des équipes rencontrent dans cette rentrée pour construire la lutte pour les retraites.
Nous avons posé le débat sur la motion dès la discussion sur le bilan, en la lisant devant le congrès et en demandant qu’elle soit mise au vote des congressistes. Ce bilan est indispensable pour la suite. Alors qu’en cette rentrée la question des retraites et de la riposte se posent, on ne peut pas faire comme si les derniers mois n’ont pas existé. L’offensive est grave et globale, et tant mieux que des secteurs de travailleurs prennent leurs luttes en mains, s’organisent par eux-mêmes. La vraie discussion que nous avons besoin de mener, c’est comment faire converger, la colère des salariés, des Gilets Jaunes, des collectifs comme les Inter-urgences, …
Le ton des réponses de la direction de l’UD était plus calme que lors de la CE, congrès oblige, mais le fond était toujours le même : c’est une motion qui « divise », alors qu’il nous faut nous rassembler nous a-t-on expliqué… Belle hypocrisie vu les choix qu’avaient déjà pris la direction !
Certaines interventions plus agressives, ont même dénoncé la manipulation de « certains partis politiques »… plutôt surprenant de la part de militants le plus souvent membres de partis politiques. En tout cas, concernant la motion, celle-ci réunissait des sensibilités différentes mais défendant toutes les idées de la lutte de classe.
Martinez, présent lors de la 1ère journée, est aussi venu soutenir l'UD 33 en expliquant sur les Gilets Jaunes, qu’il y avait des gens d’extrême-droite comme dans le Pas de Calais… façon de tenter de discréditer l’ensemble du mouvement. Mais le ton général était en gros de dire : « il faut arrêter, sur le fond, on est tous d’accord, on veut tous un mouvement d’ensemble » … tout en insinuant à propos de la manifestation des Ford le 21 septembre, que cela revient à diviser par rapport à l’appel du 24 septembre sur les retraites. Et plus tard avec ce même état d’esprit et en suivant les recommandations, le congrès refusait un amendement qui préconisait de « …donner une perspective de généralisation de la grève ». A l’écouter, les travailleurs ne peuvent faire qu’une manifestation dans le mois… même un samedi ! Il a aussi été interpellé plusieurs fois sur le dialogue social avec le gouvernement sur les retraites, car il est plus que temps de rompre ce « dialogue social » qui permet à Macron de manœuvrer.
Le bilan d’activité de la direction sortante a été contesté par 12,08% de votes (899 mandats) contre et 9,05% d’abstention, ce qui est plus important que les précédents congrès.
Le soir, s’est tenu la commission des amendements. La question de la motion y a été soulevée et la commission a refusé d’en discuter. Au nom de quoi des syndicats n’ont-ils pas droit de mettre au vote une motion lors d’un congrès de syndicats ? Pas de réponse.
Le lendemain, nous avons eu une succession de « tables rondes » pour discuter du texte d’orientation. La première sur le thème « quel avenir pour la filière automobile », s’est tenue sans invitation des camarades de Ford ! Un comble, vu l’impact de Ford dans la région et vu la lutte menée par ces camarades depuis plus de 10 ans. Plusieurs camarades de la métallurgie ont dénoncé cet « abandon » de l'UD par rapport à la lutte des camarades de la CGT Ford.
La question de la lutte contre les licenciements, contre les suppressions d’emplois massives, dans le privé comme le public, s’est donc réduite à une table ronde sur les « filières », les « projets industriels », la « transition énergétique » ou le « moteur à hydrogène » … Des intervenants expliquant eux-mêmes que sur ces projets, « on n’est pas dupe. Les politiques se font mousser et les patrons sont intéressés par les subventions » … on défend les subventions publiques aux patrons ou pas ?
Le débat qui a suivi s’est à nouveau centré sur la motion. Un camarade de Ford est revenu sur leurs 10 ans de bagarre et les comportements des pouvoirs publics, des institutions, etc. Les travailleurs ne peuvent compter que sur leurs luttes et penser que les patrons vont écouter les « propositions » de la CGT quand ils ne cherchent qu’à gonfler leurs dividendes n’a pas de sens. La vraie question c’est de contraindre les patrons et comment ?
Et puis, parler de « projet industriel » sans parler de l’état de crise du capitalisme n’a pas de sens non plus. Le véritable problème c’est qui dirige ? On le voit bien face aux licenciements comme à Ford, c’est bien la question des réquisitions qu’il s’agit de mettre en avant face aux actionnaires.
Une deuxième « table ronde » a concerné les retraites et la sécurité sociale, avec un grand développement sur le Nouveau Statut du Travail Salarié, présenté comme « la » réponse aux licenciements et à la précarité… Comme si une telle « proposition » pouvait tranquillement être mise en œuvre aujourd’hui. Qui peut y croire ?
Sur les retraites, plusieurs interventions ont réclamé que la CGT sorte des discussions avec le gouvernement et Macron. Après 18 mois de « concertations » avec Delevoye, après le rapport sorti en juillet, les choses sont pourtant claires. Il n’y a rien à négocier, il faut imposer le retrait de tous les projets du gouvernement sur les retraites et arrêter le dialogue social qui permet à Macron de gagner du temps et de manœuvrer.
Une déclaration est sortie du congrès dans ce sens, car cela correspond à la volonté de beaucoup de militants. Par contre, la responsable confédérale présente a expliqué que la CGT va prendre position, mais après le 24 septembre, car « s’il y a du monde dans la rue, il faudra bien sûr négocier » … Façon de refuser le bras de fer qui s’engage dès le 24 septembre.
Après les débats, s’est tenue la commission des candidatures. Après les belles déclarations sur « l’unité » dans la CGT des premiers jours, la politique de la direction de l’UD, qui était déjà décidée avant le congrès, s’est précisée : tous les candidats qui ont soutenu la motion sont écartés par principe. Ainsi, la commission désignée pour l’essentiel à l’avance par la CE sortante, décrète le délit d’opinion comme critère… pas franchement statutaire !
Le lendemain, dernier jour du congrès, le débat sur l’orientation a repris, avec le point sur la syndicalisation, avec une nouvelle « table ronde ».
Celle-ci a permis d’entendre un témoignage intéressant d’un camarade du syndicat des livreurs à vélo, racontant comment ils travaillent avec des collectifs comme le Clap ou autre, car tout le monde ne se reconnait pas forcément dans un syndicat.
Les interventions confédérales ou de l’UD étaient par contre bien plus « langue de bois », en nous vantant une CGT « plus ouverte et plus inclusive » … Dès le débat, nous sommes intervenus sur cette grande « inclusivité » de la commission de candidature qui exclue ceux qui ne sont pas d’accord avec le bureau de l’UD, en réclamant une réponse à la demande de mise au vote de la motion.
Après délibération, le bureau du congrès est venu présenter sa décision de ne pas accepter la mise au vote de la motion puisque l’orientation est majoritaire. Cette décision a dû être mise au vote devant le désaccord de beaucoup de militants. 99 délégués ont suivi l’avis du bureau du congrès, mais 46 ont voté contre, presqu’un tiers, et 8 se sont abstenus.
De même, les votes contre l’ensemble du texte d’orientation ont été plus nombreux que pour le bilan d’activité : 12,69 % de contre, soit 1089 mandats et 4,72 % d’abstention.
Au moment du vote de la nouvelle Commission exécutive de l’UD, la commission des candidatures est restée sur sa position. Elle a présenté une liste de 36 noms, en expliquant qu’elle avait écarté les candidats qui soutenaient la motion pour la « sérénité des débats » de la future CE ! Quelle majorité, qui décide d’écarter sur la base d’une orientation pour la convergence des luttes, 9 militants présentés par leurs syndicats, soit environ 1000 voix de syndiqués sur les 9000 du congrès. Et comme pour le vote de la motion, cette décision est prise par une commission quasi-désignée à l’avance par la CE sortante.
Beaucoup d’interventions ont ensuite dénoncé cette décision de la commission de candidatures et de la direction de l’UD, bien au-delà des camarades qui défendaient la motion. Dans ces interventions, des camarades ont aussi demandé à rajouter les noms des camarades écartés, qui n’étaient même pas mentionnés dans le bulletin de votes ! Toutes les pressions sont bonnes pour voter la liste bloquée, décidée par la commission. Un membre du bureau de l’UD sortante a même voté à la place d’un délégué, parti du congrès avec ses mandats, écœuré de l’attitude de la direction de l’UD. Et après, les mêmes nous font de longues tirades sur la démocratie syndicale.
Malgré toutes ces manœuvres, des camarades de plusieurs syndicats qui n’étaient pas signataires de la motion, sont venus nous dire qu’ils nous avaient rajoutés dans la liste pour la CE de l’UD.
Au final, la liste entière a recueilli les voix pour être élue (75 %), mais à ce jour, les syndicats n’ont toujours pas le détail des votes et combien chaque candidat à la CE a recueilli de voix. C’est d’autant plus inadmissible que le décomptage des votes s’est déroulé à huis-clos, sous la surveillance d’un SO. Dans n’importe quelle élection, le dépouillement des bulletins de vote est pourtant public !
Tout cela s’est vu largement et nous avons annoncé publiquement que face à la volonté de la direction d’écarter toute contestation de sa politique et de ses pratiques, nous continuerons à regrouper tous ceux qui veulent « une nouvelle orientation pour construire la convergence des luttes » comme le titrait notre motion.
Les délégués signataires de la motion
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