Nous avons reçu récemment le document suivant qui est une critique d’un article paru le 17 mars sur ce blog, juste avant donc la journée du 19 mars, et qui portait un avis sur cette journée. A la suite de ce point de vue, nous rajoutons quelques remarques pour poursuivre le débat.
Le 19, était-ce bien « Chérèque qui menait la danse ? »
Pas bien sûr. N’est-ce pas tout d’abord le mouvement social, la lutte sociale (voire la lutte des classes) qui menait la danse ? N’est-ce » pas le mouvement social
qui impose aux directions syndicales d’engager des journées d’action qui se veulent « syndicales » (mais qui sont en fait générale et politique, du fait de l’ampleur et de la tonalité
anti-Sarko), car si les directions syndicales n’agissent pas cela risquerait, comme le dit le collabo Chérèque « d’exploser de manière incontrôlée » ?
Car la détermination est là, même non structurée (selon le blog). Et on ne peut pas uniquement parler de colère, de rage… il faut aussi parler de cette conscience qui naît et se développe, qui
désigne l’adversaire : les représentants gouvernementaux et patronaux du capitalisme mondialisé qui contre-réforme. Aux syndicalistes de luttes, aux militants révolutionnaires de le structurer et
d’en développer la conscience et l’organisation vers l’abolition du patronat et du salariat.
Et le jeudi 19 n’a en rien été « une désillusion » prévenait le blog. La tension n’est pas retombée, au contraire : les manifs et les manifestants se sont aussi renforcés en détermination. Les
sondages le disent encore aujourd’hui 4 jours après : 60% des interrogés en veulent encore, prêts à y aller ! Et ça bouge dans les structures de base des syndicats.
Et il était inutile pour le 19 que « les médias en fassent la pub ». Ce qui surprend, c’est que le blog laisse entendre que la mobilisation serait l’œuvre des médias --- les grands capitalistes
qui les contrôlent seraient de mèche avec les grévistes ? La grève générale du 19 serait-elle une vaste « provocation patronale », comme aurait pu le dire, il y a encore quelques années, la
direction de la CGT ? Enfin, si les médias en ont plus ( ?) parlé cette fois-ci, c’est peut-être que les journalistes et autres, dans les médias, se sentent concernés, menacés dans leur
situation.
Le 19, la combativité s’affirmait en prenant l’exemple de la Guadeloupe : les masses avaient bien compris que « l’arrière plan des luttes » en Guadeloupe était principalement la lutte des
classes, la lutte classe contre classe. L’opposition anti-coloniale, légitime et soubassement historique, passait au second plan. C’est la « pwofitazion », l’exploitation et la misère quelles
engendrent qui était et restera le moteur de la lutte sociale en Guadeloupe, comme ici. Et il faut l’appuyer, le populariser, car c’est ça aussi qui montre que nous changeons d’époque.
Que Chérèque soit mis en
avant par Thibault est un fait qu’il nous faut analyser --- et bien comprendre que dans un premier temps mettre en avant Chérèque vise à justifier une non initiative de la direction CGT, au nom
de l’unité syndicale. Ce n’est pas nouveau comme tactique. Ce n’est pas pour autant que la direction de la CGT n’a rien à dire « dixit le blog », à proposer. Elle a bien une ligne politique : ne
rien faire qui puisse remettre en question son esprit de collaboration de classe, de « gestion humaine » du capitalisme. Et c’est dans la ligne d’appeler à se syndiquer, d’appeler à une nouvelle
politique d’emploi industriel. C’est cela la collaboration de classe : donner des conseils aux capitalistes pour sortir de al crise en pratiquant notamment la flexi-sécurité, la « sécurité
sociale professionnelle ».
On ne se fait aucune illusion sur la ligne confédérale. Et le blog quand il le démontre, preuve à l’appui, a tout à fait raison ; faut-il encore oser développer une ligne alternative.
N.
Nous ne comprenons pas très bien le sens de la critique de notre lecteur.
1) Depuis l’origine, le blog démonte article après article l’orientation de la direction confédérale, il nous est impossible de rappeler la masse des articles qui l’illustrent. Un article de blog n’est qu’un article de blog, écrit rapidement, pas une thèse théorique, et ne peut systématiquement répéter à chaque fois les mêmes démonstrations, ça serait lassant. Donc, OK, la CGT a une orientation, nous ne disons pas autre chose, avec le même contenu d’ailleurs, depuis plus de trois ans.
2) La critique de notre lecteur comprend selon nous deux confusions :
• d’une part confusion entre combativité et conscience, en établissant un lien mécanique entre les deux. Nous disons que oui il y a combativité croissante dans les masses révoltées, mais que la conscience est en retrait, ne va pas au-delà de l’anti-Sarko de rigueur, et en particulier qu’on ne voit pour l’instant pas poindre de rupture significative avec le réformisme syndical. Nous l’avons écrit : on n’est même pas encore dans la situation des grèves de 1995. Ce qui bien entendu ne veut pas dire qu'il n'y aura pas radicalisation à l'avenir. C'est même évident !
• D’autre part confusion dans savoir à qui s’adresse ce blog, quels en sont les lecteurs. Ce blog a en gros 1000 lecteurs différents chaque semaine, qui sont pour l’essentiel des militants actifs. Des camarades engagés dans la lutte des classes, à qui il n’y a pas besoin d’expliquer qu’il faut aller au combat, même si les conditions ne sont pas réunies comme nous le souhaiterions. Des camarades qui cherchent à comprendre, comme ce cheminot retraité. Et le rôle du blog est de donner des éléments d’explication de la situation, justement. Nous le disions dans l’article : ces militants allaient faire grève « pour ne pas baisser la garde face à Sarkozy », même s’ils étaient (et sont toujours) dégoûtés par les directions confédérales, voir par exemple le compte rendu d’une conférence de presse de la Métallurgie Nord Pas de Calais dans la Voix du Nord du 5 avril dernier. Mais nous affirmons que chez ces militants (pas dans les larges masses, qui ne connaissent même pas l’existence du blog…), autant pour le 29 janvier c’était la rage (ce qui ne veut pas dire absence de conscience), autant pour le 19 mars le sentiment était beaucoup plus désabusé. Et à nos lecteurs de nous démentir si nous nous trompons.
• Les sondages dont parle notre lecteur ne font aucune distinction entre catégories, mais nous, nous les faisons, à partir de notre connaissance directe du terrain, et nous savons qu’il y a une distinction importante entre militants de lutte de classe, plus avancés et conscients que la moyenne des grévistes et manifestants, militants de lutte de classe qui s’interrogent sur les orientations et le rôle de nos directions syndicales… Et c’est à eux que ce blog est destiné.
3) Sur les médias, franchement, nous ne comprenons pas trop la polémique… Est-elle bien intéressante ? L’article du blog soulignait qu’on en parlait beaucoup plus du 19 mars que du 29 janvier, et que c’était peut-être aussi parce que Chérèque et consorts ne cessaient de donner des garanties au gouvernement sur la manière de canaliser le mécontentement pour d'éviter l'explosion. Vrai ou faux ? Expliquer par le fait que les journalistes soient à leur tour touchés… pffff, c’est un peu nul.
4) Sur Chérèque qui mène la danse. Le sens de l’article, c’était de traiter de pourquoi 7 semaines entre deux journées d’action, question que tous les syndicalistes un minimum combatifs se posaient – et ce sont à eux que le blog s’adresse. Bien sur il y a la révolte, développement des grèves, maintenant début de séquestration des dirigeants, et ce la va sans doute aller en s'accentuant. Nous en parlons systématiquement, et continuerons à le faire. Mais la question, c’était d’expliquer qu’au nom du « syndicalisme rassemblé », la direction de la CGT s’alignait sur les positions de la CFDT, une illustration particulièrement nette de ce que nous appelons la CFDTisation. Chérèque n’a pas été "mis en avant" par Thibault, contrairement à ce que dit notre lecteur, la confédération est suffisamment maligne pour garder un fer au feu en cas de trahison manifeste (toujours possible) de la CFDT. Mais la CGT s’est mise à la remorque de la CFDT, c’était flagrant, il fallait le dire, nous l’avons fait. Où est exactement le problème ?
5) En conclusion, nous voudrions terminer sur la petite phrase prétentieuse de notre lecteur : « Faut-il encore oser développer une ligne alternative ». Nous avons développé dans un article de débat très récent les difficultés de notre position. Nous tentons à chaque moment de proposer une orientation, une alternative, des propositions, ce que nous avons commencé lors du 48ème Congrès, que nous avons poursuivi autour des Forums d’opposition syndicale, des sujets majeurs comme la pénibilité, les sans-papiers, le suivi de l’actualité sociale et syndicale. Mais un blog n’est qu’un blog, rien de plus, et nous savons (c’est aussi un indicateur de la période actuelle) que pour l’instant il n’est pas capable d’organiser. Alors, à sa petite échelle, il trace une orientation, sans doute pas encore une « ligne alternative », nous le savons sans nous y résigner. Nous serions cruels de renvoyer à notre lecteur sa propre incapacité à tracer cette ligne alternative, qu’il n’aurait évidemment pas manqué de proposer à tous s’il l’avait eue…