Suite à l'appel lancé sur ce blog, des camarades de la CGT se sont retrouvés et ont jugé nécessaire de faire la déclaration suivante, qui va d'ailleurs être diffusée largement lors de la manifestation anniversaire de l'évacuation des Saint-Bernard, samedi prochain 22 août, de la rue Baudelique (75018) à l'église Saint-Bernard.
Nous, militants CGTistes dans les secteurs suivants : OPH, SANOFI Aventis, Retraités, Éduc’action 93, St Gobain, CGT Montreuil, Comité de Sans-papiers grévistes de Viry Châtillon, engagés dans le soutien à la lutte des Sans-papiers, nous sommes réunis en réponse à l’appel du blog Ouvalacgt, 14 rue Baudelique à Paris 18ème, pour faire le point sur les contradictions internes qui ont éclaté au grand jour dans la CGT depuis l’évacuation de la Bourse du travail, le 24 juin dernier.
Conscients de ne pas être les seuls dans notre Confédération à avoir été révoltés non seulement par la forme qu'a prise cette expulsion, mais aussi sur le processus qui y a conduit, en contradiction avec les positions prises par notre dernier Congrès, nous avons décidé d'élargir cette réflexion et de la partager avec tous les militants qui le souhaitent.
Deux premières réunions nous ont permis un échange approfondi sur les réactions des syndicats et collectifs auxquels nous appartenons face à la mise en œuvre brutale de l’orientation de la Confédération vis à vis de la CSP75 et des dégâts qu'elle a produits chez nos syndiqués. Nombre de militants sont scandalisés ; des jeunes déchirent leur carte…
Par ailleurs, des militants sincères poursuivent leur soutien aux Sans-papiers, mais sans remettre en cause les orientations actuelles de la CGT. Ce refus d’analyse repose pour certains sur une information insuffisante, pour d’autres sur la crainte des conséquences d’une critique du fonctionnement anti-démocratique et d’une pratique en contradiction avec les orientations du dernier congrès de notre syndicat.
Convaincus au contraire que ce qui s'est passé à la Bourse est significatif de l'orientation mise en œuvre par la direction de notre syndicat, en particulier par l’expérience directe de la trahison de la Confédé qu’ont vécue les camarades Sans-papiers, nous rendons publiques les premières conclusions de ce débat :
1 - Le véritable historique de l’occupation de la Bourse par la CSP75 doit être connu :
Quand le mouvement a été lancé par la CGT le 15 avril 2008, les délégués de la CSP75 se sont rendus à l’UD de Paris où ils ont été reçus le 17 avril par l’ex secrétaire général de l’UD et le secrétaire de l’UL de Massy. Les sans papiers leur ont rappelé leur attachement de longue date à l’UD de Paris, le nombre de réunions faites en commun, les manifestations où tous les collectifs parisiens défilaient sous les banderoles de l’UD CGT de Paris. Ils ont rappelé également qu’ils étaient syndiqués à la CGT, depuis plusieurs années pour certains d’entre eux. Conscients de l’importance du mouvement qui se déclenchait, ils ont demandé à être y intégrés. On leur a répondu d’aller eux-mêmes à la préfecture, mais en leur précisant qu’il y avait déjà le compte de dossiers convenus avec Hortefeux (1000) et qu’on n’avait donc pas besoin d’eux. En un mot, on les a envoyés balader... Quand ils se sont aperçus que, le 20 ou le 21 avril, Francine Blanche et Raymond Chauveau étaient allés chez Hortefeux et s’étaient mis d’accord sur ce dépôt unique de 1000 dossiers, ils se sont sentis trahis. D'où l'occupation de la Bourse.
Il devenait clair que l’objectif de la Confédé n’était pas d’élargir le mouvement, alors qu'elle l'avait fait miroiter et que toutes les conditions étaient réunies… mais seulement de médiatiser quelques exemples symboliques et d’utiliser les Sans-papiers en tête des manifestations pour l’image. Comme disent les Sans-papiers, "ils ont fait de nous des hommes sandwich". La CGT a dépossédé les travailleurs Sans-papiers de leur lutte.
Clair aussi que les propositions de la CGT ne concernaient pas les travailleurs Sans-papiers isolés : aucune perspective de lutte collective ne leur était proposée, alors que leur isolement ne leur permettait ni d’obtenir le Cerfa par le patron, ni de faire grève.
L'ouverture de négociations directes avec le ministère sur la régularisation selon les critères Hortefeux dans le cadre de la politique d’immigration choisie rendait inutile pour la Confédération l’extension du mouvement des Sans-papiers à d’autres secteurs. Voire, elle devenait nuisible pour sa crédibilité de "syndicat responsable".
Tout cela n'est-il pas en totale contradiction avec les engagements du 48ème Congrès à défendre la régularisation globale de TOUS les Sans-papiers ?
2 - Le choix de se désolidariser de fait des Sans-papiers, en les jetant brutalement à la rue place de la République, n’est donc pas une dérive de quelques bureaucrates, mais bien une orientation qui se trouve confirmée par d’autres actes de capitulation de la direction CGT dans la dernière période : absence de mobilisation générale après les grandes journées d’action de janvier et mars dernier ; absence de coordination des secteurs en lutte, en particulier dans l’automobile où les salariés sont touchés de plein fouet par la crise : PSA, Continental, sous traitants de Renault…
Absence de directives de lutte offrant des perspectives aux milliers de licenciés réduits à des gestes de désespoir pour attirer l’attention des médias, et à réclamer une prime de dédommagement alors que leur avenir et celui de leur famille est barré.
La responsabilité de la Confédé est clairement engagée, car seule la direction d’un syndicat interprofessionnel dispose de tous les réseaux et moyens d’impulser rapidement et puissamment le mouvement d’ensemble qui s’impose.
3 - Par ce compte-rendu, nous invitons tous nos camarades CGTistes à engager au plus vite le débat à l’intérieur de leur syndicat afin de construire ensemble l’orientation de lutte de classe qui pourra seule nous faire affronter la crise :
- Vis à vis des Sans-papiers : la reconnaissance de leur rôle dirigeant dans la conduite des luttes pour la régularisation de tous. Quelle légitimité ont des accords signés sans la présence d'aucun représentant des Sans-papiers ? Quelle justification peut avoir l’absence d’impulsion de luttes pour défendre les Sans-papiers isolés et les intérimaires ? Quel type d’avenir nous offre la restriction de la défense de nos camarades Sans-papiers à l’application "réaliste" de critères Hortefeux dont on voit bien aujourd'hui où ils mènent ?
- Vis à vis de l’ensemble des travailleurs touchés par la crise, quelles perspectives offre l’orientation actuelle de la Confédération qui nous maintient isolés secteur par secteur, et qui négocie à froid dans notre dos ?
Conscients de nos responsabilités de solidarité ouvrière avec les Sans-papiers, nous appelons les syndicalistes à diffuser largement ce texte et à apporter leur propre contribution au débat.
L’appareil syndical n’appartient pas à quelques professionnels de la négociation. Il doit être aux mains de ceux qui en feront l’outil des combats de classe de la période.
La lutte des Sans-papiers pour la régularisation de tous doit reprendre l'essor qu'elle avait pris début 2008, soutenue par l'opinion publique en tant que lutte de travailleurs pour leurs droits fondamentaux.
Cet élan a été cassé par la direction de notre Confédération. La CGT doit reprendre ce combat avec tous les Sans-papiers.