[Les divers rapports de pays sont issus du CITA. Nous pouvons ne pas en partager tel ou tel aspect]
Le sous-continent d’Amérique du Nord est composé de seulement deux pays : le Canada et les États-Unis.
1) Tous les deux sont des pays impérialistes dominants. Ils ont beaucoup de points communs, au niveau économique et culturel ainsi qu’au point de vue du développement du mouvement ouvrier.
En partie, on compte aussi le Mexique dans les pays d’Amérique du Nord. Les trois pays forment une zone de libre-échange commune, l’ALENA. Mais en tant que pays en voie de développement, le Mexique fait surtout partie de l’Amérique latine.
2) Les États-Unis avec leur capitale de Washington D.C. comptent 306 millions d’habitants. C’est toujours la première puissance économique et financière, l’unique superpuissance qui subsiste.
Néanmoins elle a dépassé le point culminant de sa puissance et est en perte de vitesse.
3) Le Canada avec sa capitale Ottawa est le deuxième pays du monde quant à sa superficie, mais compte seulement 33 millions d’habitants.
Quand on regarde sa part du capital financier mondial, le Canada est au neuvième rang. À la différence des États-Unis, l’économie canadienne est caractérisée par une dépendance de l’exportation de 38 %, dont 79 % vont aux États-Unis.
4) Avec l’élection de Barak Obama comme président des États-Unis, il y a un changement de la tactique dans la politique extérieure et intérieure, mais cela ne change rien au caractère impérialiste des USA.
La politique extrêmement réactionnaire du président Bush avait mené l’impérialisme américain dans une impasse.
Obama fut présenté comme porteur d’espoir pour beaucoup de personnes. Après l’élection d’Obama, on a enregistré une baisse temporaire des luttes des masses aux États-Unis.
Mais entre temps, la désillusion commence à se répandre.
5) Les „Trois Grands“ – General Motors, Ford et Chysler – ont dominé l’industrie automobile pendant plusieurs décennies. La ville de Detroit, avec l’État fédéral de Michigan aux États-Unis et la province voisine d’Ontario au Canada, était longtemps considérée comme la capitale mondiale de l’industrie automobile.
Durant plus de 80 ans, jusqu'en 2007, General Motors était le plus important fabricant de véhicules dans le monde. Sa part de marché s’élevait à 54 %.aux États-Unis
Avec des luttes importantes, les ouvriers nord-américains ont imposé la reconnaissance de leurs syndicats. Ces luttes étaient fortement influencées par les communistes.
Des grands moments ont été la grande grève chez General Motors dans la ville de Flint en 1937 et la lutte en 1940/ 41 pour sauvegarder l’usine de Ford-River-Rouge avec ses 83.000 ouvriers.
Ce sont surtout la politique extrême de collaboration des classes des directions des syndicats après la Seconde Guerre mondiale et les excès anticommunistes de l’ère McCarthy qui ont affaibli le mouvement ouvrier nord-américain.
Dans les années 1980, les syndicalistes canadiens se sont séparés du syndicat UAW en raison de leurs critiques, et ont fondé le CAW, qui était plus combatif au début.
En été 1998, la grève à Flint, qui avait duré 54 jours et arrêté toute la production de GM en Amérique du Nord, a donné un signal important aux États-Unis.
6) Aujourd’hui il y a toujours près d’un million d'ouvriers dans le secteur automobile en Amérique du Nord qui sont confrontés aux problèmes suivants:
* Après la Seconde Guerre mondiale, l’influence petite-bourgeoise s'est généralisée parmi les ouvriers, avec des maisons dans les banlieues et un style de vie petit-bourgeois.
* Le patriotisme joue un rôle traditionnel et est utilisé pour diviser les ouvriers. Ainsi, les syndicats appellent p. ex. à acheter seulement des produits américains.
* Aux États-Unis, à partir des années 1950, un anticommunisme rigoureux a fait rage, tel qu’on l’a connu seulement en Allemagne. Les syndicats ont expulsé les communistes.
* Aujourd’hui il n’existe aux États-Unis aucun parti ouvrier révolutionnaire, qui aurait la force d’organiser la résistance nationale des ouvriers de l’automobile et de les mener à l’offensive.
* On combat aussi les syndicats par des „zones exemptes de syndicats“ comme p. ex. chez Toyota
Pour que les monopoles soient plus compétitifs, les leaders des syndicats sacrifient des acquis des ouvriers telles que l’assurance maladie et la pension de retraite payées par l’entreprise.
Ils poussent des milliers d’ouvriers à accepter une indemnité. Mais ainsi, ils vendent les emplois de la génération prochaine.
Ces exemples montrent combien il est difficile de travailler dans les syndicats.
7) La crise économique et financière actuelle a commencé aux États-Unis.
En septembre 2008, les cinq plus grandes banques d`affaires du monde se sont effondrés en l’espace d’une semaine à Wall Street.
Une crise hypothécaire qui durait depuis plus longtemps, avait précédé cet effondrement aux États-Unis. Des crédits massifs spéculant sur la construction de maisons ne pouvaient pas être remboursés.
En quelques semaines seulement la crise financière avait déclenché une crise de surproduction avec des conséquences graves pour l`industrie automobile aux États-Unis.
En plus on a constaté une conscience écologique accrue et une hausse de prix du pétrole. Les modèles des constructeurs américains qui consument beaucoup d’essence devenaient invendables.
Le résultat était que la part du marché mondial de GM a baissé de 25 % en 2000 pour arriver à 12 %. Celle du groupe Ford baisse à moins de 10 % après avoir atteint 16 % en 2000. La chute dramatique des groupes américains les rend d’autant plus agressifs.
L’État craint des troubles dues à la crise et intervient avec des sommes d’argent gigantesques. Il y avait p. ex. une prime à la casse nettement plus élevée qu’en Allemagne. D’un autre côté, les monopoles allemands ont appris des entreprises américaines la méthode de la « participation du personnel ».
Au total, le poids de la crise aux États-Unis s’élève, d’après des calculs récents, à 23,7 billions de dollars, donc 23 millions de millions.
8) Entre temps, Chrysler et GM ont profité de leur insolvabilité pour réorganiser les grands monopoles automobiles, en recourant à la fermeture d’une douzaine d’usines et au démontage des salaires et des pensions d’entreprise.
L’État a aidé GM et Chrysler en les nationalisant partiellement, ce qui réduit la dette de GM de 128 milliards de dollars.
Cela a été lié, de la part des groupes industriels et de l’État, à un chantage gigantesque de renoncement dans les salaires, les conditions de travail et les emplois.
En renonçant à leurs propres conventions collectives, les leaders des syndicats se sont fait des sbires de ce chantage. Les 20 milliards de dollars que devait GM au fonds des pensions ont été transformés en parts de GM. On a vanté cela comme « participation ».
Comme ils avaient peur de la résistance des ouvriers, ils ont convenu en même temps une interdiction des grèves jusqu’en 2015.
Mais la résistance augmente quand même. Les consultations de la base syndicale dans les groupes de l’industrie automobile contre ces contrats de renoncement ont montré qu’un grand nombre de syndiqués ont voté contre, chez Ford, p. ex., c’étaient 41 %.
Pour la première fois chez GM, seulement la moitié des ouvriers prévus ont accepté une indemnité, et maintenant GM menace d’appliquer des licenciements ouverts.
Mais les leaders des syndicats en Europe ne s’intéressent pas du tout de savoir si 20 usines seront fermées aux États-Unis.
Souvent, les Américains ont été rendus responsables de la crise et ses conséquences. Comme solution, ils ont recommandé la dissociation de GM.
Des deux côtés de l’Atlantique, les leaders des syndicats veulent ainsi convaincre les ouvriers de faire des sacrifices pour rendre les groupes nationaux respectifs plus compétitifs.
9) Pour les ouvriers et leurs familles, la crise menace leurs conditions de vie :
* La perte d’un grand nombre d’emplois et des droits aux pensions. En 1979, au sommet de la production, 468 000 ouvriers travaillaient chez General Motors aux États-Unis, à la fin de cette année ce seront encore 40.500, ça veut dire moins de 10 %.
GM à lui seul ferme 20 usines, tout en augmentant énormément l’exploitation, et ça, après que, déjà entre 1990 et 2000, le chiffre d’affaires par ouvrier avait doublé.
* Dans les États du Sud, le gouvernement américain a imposé une baisse massive des salaires au niveau des usines japonaises (où il n’y a pas de syndicats).
* La vague des ventes judiciaires de maisons va encore en augmentant. 30% des propriétaires n’arrivent plus à couvrir leurs crédits avec la valeur de leurs maisons.
A Detroit ou à Flint, les centres-villes fleurissants autrefois, tombent maintenant en ruine. Déjà avant les faillites, le taux de chômage à Detroit s’élevait officiellement à 22 %, et 41 000 personnes étaient contraintes de manger la soupe populaire.
La banqueroute de l’État qui menace en Californie est un signe alarmant pour la coupe sombre dans la politique sociale à venir, qui va anéantir tous les promesses d’Obama: dans des programmes sociaux pour les enfants, on a supprimé 80 millions de dollars, et 111 millions dans l’assurance maladie des personnes dans le besoin.
Et Obama lui-même veut financer l’assurance maladie garantie par la loi en supprimant jusqu’à 313 millions de dollars de l’assurance maladie pour les personnes âgées et les handicapés.
10) Durant les années passées il y a eu plusieurs luttes dures importantes, dont il faut noter en particulier, à côté de la grève des dockers de la côte Ouest contre la guerre en Irak le 1er mai 2008, deux luttes des ouvriers de l’automobile qui comportaient des éléments fortement autonomes :
Chez Freightliner, une filiale de production de camions de Daimler, il y a eu une lutte dure en 2007 à propos des conditions de travail à Cleveland, qui eut pour conséquence que cinq leaders de la grève furent licenciés. Les „Frightliner Five“ continuent toujours à lutter pour leur réembauche, à l’aide d’une solidarité internationale.
Chez American Axle, le secteur délocalisé des essieux de GM, les collègues ont lutté contre une baisse de leurs salaires en 2008. La grève qui a duré 87 jours, a bloqué 20 usines de GM. Les grévistes avaient contacté des ouvriers chez Opel à Bochum en Allemagne, pour avoir des enseignements sur les expériences de la grève autonome en 2004 à Bochum.
Ils ont demandé entre autres :
« Que pouvez-vous conseiller aux ouvriers chez American Axle, comment peut-on lutter contre GM ? Comment les grévistes peuvent éviter que les co-managers du syndicat UAW reprennent l’initiative et arrivent à réprimer la grève ? »
Comme réponse, ils ont reçu un rapport sur des expériences de la grève de Bochum, du blocage de l’usine et des portes et de l’importance de la solidarité internationale.
C’est un exemple extraordinaire de l’échange international des expériences.
11) Même aux États-Unis, le capitalisme perd du crédit auprès des ouvriers de l’industrie, depuis qu’ils voient d’un côté de la rue des maisons vides et de l’autre, des villages de tentes pour les anciens locataires de ces maisons, des ouvriers qui en ont été chassés.
12) Au Canada, le nombre de jours de grève a doublé depuis le début de l’année 2009. Il y a des commentaires de journalistes qui s’étonnent que, contrairement aux crises antérieures, la colère contre les entrepreneurs soit plus grande que la peur de perdre le travail.
Ainsi, on enregistre au Canada une critique croissante de la ligne de capitulation de la part des leaders des syndicats. Beaucoup de personnels des entreprises votent avec une grande majorité contre des tels contrats.
Le contrat conclu entre les leaders de CAW et Magna a rencontré des protestations particulières. Ce conflit est important pour nous parce que Magna veut racheter Opel.
CAW renonce à une organisation syndicale propre et au droit de grève. Les ouvriers n’ont pas le droit d’élire leurs représentants, mais on leur présentera un „comité de fair-play“ qui doit s’engager à suivre les objectifs de Magna. Toutes les activités qui pourraient politiser le personnel et le mettre en contradiction avec l’entreprise sont interdites.
Le personnel des deux usines les plus importantes de GM au Canada à Oshawa et à Ingersoll ont protesté contre cet arrangement.
13) Quel sont les premiers pas d’une coordination et quelles sont les exigences pour une coordination internationale des luttes du point de vue des ouvriers nord-américains?
Il existe un groupe syndical ALENA de la confédération internationale des syndicats des métallos, qui a aussi des liens avec le Mexique, mais qui fonctionne plutôt au niveau des leaders des syndicats.
La tradition internationaliste du mouvement ouvrier nord-américain et son intérêt pour une coopération se montrent chaque fois qu’il y a la possibilité de rencontres directes. Ainsi, une ’affiche de la Rencontre internationale de la jeunesse en 2009 avec des messages d’ouvriers allemands a rencontré un succès fulgurant dans des réunions des syndicalistes combatifs aux États-Unis. Sur Internet, p. ex. sur facebook, il y a de nombreux forums de discussion sur la nécessité de résister.
Nous, le Conseil des ouvriers de l’automobile, devrions nous adresser davantage aux ouvriers en Amérique du Nord et si possible leur rendre visite avec des délégations.
Nous devrions lutter activement contre la division et apprendre les uns des autres. La coordination que nous voulons mettre sur pied dans ce Conseil doit y contribuer.
Le site Internet du Conseil devrait être accessible entièrement en anglais. L’anglais est la langue principale des ouvriers dans le secteur automobile dans le monde entier.