[Les divers rapports de pays sont issus du CITA. Nous pouvons ne pas en partager tel ou tel aspect]
Le rapport régional sur l’Europe de l’Est comprend les pays les plus importants de l’automobile en Europe de l’Est, classés dans l’ordre de leur importance pour la production de véhicules:
La Russie - la Pologne - la République Tchèque - la Biélorussie - la Roumanie - la Hongrie - l’Ukraine - la Slovaquie - la Serbie - le Monténégro
Les pays, à part la Russie, l’Ukraine ainsi que la Serbie et le Monténégro, font partie de l’UE et sont aujourd’hui des pays capitalistes néocoloniaux, donc dépendants. La Russie est un pays impérialiste ayant des ambitions d’hégémonie, marqué par une politique instable et une agressivité prononcée.
L’Ukraine est un pays capitaliste avec une dépendance croissante des monopoles orientaux et surtout occidentaux.
Les États d’Europe de l’Est sont devenus pour l’Europe de l’Ouest un nouveau marché important, qui a été construit principalement avec des crédits et un fort endettement individuel de la population.
Au début de la crise économique mondiale, la Hongrie, la Roumanie, la Lituanie et la Lettonie étaient menacées de la banqueroute de l’État. Le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions internationales sont venus à leur rescousse avec des milliards d’Euros pour empêcher des révoltes comme en Lettonie et en Lituanie. En Lettonie, le gouvernement a été renversé, en République tchèque et en Hongrie, il a changé en raison d’une crise politique ouverte.
Dans les pays orientaux de l’UE, les salaires dans l’industrie automobile s’élèvent à environ un tiers des salaires en Europe de l’Ouest, les employés de l’industrie ont encore moins de salaire. Le chômage dans la plupart des pays dépasse les 10 %.
L’Ukraine et surtout la Russie sont très riches en gisements de matières premières. Mais l’industrie de transformation est techniquement arriérée dans les deux pays. Par la crise, l’économie des deux pays s’est effondrée profondément, ce qui entraîne aux niveaux local et régional des actions de résistance spontanées et violentes.
Le développement de l’industrie de l’automobile en Europe de l’Est de la décennie écoulée est caractérisé par une forte augmentation des investissements effectués par les groupes automobiles internationaux dans les sites de production.
L’effondrement des marchés financiers et la crise économique mondiale persistante n’entraînent qu’un affaiblissement relatif du zèle d’expansion. Il est vrai que des investissements, surtout en Russie, sont ajournés, mais il y a aussi une nouvelle hausse de la production et des grands projets.
Ainsi, VW veut, par exemple, agrandir la production en Slovaquie. Skoda prévoit une usine pour une petite voiture en Ukraine; VW et GM ont ouvert en 2008 des usines de production en Russie et Ford vient d’y agrandir une usine. Daimler a fait son entrée dans l’usine de camions KamAz en Russie. L’entrée de Magna chez Opel vise en même temps à introduire des techniques de pointe dans l’usine de voitures GAZ/Nijni Novgorod en Russie et à élargir la production en conséquence.
L’entrée des monopoles internationaux dans les pays d’Europe orientale de l’UE et dernièrement aussi en Russie a permis la construction d’usines sur des bases technologiques les plus récentes, liée à une croissance énorme de la productivité.
Alors qu’en Russie, une partie de la production reste arriérée – l’augmentation de la production entre 1997 et 2007 ne s’y élevant qu’à 83,53 % - par contre, en Pologne, en République tchèque, en Hongrie et en Slovaquie, on a des bonds dans la croissance de la productivité qui se situent entre 296 % et 530 %, et en Roumanie, où on est parti d’un niveau extrêmement bas, de 1000 pour cent.
Les effets de la crise économique mondiale
En Russie: réduction des heures de travail sans compensation de salaire chez Avtovaz, Ford, GM, et une lutte acharnée contre ces mesures. Les usines datant de l’ancienne URSS ont à lutter contre leur retard technologique et se trouvent contraintes de licenciements massifs. Ainsi à elle seules, les entreprises GAZ, Avtovaz et l’usine d’automobiles Ishevsk prévoient ou viennent d’effectuer la suppression de 55 000 emplois
Ford fait exécuter des arrêts de la production et du chômage partiel sans compensation de salaire et sans allocation chômage, parce que le groupe industriel préfère recevoir des petites voitures d’Europe de l’Ouest. Un employé raconte:
« Non seulement que nous sommes passés à la semaine de 4 jours. Nous sommes aussi tous à la moitié du temps, sans rien faire, sans travail. L’Europe ne livre pas les pièces. En plus, on a décrété qu’il était interdit de livrer des « Focus » russes. Tout est submergé de Ford et de Focus belges, elles sont très chères. Pour les voitures Ford russes, le délai de livraison est d’un an et demi à deux ans. »
Apparemment, Ford a voulu empêcher une aggravation de la lutte des classes en Europe de l’Ouest et pour cela a augmenté le rendement dans ces usines.
Les conditions de travail et de salaire, le rôle de l’État, les ouvriers intérimaires etc.
Ce qui est particulier à la Russie, à l’Ukraine et à d’autres pays de l’Est par rapport aux usines automobiles en Europe de l’Ouest, c’est qu’une grande partie, souvent la moitié, sont des ouvrières. Elles ont, p. ex., joué un rôle décisif dans la grève chez Ford fin 2007. Ce sont elles qui sentent le plus directement quand le salaire ne suffit plus pour nourrir la famille ; pour elles, il n’était pas question de briser la grève, elles étaient les piquets de grève les plus actifs.
Des mesures de l’État: En Slovaquie aussi, il y a une prime à la casse, en Russie on est en train d’en prévoir une. Avec la conséquence qu’en Slovaquie, il n’y a encore eu ni licenciements ni travail à temps partiel jusqu’ici. La crise est minimisée par les gouvernements. Il faut rajouter le rôle des partis anciennement révisionnistes qui font tout pour empêcher la lutte. Dans un rapport de la République tchèque sur le résultat de cette minimisation, on constate que « les ouvriers pensent que ce n’est pas une crise, ou bien ils sont d’avis que la crise est déjà terminée. » Alors qu’en République tchèque, le taux de chômage s’élève à 11 %.
Le gouvernement russe a essayé de protéger sa propre industrie automobile par des droits d’importation. Des milliers de commerçants et leurs employés ont protesté contre cette politique, des villes entières au bord du pacifique, qui vivent de la vente de véhicules importés d’Asie orientale. Dans la ville automobile de Togliatti, il y a eu une manifestation du syndicat combatif « Unité » contre cette division socio chauviniste entre les sites par le gouvernement. En même temps, les syndicats officiels ont organisé une manifestation pour les droits d’importation. Un collègue rapporte : « Cette mesure de protectionnisme de la part du gouvernement est très nocive. Plus que cela : cette politique divise les ouvriers de la Russie entre ceux de la Russie centrale, ceux de la Volga et ceux de l’extrême Orient et la Sibérie. »
Les luttes les plus importantes :
Une lutte importante en Europe de l’Est a été celle de Dacia en Roumanie au printemps 2008. Le 24 mars 2008, 8 000 des 13 000 employés ont arrêté le travail. Ils trouvaient qu’ils travaillent autant que les collègues en France ou en Turquie, et ont donc réclamé 148 €, ce qui représentait une augmentation de 60 % de leur salaire. Dacia appartient à Renault, qui a essayé de faire déclarer par la justice que la grève était illégale. L’entreprise a fait du chantage sur les CDD, elle a fait de la pression sur les contremaîtres pour qu’ils trouvent des briseurs de grève parmi les travailleurs. La direction de l’entreprise a menacé de délocaliser la production au Maroc, en Russie ou en Inde. Mais la grève a duré 18 jours et s’est terminée par un succès partiel, c.-à-d. par une augmentation de salaire d’à peu près 30 %. C’est surtout en France que cette grève a suscité de l’intérêt. Puisque les collègues ne recevaient pas d’allocation de grève par leur propre syndicat, des syndicats français ont déclaré qu’eux, ils la payeraient.
Ce qui est caractéristique des luttes en Russie et en Ukraine, c’est qu’il s’agit en même temps de la construction et du renforcement de nouveaux syndicats combatifs, car les anciens syndicats, où les directeurs des usines et les patrons tiennent la commande, tentent d’empêcher toute lutte. Il fallait donc à chaque fois imposer d’abord la reconnaissance du syndicat; d’ailleurs, c’était aussi le cas pour VW à Kaluga près de Moscou. En Russie, les syndicats combatifs de différentes entreprises ont formé le MRPA, un syndicat suprarégional commun qui organise le soutien réciproque des luttes dans les différentes usines. Les monopoles et l’État combattent ce syndicat par tous les moyens, p. ex. en refusant l’autorisation, en menaçant les membres de licenciement, jusqu’à commettre des attentats contre des membres dirigeants. Petr Solotarev, le président de ce syndicat suprarégional et en même temps président du syndicat combatif d’Avtovaz, a été convoqué devant les services secrets, pour motif de prétendu « extrémisme »
La lutte la plus importante des deux dernières années a été celle chez Ford à Vsevolozhsk près de Saint-Petersbourg en Russie. Elle a rayonné sur toute la Russie et dans le monde entier. C’est là que – comme on l’avait rapporté au Conseil des ouvriers de l’automobile voici deux ans – les ouvriers de Ford avaient obtenu par la lutte la reconnaissance du syndicat qu’ils avaient construit eux-mêmes, et ce sur une zone industrielle qui avait été prévue pour rester exempte de syndicats! Le 20 novembre 2007, les travailleurs ont démarré leur lutte pour une augmentation de salaire de 30 %, alors que l’inflation s’élevait à 11,5 %.
La grève de 4 semaines menée avec dureté, a été rendue publique au niveau international, notamment par des collègues qui étaient à ce Conseil des ouvriers de l’automobile en 2007, et elle a trouvé du soutien et de la solidarité dans le monde entier. Le 3 décembre, par exemple, devant les usines de Ford à Cologne et à Saarlouis, un journal „des collègues pour les collègues“ l’a fait connaître. En Russie et dans de nombreux autres pays, on a collecté des dons pour que les collègues puissent tenir bon dans la grève. Le parti marxiste-léniniste allemand MLPD a informé les partis et organisations marxistes-léninistes et révolutionnaires dans le monde entier et leur a suggéré de « devenir actifs pour organiser la solidarité internationale et l’unité ouvrière, surtout auprès du personnel de Ford dans vos pays. »
Une question importante a été de tirer les leçons de la lutte chez Opel ; pour cela, un bilan de ces luttes a été traduit en russe. La grève a fini le 15 décembre 2007. Les travailleurs ont obtenu une augmentation de 12 % de salaire. Le résultat principal était que le personnel avait montré par sa lutte dure et déterminée que même petit, il pouvait prendre l’offensive et sortir vainqueur contre un groupe industriel mondial.
La grève et la conscience de classe accrue dans toute la Russie par cette lutte ont des répercussions jusqu’à présent. Ford n’a pas pu s’imposer avec ses rappels à l’ordre contre une partie des collègues actifs ; les collègues, conscients de leur force, ont recouru à la justice et organisé toujours à nouveau la solidarité internationale. Chez FORD-Vsevolozhsk, en mai 2009, 70 collègues sont sortis devant la porte de l’usine pour protester contre la réduction des heures de travail sans compensation de salaire.
Une discussion importante a lieu actuellement à Togliatti chez Avtovaz, la plus grande usine automobile de Russie, avec quelque 100 000 employés. En septembre, 5 000 employés ont été licenciés, et on parle de supprimer 28 000 autres emplois. Quelles sont les questions qui se posent aux 20 000 collègues qu’on veut mettre à la porte moyennant un dédommagement. Nous attendons avec intérêt le rapport direct de Togliatti.
Dès à présent, à Togliatti, il y a un grand manque de garderie d’enfants à plein temps ; les mères monoparentales vivent au minimum d’existence. Les ouvriers endettés ne peuvent pas payer les intérêts. Des magasins et des filiales des banques ferment massivement, ce qui entraîne des licenciements supplémentaires pour des centaines de collègues. Ce développement à Avtovaz montre clairement que les ouvriers de l’automobile doivent être étroitement liés avec la vie entière et avec les gens vivant dans leur ville, et qu’ils doivent chercher avec eux, au-delà de l’usine, une alliance dans la lutte. La lutte pour le maintien des emplois et des salaires est aussi la lutte pour le maintien de la vie dans leur ville et leur région.
Les luttes dures auxquelles il faut s’attendre en Europe de l’Est occupent aussi certains hommes d’État de haut rang. Ainsi, Monsieur Blair, conseiller chargé de la sécurité du Président des États-Unis, Obama, donne un avertissement dans son analyse politique de sécurité : « L’Europe et l’ancienne URSS ont vécu le gros des manifestations dirigées contre l’État. »
Dans les pays d’Europe de l’Est, l’expérience de la construction du socialisme est vivante. Mais après, on a installé un nouveau capitalisme bureaucratique. Les conséquences de cette trahison envers le socialisme, et le fait que le capitalisme bureaucratique a toujours été présenté comme socialisme, pour tromper les gens, se font aussi encore sentir jusqu’à présent dans la conscience de classe.
Un collègue de Vsevolozhsk écrit : « La génération plus âgée de mes collègues regrette encore le temps où nous avions une autre société. Surtout les retraités et les anciens combattants regrettent les acquis et les avantages, car ils sont maintenant pauvres comme des mendiants et sans intérêt pour l’État. Et leurs enfants ne peuvent pas les aider, parce qu’ils sont au chômage et ont pris de grands crédits. C’est pourquoi la jeunesse ne participe pas à nos disputes de savoir ce qui est mieux et ce qui est pire. Mais ils nous écoutent, ils analysent et en tirent leurs conclusions. »
Nous pouvons les aider dans leur dispute et dans les conclusions, en profitant de ces journées de conseil, afin d’élever le niveau de notre unité comme partie intégrante du prolétariat industriel international pour la lutte commune contre la domination dévastatrice des supermonopoles internationaux.