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14 septembre 2025 7 14 /09 /septembre /2025 15:33

Dimanche 14 septembre 2025

Une enquête "Pénibilité" à l'usine Michelin de Blanzy (71)

 

Début 2024, la Fédération de la Chimie CGT lançait une grande enquête sur la pénibilité dans les diverses branches de la profession. Une initiative très importante, tant la pénibilité est au cœur de l’exploitation ouvrière d’un côté, et masquée, niée de toutes leurs forces par les bourgeois-exploiteurs aux commandes de l’autre côté. Tous les gouvernements successifs se sont acharnés à rejeter toute discussion sur la question, il ne saurait pour eux être question de reconnaître que « le travail pourrait être pénible », n’est-ce pas Macron ? Et pourtant, toutes les statistiques officielles affirment, chiffres à l’appui, qu’au fil des ans le travail est de plus en plus pénible.

Nous le savons bien, c’est notre vie quotidienne, et sur ce blog, depuis vingt ans (voir la section consacrée au sujet ICI), nous avons consacré une part importante de notre travail à dénoncer, former, combattre toutes les matérialisations de ce fléau qui touche avant tout les prolétaires (mais pas que, voir les burn-out des cadres), dans leur corps comme dans leur cerveau.

 

Les camarades de Michelin Blanzy (Saône et Loire) viennent de rendre public sur Facebook les résultats de cette enquête sur leur entreprise, que nous diffusons ci-dessous sous forme de vidéo (il suffit de l’arrêter pour lire chaque diapositive, si ça passe trop vite et on peut l'agrandir en cliquant sur l'icône en bas à droite). Un excellent travail syndical, vraiment félicitations, il est vrai que les camarades sont particulièrement motivés sur le sujet, voir le travail qu’ils ont déjà fait sur les toxiques HAP utilisés dans la fabrication des pneumatiques. Là, ils ne se sont pas contentés d’afficher l’enquête sur la panneau syndical, ils ont été chercher les collègues un.e par un.e pour avoir une réponse la plus complète possible. C’est du beau travail de terrain.

Et les résultats parlent d’eux-mêmes sur la vraie réalité de l’exploitation ouvrière. Ils ne nous étonnent pas plus que ça, ils confortent ce que nous disons depuis toujours sur ce blog, mais il est toujours aussi important de les rendre publics, de les faire connaître le plus largement possible pour rompre le véritable « négationnisme » qui existe sur le sujet, en particulier relativement à la retraite. Et une nouvelle fois, nous ne pouvons que regretter le silence récurrent de la Confédération à ce propos, sans initiative sérieuse depuis le meeting de Dunkerque de 2007, tout en félicitant les professions (Construction, Chimie, Egoutiers…) qui continuent à mobiliser sur le sujet.

A la suite la vidéo, nous revenons sur quelques thèmes soulevés par l’enquête.

 

 

A propos de l’enquête de la FNIC, deux remarques en passant, sans prétention et sans rien retirer à la qualité générale de ce travail très intéressant.

  • Le terme « fatigue » n’apparaît pas dans l’enquête. C’est à la fois très surprenant, parce que c’est quand même le quotidien du prolétaire, et en même temps, nous-mêmes avons constaté comment il est auto-censuré par les ouvriers. La fatigue, ce n’est pas un problème psychologique, c’est une réalité physique, et pourtant ça ne vient dans la discussion avec les collègues que pour le week-end, lors de la « récupération ». D’une certaine manière la fatigue, c’est considéré comme « normal » dans le travail. Alors que cela n’a rien de normal.

Si n’importe quel exercice physique provoque évidemment de la fatigue, rien à voir avec celle provoquée par le travail contraint de l’exploitation. Qu’il s’agisse des horaires atypiques, de la surcharge physique, du bruit, ou de tout le contexte, la fatigue du travail épuise parce qu’elle passe les bornes de ce qui est physiquement acceptable, elle pousse le rouleau au-delà de l’admissible, sans pouvoir y mettre fin de nous-mêmes. Et que donc la récupération est toujours longue et difficile, voire parfois impossible jusqu’à l’invalidité.

A notre avis, il aurait été important d’aborder ce sujet dans l’enquête pour « révéler » aux prolétaires que, non, cette fatigue n’a rien de normal, qu’elle n’est que la marque de l’exploitation toujours plus féroce des capitalistes.

Cela dit, soyons honnêtes le questionnaire traite par ailleurs des divers aspects des conditions du travail contraint que nous devons endurer.

  • Une question du questionnaire nous a posé problème, la N°13 : « Le salaire doit-il compenser la pénibilité ? ». Nous ne sommes pas d’accord avec cette question. D’abord parce que posée comme ça, n’importe quel prolétaire ne peut répondre que « oui ». On n’apprend donc absolument rien.

Ensuite, parce qu’on ne peut pas compenser la pénibilité par le salaire. En ce sens, on peut s’interroger sur ce que voulaient dire les 33 ouvrier.e.s de Michelin qui ont répondu NON à cette question.

Face à la pénibilité, il y a deux réponses : la prévention et la réparation.

-    La prévention, c’est éliminer les causes de la pénibilité, sur le fond et collectivement, et pas par l’empilage insupportable d’EPI (casque, masque, lunettes, bouchons d’oreille, gants, combinaison etc.), qui rendent le travailleur responsable s’il a le malheur d’en laisser un de côté. Eliminer à la base les causes du bruit (conception des matériels, carénages), des poussières (matières premières, aspirations), des toxiques (abandon des dangereux), des postures (appareillages, convoyeurs), pour éliminer la pénibilité. Interdire le travail de nuit et à la chaîne, aussi, ce sont des questions de fond. Réduire massivement le temps de travail face aux tâches pénibles indispensables, pour éviter la destruction du corps et de l’esprit. Et ainsi de suite, c’est un combat de tous les jours. Et évidemment, ça coûte cher, et les exploiteurs ne veulent pas en entendre parler…

-    La réparation, ce ne sont pas des sous ou des primes : la destruction, ça ne se paye pas. On ne va pas accepter de se tuer pour quelques euros de plus, c’est impossible. La réparation, c’est la réduction du temps de travail, et la pré-retraite pénibilité. Sur ce blog, nous avons avancé la reconnaissance de « sites pénibles » (comme Michelin Blanzy), à l’instar des « sites amiantes » déjà reconnus (voir sur ce blog la section à ce propos), avec le même droit à une pré-retraite au tiers-temps, à savoir un an de pré-retraite pour trois ans d’exposition reconnus.

Ce n’est évidemment pas contradictoire avec tous les accords de pré-retraite pénibilité, mais c’est dans ce sens qu’il faut aller, même si le chemin est encore long.

 

Pour conclure tout à fait provisoirement, au-delà de quelques défauts inévitables, cette enquête de la FNIC est un outil absolument excellent pour enquêter sur le fond, mobiliser, organiser le combat.

C’est donc avec beaucoup d’intérêt que nous attendons le résultat général, ou même simplement par branche.
 

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