Mercredi 12 janvier 2011
Sans-papiers : la déconfiture...
Sur ce blog
nous avons depuis l'origine critiqué la conduite d’un mouvement dont nous pensions, en octobre 2009, qu’il aurait pu s’élargir et devenir un puissant
mouvement de lutte de classe !
Nous devons constater (une nouvelle fois !) qu’après quinze mois de lutte, le bilan est catastrophique - et que nous avions malheureusement raison. Le bilan est largement inférieur même à
ce qu’envisageait Besson au départ comme régularisations possibles (1000).
Et ce ne sont pas les grévistes qui sont en cause. Leur détermination et leur courage remarquables méritent toute notre
admiration et notre respect.
Bien sûr, face à cette détermination il y a celle du gouvernement. Mais la fermeté de ce dernier a été encouragée par la façon
dont les responsables syndicaux (de la CFDT à Solidaires en passant par la CGT qui pilote) ont reculé à la moindre promesse, après avoir évacué les boites occupés sans trop opposer de résistance.
Puis le parvis de l’Opéra Bastille a été évacué en juin 2010, avec l’annonce d’un récépissé valant autorisation provisoire de séjour – récépissé dont personne n’a vu ensuite la couleur. Début
octobre la Cité de l’immigration Porte Dorée (CNHI) était occupée, occupation imposée quelque part par le mécontentement des sans papiers qui ne voyait rien arriver. On avait même droit le
7 octobre à un déplacement sur place de Bernard Thibault, juste pour se faire mousser pour la journée du travail décent. Cette occupation a été liquidée mi décembre sous pression de la CGT (communiqué sauvegardé ICI) réduite à une occupation symbolique dans une salle annexe et juste aux heures
d’ouverture, en échange d’une vague promesse que la direction de la Cité allait « peser de tout son poids » en faveur des grévistes.
Les syndicats sont allés de recul en recul. Ils se sont montrés incapables de faire respecter les engagements déjà très au
rabais qu’ils avaient obtenu en novembre 2009 et juin 2010. Aujourd’hui ils paraissent même incapables d’obtenir de la préfecture de Paris des informations sur les modalités de traitement des
dossiers déjà déposés. Ou s’ils en ont, elles ne sont pas communiqués aux sans papiers. Bref la direction de la CGT n’est même plus être en mesure de peser, ou pire, paraît même ne pas vouloir
agir auprès d’une préfecture ou du ministère pour obtenir au moins une information fiable sur la suite donnée aux demandes de régularisation.
Aujourd’hui 3900 dossiers ont été déposés auprès des préfectures de la région parisienne. 900 récépissés ont été délivrés,
principalement dans les départements extérieurs à Paris où par contre le blocage est total. Mais aujourd’hui, la préfecture du 93 ne renouvelle pas tous les récépissés provisoires qu’elle avait
délivrés il y a trois mois, y compris pour des grévistes d’entreprises comme la SCIFODIAM ! D’un autre côté, alors quelques dizaines de récépissés avaient été délivrés au cours des premières
semaines d’occupation de la CNHI à Paris, depuis la gestion « à l’amiable » de l’occupation, plus rien !
La levée de l’occupation, à « l’amiable », a (une nouvelle fois) été un marché de dupe, mis en scène par la CGT. La direction de
la CNHI craignait l’image déplorable qu’aurait été une évacuation policière de cet endroit symbolique de l’immigration. La direction syndicale du mouvement imaginait pouvoir « créer un rapport de
force » en faisant « ami-ami » avec ceux avec qui elle s’affronte. Bref ce mode d’action encourage la fermeté du gouvernement qui sait ne rien avoir à craindre.
Beaucoup de travailleurs sans papiers ne croient plus à la CGT. L’occupation de la CNHI, qui avait relancé la mobilisation, ne
concerne plus aujourd’hui qu’une centaine de travailleurs. Après des mois de lutte, tous ceux qui ont pu retrouver du travail, bossent. Ils ne sont guère en condition d’être là entre 9 et 19
heures (horaires « négociés » d’occupation « a l’amiable » !!!).
Pourtant, la détermination ne manque pas, pourvu qu’il y ait le cadre et la volonté. Le 2 janvier le Collectif de Vitry a occupé le centre des impôts d’Ivry. Cette action, qui a
dynamisé le collectif, a eu une bonne couverture par la presse. Depuis une délégation de membres du collectif a pu rencontrer le nouveau préfet.
Alors, sans doute pour ne pas laisser le champ libre aux collectifs, la direction CGT du mouvement a (comme d’habitude, et comme
par hasard !!!) décidé un rassemblement devant la préfecture du 94, vendredi 14 janvier.
La semaine dernière la commission exécutive de l’UD CGT du 94 s’est réunie en présence de Chauveau, afin de mobiliser les UL du
Val de Marne pour la réussite de cette initiative. Chauveau a alors exprimé devant cette instance la nécessité de combattre le racisme qui existe encore dans la CGT. Nous sommes loin de l’époque
où le même dirigeant et Francine Blanche affirmaient que le mouvement des sans papiers était massivement appuyé par l’opinion, et où le congrès CGT faisait une ovation à la délégation des sans papiers en lutte
!
Mais il ne faut pas ce laisser piéger par l'argument. C’est à la fois un excellent prétexte pour justifier l’échec lamentable du mouvement que la CGT et lui en particulier a pourtant piloté de bout en bout (c’est lui, et personne d’autre qui a fait lever le piquet de l’Opéra Bastille en échange d’un mensonge éhonté, celui de l’APS-K pour tous ; c’est lui et personne d’autre, qui a négocié la fin de l’occupation de la Cité de l’Immigration, contre l’avis des sans-papiers eux-mêmes – et on en passe !), et d'autre part pour justifier le manque d’investissement massif de la confédération dans la lutte, et donc le relatif isolement des camarades de la CGT investis dans le soutien.
Et pourtant, nombre de camarades attendaient des directives, des consignes, comme la CGT sait si bien le faire quand elle le
veut vraiment, pour savoir comment lancer et élargir le mouvement. Il ne s'agit pas du tout de racisme, mais de détermination et de véritable engagement de lutte de classe, au delà d'une
mobilisation symbolique pour tenter d'impressionner le gouvernement, ce qu'imaginait initialement la direction confédérale...
Comme nous l’écrivions en novembre, il se confirme que le mouvement des grévistes
sans-papiers débouche sur un échec, sans doute provisoire. Echec dû à l'intransigeance du gouvernement (cela n'est pas pour étonner), mais surtout à l'orientation donnée à la lutte par les
"Onze", pilotés par la CGT. Se voulant des interlocuteurs responsables, ils ne conçoivent la lutte des classes que comme moyen de pression ("Arrêtez-moi, sinon je fais un malheur !") et pas comme
rapport de force en construction pour faire céder l'ennemi, de gré ou de force. Dernier exemple en date, la délégation syndicale qui a rencontré la direction de l’immigration la semaine dernière
lui a fait part « de son profond mécontentement ». Hortefeux en tremble encore...
Malgré l’échec patent, les responsables, qu'ils soient à la CGT ou à Solidaires, au delà du discours radical, persistent dans
une tactique faite de reculades successives, sans la moindre autocritique, en refusant toute action convergente avec les collectifs. Il ne fait pas bon exprimer des doutes sur le mouvement dans
les assemblées CGT !!! La langue de bois ne parle que grande avancée de la lutte de classe…
Ce n’est plus les sans papiers qu’ils paraissent vouloir défendre, mais leur propre crédit déjà bien bas. Les militants de la
CGT et de Solidaire qui s’inscrivent dans le combat de classe doivent faire un bilan honnête, constater que nous avons raison sur toute la ligne depuis le début (il suffit de relire tous les
articles sur le sujet sur ce blog), et exiger que leurs dirigeants rendre des
comptes.
Nos camarades sans-papiers ont été trahis et sont abandonnés. Cela pèsera lourd, car la confiance qu’ils pouvaient avoir dans
les organisations syndicales et dans leurs militants a été fortement entamée. Ce n’est donc pas seulement un coup dur pour les travailleurs sans papiers, mais aussi pour le mouvement de classe.
Mais avec eux, il faudra repartir à l'attaque, en faisant le bilan de ces échecs, pour construire le rapport de force et les organisions de lutte, qui pourront conduire les sans papiers vers des
succès ! Mais aussi en menant le combat dans nos organisations syndicales pour que cette lutte pour la régularisation de tous les sans papiers, la lutte pour l’unité de la classe, soit portée non
en paroles mais en acte dans toute la classe ouvrière.
Les critères, on n'en veut pas !
Le cas par cas, on n'en veut pas !
Régularisation sans condition de tous les sans-papiers !
Pour l’unité de la classe ouvrière !