Vendredi 24 juin 2011
Travailleurs sans-papiers : enfin la vraie vérité !
Un texte circule actuellement dans les réseaux RESF, en particulier parmi les personnes directement impliquées dans la défense juridique des grévistes du mouvement de l'an dernier.
Ce texte fait des vagues, car il écrit noir sur blanc ce que tout le monde savait (et dénoncé semaine après semaine sur ce blog...) mais qu'il ne fallait pas afficher : cette lutte est non seulement un échec du point de vue des régularisations, mais une catastrophe du point de vue de la répression.
Ce texte est encore plein d'illusions (ou de diplomatie ?) sur les Onze et leur prétendue direction de la grève, sur les élections de 2012 et ce que feront les partis "de gauche". Sur ce blog, nous avons fait le bilan - sans concessions. Néanmoins, ce texte a quand même le mérite de mettre les pieds dans le plat et de dire, enfin, ouvertement les choses.
Pourtant, le mouvement des sans-papiers continue. Malgré la crise (une de plus !) ouverte au sein de la CSP75 pour des raisons confuses de démocratie et de pouvoir personnel, les camarades du CTSPV (Vitry) ont occupé le bureau départemental du travail la semaine dernière (voir le tract ICI) avec l'appui des syndicats (leur déclaration est ICI).
En même temps, les collectifs de Bagnolet, du 94 de la Rue des Sorins à Montreuil, de la Barre Balzac à La Courneuve, les haragas tunisiens se retrouvent pour élargir la lutte pour le droit aux papiers, pour le droit au logement, et finalement ainsi pour le droit au travail. Ce blog n'est pas le lieu développer plus avant à ce propos (on pourra lire le détail des événements à Montreuil sur ce blog), mais nous voulons insister sur le fait qu'il y a le potentiel, il y a les forces, parmi les sans-papiers comme dans le mouvement syndical, et que si le mouvement gréviste a échoué, ce n'est pas de la responsabilité des camarades sans-papiers, mais de ceux qui les ont dirigé à l'impasse, direction de la CGT en tête.
Travailleurs étrangers grévistes: les refus de séjour et la riposte des soutiens
Peu d'informations ont circulé sur les suites des dépôts collectifs en 2010 de demandes de titres "Salarié" des grévistes de
l'Acte II du mouvement des travailleurs sans papiers. Nous racontons ici une partie de l'histoire: celle des 400 grévistes qui ont reçu un refus avec OQTF(Obligation de quitter le territoire),
dans plusieurs départements autour de Paris, principalement en Seine Saint Denis.
A partir de janvier les OQTF ont commencé à tomber: une trentaine en janvier, près de 100 en février, puis jusqu'à 140 par mois
jusqu'en juin. 440 à ce jour, dont quelques uns dans l'Oise, en Seine et Marne et dans les Yvelines, une trentaine dans les Hauts de Seine, et le reste en Seine Saint Denis. Dans le Val-de-Marne
ce sont des refus simples, sans OQTF, donc sans réelle possibilité d'accès à la justice.
La riposte s'est organisée autour des grévistes dans plusieurs directions.
- La CGT a entrepris de contester les refus auprès du ministère (recours hiérarchiques), ceux sans OQTF comme les autres. A ce
jour, des centaines de recours ont été déposés, dont les 3/4 pour le 93. Quelques premiers succès ont été obtenus.
- Un collectif d'avocats s'est constitué au sein de l'ADDE (Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers) pour contester ces
décisions devant les tribunaux administratifs (recours contentieux). Ce collectif compte aujourd'hui une trentaine d'avocats, qui prennent les dossiers avec l'Aide Juridictionnelle (AJ). Une
partie des recours est assurée par la Cimade.
- Des soutiens associatifs (Cimade, RESF, LDH) se sont mobilisés pour orienter les grévistes vers les avocats du collectif et les
aider dans la préparation des demandes d'AJ. Des permanences ont été organisées en urgence, qui ont reçu environ 360 personnes en trois mois et demi. Une petite partie des grévistes (moins de 30)
n'ont malheureusement pas pu être reçus dans les temps pour amorcer le recours au TA. Tous et chacun des grévistes sont suivis individuellement et collectivement dans l'ensemble de ces
parcours.
Certains grévistes avaient reçu un, puis deux récépissés. Ils avaient immédiatement repris le travail, parfois déjà annoncé la
bonne nouvelle au pays, mais quelque temps plus tard, Bing! l'OQTF leur est tombée dessus et tout a été remis en cause. On a même vu le cas de récépissés avec autorisation de travailler, puis une
OQTF, puis son abrogation, suivie de la délivrance d'un nouveau récépissé, cette fois-ci SANS autorisation de travailler!
Avec un tel nombre de refus groupés, on se rend compte d'anomalies inquiétantes. Ainsi, trop souvent, la décision de rejet n'a pas
été reçue par le gréviste, qui en est informé au guichet quand il vient renouveler son récépissé, alors que le délai de recours et dépassé. On découvre ainsi des irrégularités dans la
distribution des courriers par la poste. On a aussi vu des décisions préfectorales non datées, donnant valeur d'éternité à l'obligation de quitter la France.
Quant aux grévistes toujours sans réponse, ils retournent encore et toujours aux guichets des diverses préfectures et sous-préfectures, pour s'entendre redemander des documents
supplémentaires, différents selon les préfectures. La liste jointe (ci-contre), reçue au Raincy (93) en juin, est clairement de nature à décourager les employeurs de bonne volonté.
Tandis que le bras de fer entre la CGT et le pouvoir se poursuit, le processus judiciaire, auquel nous sommes associées en tant
que "petites mains", prendra des mois. Les audiences sont attendues en fin d'année. La première annoncée se déroulera à Amiens en septembre.
Ce mouvement social inédit ne doit pas s'éteindre dans le silence et l'abandon de ses principaux acteurs aux vents mauvais de la
politique. A la veille d'un été lourd de menaces, nos organisations doivent se remobiliser avec les Onze et concentrer leurs efforts pour empêcher que les accords arrachés par de fortes
mobilisations depuis plus de trois ans ne se transforment en lettres mortes pour un trop grand nombre.
Au delà, il est urgent d'interpeller les partis politiques pour qu’ils inscrivent dans leurs programmes un accueil des migrants
qui soit digne, le respect du droit du travail pour tous et l’abrogation de lois sur l'immigration aussi cruelles qu'inefficaces. En dépit des mobilisations importantes qui ont accompagné sa
discussion par les élus, la nouvelle loi sur l'immigration durcit gravement les conditions de refoulement des migrants. Elle continue de rejeter les travailleurs qui luttent contre le dumping
social, les délocalisations sur place et les atteintes au droit du travail. Quel impact sur ces femmes et ces hommes courageux allons-nous devoir encore essayer de parer?
Une lutte unie autour de cette grève des Travailleurs Sans Papiers nous paraît plus que jamais nécessaire !
21 juin 2011
Eva Peysson (RESF) - Martine Vernier (Cimade, RESF) - Elisabeth Zucker (LDH, RESF)